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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 06:56

 

Publié chez Points en janvier 2011, Crimes horticoles de Mélanie Vincelette n’entre pas dans la catégorie polar. Néanmoins, la belle originalité de ce roman mérite qu’on s’y intéresse…

La jeune Émile vit à La Conception, quelque part dans la campagne québécoise. Cet été-là, c’est celui de ses douze ans. Malgré son prénom masculin, Émile est une fille. Il faut dire que ses parents, Philippe et Anouk, sont aussi singuliers que l’endroit où habite cette famille. Il s’agit d’un ancien motel en mauvais état, fermé suite à une sale histoire, que Philippe a acheté à un prix dérisoire. Le père d’Émile, qui cultive du pavot, espère ainsi faire fortune. Même si ses tentatives n’ont pas été très réussies, jusqu’à présent. Les précédents projets de Philippe ont été de parfaits ratages : Il a également eu l’idée des patchs anticellulite à la fleur de cerisier. Échec commercial total, l’Oréal n’a jamais voulu acheter le concept. VINCELETTE-2011Aujourd’hui, il se consacre à cette plantation de pavot, située à trois kilomètres de leur maison, tout en pratiquant aussi la taxidermie. Il passe pas mal de temps au Faucon Bleu, et en compagnie de la belle Irlande.

Anouk, la mère d’Émile, est actuellement enceinte. C’est une cuisinière inspirée, expérimentant des recettes originales. Sa principale activité, c’est la voyance. Pour ses clients, Anouk fait même figure de véritable gourou. Elle ne s’occupe guère de sa fille. Celui qui se charge de l’éducation d’Émile, c’est Liam. Érudit fantasque, Liam vit avec son chien Shakespeare. Aventurier natif de Marseille, il s’installa ici pour sa compagne Béatrice, décédée depuis. Il possède un tableau signé Vincent, peut-être de Van Gogh, son trésor. Liam reste marqué par le souvenir de Tanger, où il pourrait retourner un jour, pourquoi pas avec Émile. La gamine fait semblant de s’intéresser à la vie religieuse depuis quelques temps. C’est parce qu’elle est tombée amoureuse d’Eduardo Luna, le jeune prêtre latino-américain séduisant récemment installé à La Conception.

La sœur Sarah risque d’être un handicap pour l’amour d’Émile, car elle est jeune et belle. Des jolies femmes, on n’en manque pas dans cette communauté. Le Faucon Bleu, le club dirigé par Pavel, ne se contente pas de spectacles de danse. Ce bar à putes est une attraction dans la région. Pas le genre de lieu pour une fille de son âge, mais Émile fréquente volontiers les prostituées qui viennent souvent boire du thé au pavot avec sa mère. La belle Irlande est une confidente plus attentive qu’Anouk. La meilleure amie d’Émile est Nila, la fille de Pavel. On ne sait pas ce qu’est devenue la mère de Nila, danseuse de passage. Sylvio Valiquette, le policier local, n’est pas trop regardant quant aux activités de Philippe. Il voudrait juste mettre la main sur un dément échappé de l’asile, qui rôde dans les forêts environnantes. Après la naissance du petit Enzo, le bébé d’Anouk, plusieurs autres faits vont perturber la vie de la jeune Émile…

 

À douze ans, la vie est un kaléidoscope d’images quotidiennes, de personnages idéalisés et de rêves inatteignables. Ni petit adulte, ni même adolescent, on sort progressivement de l’enfance, sans rejeter son imaginaire. Insouciant bonheur, espièglerie, regard libre sur le monde, tout semble permis à cet âge. On sent instinctivement que les adultes ne donnent pas le meilleur exemple. S’imaginer ailleurs, fantasmer sur un autre destin, ce n’est pas interdit. En attendant, on observe avec curiosité les gens autour de soi, excentriques ou étonnants. Leur caractère, leurs ambiguïtés, leur expérience, tout cela attire et interroge.

Tel est le portrait poétique et diablement souriant que propose la québécoise Mélanie Vincelette, auteure et éditrice. Sa jeune héroïne Émile est entourée d’un univers, certes pas paradisiaque, mais riche de situations hors normes. Hormis la culture du pavot qui est illégale, et un fou quand même dangereux en liberté, ne cherchons pas d’autres crimes, puisqu’il ne s’agit pas d’un polar. Laissons-nous entraîner par la narration enjouée qui, au fil de courts chapitres, nous raconte en toute simplicité les péripéties des douze ans d’Émile.

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13 décembre 2010 1 13 /12 /décembre /2010 07:08

 

La série BD "Magasin Général" de Loisel & Tripp nous propose en cette fin 2010 son tome6 "Ernest Latulippe" (Casterman). Retournons avec plaisir dans la province du Québec, au cœur des années 1920...

Propriétaire du Magasin général de Notre-Dames-des-Lacs, Marie est partie à Montréal avec sa protégée Jacinthe. Mais, leur séjour chez la tante Philomène s’éternise. Vie citadine et rencontres amoureuses font que Marie ne semble pas pressée de revenir chez elle. En son absence, c’est Serge qui s’occupe du commerce. Les produits commencent à manquer pour approvisionner le village. Faute de solution, la population est nerveuse. Les rancœurs contre Marie et les mauvais prétextes alimentent un pugilat général. BD-LOISEL&TRIPP-6Si les hommes regrettent la belle et serviable Marie, la jalousie des femmes est à son comble. Ce n’est pas le jeune curé qui peut calmer la situation. Serge doit d’abord faire l’inventaire, et tenter d’obtenir des marchandises à crédit auprès des fournisseurs de Saint-Siméon. Ceux-ci refusent, n’accordant leur confiance qu’à Marie.

Serge va avancer l’argent, puisant dans ses économies pour acheter du stock. Juste les affaires indispensables à chacun, en attendant de pouvoir fonctionner correctement. Il prend avec ses amis Isaac et Alcide la route de Saint-Siméon. Un problème de taille entrave leur route : le pont a été détruit par les pluies. Tous les hommes du village s’unissent pour le réparer, tandis que les femmes doivent seules se charger des récoltes. Ce qui suscite encore d’amers commérages contre Marie. À Montréal, si le séjour convient encore à Marie, Jacinthe s’ennuie de plus en plus. Peut-être est-il temps qu’elles rentrent, accompagnées de la tante Philomène. Le pont est à peine remis en état, qu’une surprise attend au main la population de Notre-Dame-des-Lacs : la camionnette de Marie stationne devant le Magasin général.

Très vite, un attroupement s’est formé devant le commerce. Jacinthe retrouve avec plaisir son ami Gaétan, l’employé simplet du Magasin général, ainsi que tous les autres. Marie redoute quelque peu ce retour, car elle s’est éloignée suite à des malentendus. Pourtant, tout se passe bien avec Serge, qui n’a d’yeux que pour elle. Et les habitants du village veulent qu’elle raconte tout ce qu’elle a vu à Montréal. C’est alors que surgit Ernest Latulippe, le vieux trappeur. Attaqué par un ours, son frère Mathurin est gravement touché. Une expédition s’organise pour aller le soigner et le ramener au village. Outre les images de la grande ville, Marie raconte à son amie Adèle ses aventures amoureuses à Montréal…

Voici le sixième tome de cette fort agréable série de Régis Loisel et Jean-Louis Tripp, chronique d’une communauté rurale québécoise dans les années 1920. Il n’est sans doute pas indispensable d’avoir lu tous les précédents pour apprécier. Jeune veuve, unique commerçante locale, la prévenante Marie est au centre de la vie villageoise. Les réactions la concernant apparaissent très crédibles, comme il se doit dans une telle bourgade. Évidemment, l’adaptation des dialogues en québécois par Jimmy Beaulieu ajoute beaucoup de charme à l’histoire. Au risque de placer un peu trop de pis, de ben correct et d’icitte quand même. Pis ta Lucienne, elle est-tu encore en sacrement ? Elle rumine là-dessus. Elle est pas parlable. Ça reste très sympa, bien sûr ! Le scénario largement souriant et le dessin sont parfaitement en harmonie. Un nouvel épisode très réussi.

Cette série BD a été évoquée ici dans une précédente chronique.

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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 07:07

 

La francophonie se résume généralement à des évènements institutionnels. Un show télé musical par-ci, le thème d’un festival culturel par-là. C’est bien, mais c’est assez peu concret dans l’esprit du public. Nos amis Africains, nos cousins Québécois, les ambassadeurs de la langue française, autant d’expressions plutôt symboliques.

À l’occasion de la Saint Jean-Baptiste, jour de la Fête Nationale du Québec (le 24 juin), un article de l’ami Richard M. m’a fait prendre conscience du peu d’efforts que nous tous consacrons à leur culture, leur littérature. Ils forment pourtant un grand îlot francophone dans le continent américano-anglophone. Richard citait quelques noms d’auteurs qui ne m’étaient pas inconnus, mais sans précisions (dans ma mémoire) 

L’idée d’une rubrique Spécial Québec me vient lorsque je découvre une collection québécoise aux accents rocks, Coups de Tête. Depuis, cette rubrique se développe progressivement. J’ai y parlé BDs (Michel Rabagliati, Marsi, Loisel & Tripp), j’ai interviewé Michel Vézina, j’ai chroniqué Nelly Arcan, Jean-François Poupart, Dominique Nantel, Luc Baranger, François Barcelo, Dominique Bellavance, Andrée A.Michaud, Stanley Péan, Louise Penny, Jacques Savoie et Michel Vézina. Quelques autres suivront, c’est promis.

BEAULIEULa grande question reste : comment se procurer des romans québécois en France ? En effet, rares sont les points de vente présentant un espace dédié à la francophonie québécoise, identifié comme tel. Serait-ce une mission quasiment impossible ? Non, pas tellement plus que d’acquérir n’importe quel livre.

Plusieurs cas de figure sont à distinguer.

Le plus facile, ce sont les écrivains du Québec publiés par des éditeurs français. Michel Tremblay, Dany Laferrière, Yves Beauchemin, et quelques autres, sont ainsi correctement diffusés. Parmi les nouveautés 2010, Lazy Bird d’Andrée A.Michaud (chez Seuil) ou le singulier Bibi de Victor-Lévy Beaulieu (chez Grasset) sont aisément disponibles. Il y aurait sans doute d’autres exemples.

Deuxième cas, les éditeurs québécois présents en France. L’éditeur Les 400 coups (collection Coups de tête) est dans le circuit de diffusion, mais nettement moins affiché que les éditeurs français. Pour ma part, j’ai acheté quelques-uns des romans en question dans un espace culturel Leclerc. Pas introuvables, donc. D’autres sont plutôt présents sur commande. C’est le cas de Libre Expression, de Québec Amérique, de Alire, de La Courte Échelle, etc. Pour les BDs de l’éditeur La Pastèque, rares sont aussi les exemplaires directement disponibles. Il convient donc de les commander auprès des libraires, et d’être un peu patients. Car le délai est souvent de quatre à huit jours, voire un peu plus. Exemple personnel, j’en ai acheté à la Librairie du Québec à Paris, qui expédie dans un délai rapide (en fonction des titres disponibles) sans frais exagérés. Certaines nouveautés québécoises coûtent un peu plus cher que les tarifs habituels. Le dollar canadien n’est pas l’Euro. Ne nous laissons toutefois pas rebuter par quelques Euros de plus.

Dans quelle mesure pouvons-nous directement commander au Québec ? J’avoue ne pas être qualifié pour répondre. Il me semble que la frontière inter-monétaire n’est franchissable que pour des experts. Et ça risque de doubler le prix du livre ainsi commandé, tous frais compris.

Les systèmes actuels de diffusion des livres privilégient l’actualité. Au bout de quelques mois, des auteurs disparaissent parfois des rayonnages. J’ai cherché vainement Chrystine Brouillet et deux ou trois autres auteurs, par exemple. Pas dans les nouveautés, donc plus difficile. Dans ce cas, commandes et livraisons sont aléatoires au niveau des points de vente, même quand les libraires sont efficaces. Par contre, les sites Internet proposent énormément de livres d’occasion (ou neufs) à des tarifs très raisonnables. Expérience concluante quand j’ai commandé (chez livrenpoche.com, mais il en existe beaucoup d'autres) et reçu quelques titres québécois, pour un prix pas excessif. Si l’on ne cherche pas uniquement des nouveautés, c’est la meilleure solution, la moins coûteuse, et plutôt fiable. La seule chose à vérifier, c’est qu’ils ont ces livres en stock, sinon se pose la question du délai déjà évoquée plus haut.

Pas de parcours du combattant pour se procurer des romans québécois en France. Comme pour tout achat, il suffit de repérer quelques titres ou quelques auteurs dignes d’intérêt. Les sites et blogs québécois sont là pour vous renseigner. Les libraires ou les sites Internet n’ont plus qu’à vous servir. Et c’est ainsi que vous découvrirez une littérature (polar) francophone différente et riche d’originalité.

 

Des sites et blogs à consulter :

 

http://lecturederichard.over-blog.com/

 

http://polarophiles.olympe-network.com/

 

http://www.litterature-quebecoise.com/classement/clas-polars-thrillers.html

 

http://www.revue-alibis.com/

 

http://www.passemot.blogspot.com/

 

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 06:55

 

Le roman de Jacques Savoie Cinq secondes, qu’il n’est pas difficile de se procurer en France, a reçu en septembre 2010 le Prix Saint-Pacôme, récompense majeure de la Littérature québécoise. Distinction méritée, pour un suspense de très belle qualité. (aux Éditions Libre Expression)

Jérôme Marceau est enquêteur au Service de Police de la Ville de Montréal, section des homicides. Si ses collègues le surnomment Aileron, c’est que ce policier quadragénaire ne possède qu’un seul bras, le gauche. Sa peau basanée de mulâtre est aussi assez remarquable. Expert en documentation informatique, Marceau connaît à la perfection le métro et le réseau souterrain de Montréal. Sa mère culpabilise toujours à cause de son handicap, causé par un médicament. En l’absence de sa supérieure, Lynda Léveillée, il va diriger le service. Il sera assisté des policiers Corriveau et O’Leary, tandis que l’enquêteure Isabelle Blanchet se chargera de l’informatique. Ils sont bientôt confrontés à une tuerie. Au Palais de Justice, une femme vient d’abattre quatre personnes et a tenté de se suicider. Elle est depuis dans le coma à l’hôpital Saint-Luc, où on espère qu’elle s’en sortira.

SAVOIE-2010L’audience au Tribunal s’annonçait pourtant vite réglée. L’accusation de fraudes était abandonnée contre Julie Sanche, seule restait celle de prostitution. L’avocat Denis Brown avait tout arrangé, même l'entrée discrète de l'accusée dans le tribunal. Soudain, la jeune femme de 26 ans s’est emparée d’une arme, abattant en quelques secondes le gardien de sécurité, le juge Rochette, le témoin Gilbert Bois, et l’avocat Brown. Selon les premiers éléments, la tireuse s’appelle plus certainement Brigitte Leclerc. Ce qu’ignorent encore les enquêteurs, c’est que sa jeunesse fut mouvementée. À seize ans, elle fut arrêtée après des braquages. Quand elle sortit de prison, son père lui conseilla d’adopter l’identité de Julie, la défunte sœur de Brigitte. Une manière d’attendre quelques années sa réhabilitation, le Pardon de Justice. Mais Carl Leclerc était un trafiquant chevronné, qui entraîna sa fille Brigitte dans ses arnaques.

Jérôme Marceau doit se montrer prudent car la veuve du juge Rochette, Évelyne Lebel, est elle-même un magistrat influent. Son équipe et lui ne tardent pas à perquisitionner à l’adresse du père de la jeune femme, mort depuis peu. On y trouve un stock d’articles digne d’un entrepôt commercial. La véritable adresse de Brigitte, Marceau va la trouver sur un reçu de livraison de pizza. Pour une supposée puéricultrice virée de son emploi après une drôle d’affaire, voilà un bien bel appartement, propriété de la société Brigitte Julie Inc. Si sa vie a été un ramassis de mensonges et d’escroquerie, encore Jérôme doit-il en démêler les nœuds. Pour son collègue O’Leary, la raison du carnage est simplement liée à la fortune frauduleuse amassée par Brigitte et son père. Marceau est convaincu que le geste de la tireuse a obéi à d’autres motifs. Malgré la tempête qui sévit sur la ville, il poursuit son enquête avec ténacité et clairvoyance…

 

Il se demandait combien de temps il faut pour revoir une vie. Cinq secondes, ça lui paraissait bien court.Dévoiler que le titre répond aux cinq secondes durant lesquelles la tueuse voit défiler les étapes de son existence, ça n’est rien révéler. Car toute la subtilité de ces flash-backs consiste à suggérer ses divers mobiles, à travers le parcours chaotique de Brigitte. S’il s’agit d’une jeune femme déterminée, son caractère profond est plus nuancé.

Bien sûr, le singulier enquêteur est un héros fort attachant, par son humanité comme par son intuition. On prend plaisir à le suivre dans les corridors du Montréal souterrain. Prouver qu’il est capable de mener à bien ce dossier, s’attirer le respect de ses collègues, et comprendre les méandres de l’affaire, tels sont ses buts. Vaste défi, on est de tout cœur avec lui. Précisons aux lecteurs français qu’au Québec, un dépanneur signifie une épicerie, s’incorporer veut dire créer sa société, un condo c’est un appartement dont on est propriétaire, une fournaise est un appareil de chauffage. Ce qui se traduit assez aisément, dans le contexte. Une excellente intrigue, précise et non dénuée d’humour.

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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 06:58

 

Voici une chronique plutôt destinée aux lecteurs du Québec. En effet, il est difficile de se procurer en France le premier roman de Louise Penny, En plein cœur (Flammarion Québec, 2010).

Loin des routes principales, Three Pines est un paisible village campagnard dans les Cantons-de-l’Est. Quand le corps de Jane Neal est retrouvé dans les bois ce matin-là, la police est bientôt sur les lieux. Âgée de 76 ans, cette enseignante retraitée a éduqué bon nombre d’habitants de la bourgade. Selon les premières constatations, il pourrait s’agir d’un accident de chasse. Pilotée par une jeune recrue, l’agente Yvette Nichol, l’inspecteur-chef Armand Gamache rejoint sur les lieux son équipe de la Sûreté du Québec. Son adjoint Beauvoir confirme que la vieille dame a pu être transpercée par une flèche, mais on n’a rien découvert autour. Ben Hadley est le témoin qui a trouvé le corps. Il est très marqué, car Jane Neal était une amie de sa mère, Timmer Hadley, décédée de maladie voilà quelques semaines. L’ancienne enseignante ne semblait pas compter d’ennemis.

PENNY-1Épouse du peintre Peter Morrow, elle-même artiste, Clara est sans doute la plus choquée parmi les habitants. Elle partageait avec Jane Neal une amitié telle mère et fille. Son mari a des difficultés à la réconforter. Le cercle des proches de la victime réagit diversement. Poétesse réputée, Ruth Zardo ne masque pas son caractère vif. Olivier Brûlé, qui tient le bistrot local, et son compagnon Gabriel sont peinés, mais ne le montrent pas trop. Ex-psychologue à Montréal, la bouquiniste Myrna est la seule Noire de Three Pines. Armand Gamache rencontre l’héritière de Jane Neal, la fière Yolande, agent immobilier. Pas de tendresse à attendre de cette femme, qui interdit à la police de pénétrer chez sa tante. Du vivant de celle-ci, personne n’entrait chez elle, d’ailleurs. Sans être vraiment à suspecter, le mari et le fils de Yolande sont connus pour leurs actes délictueux.

À Three Pines, il y a un club de tir à l’arc, dont le siège se situe dans l’ancienne école du village. Curieuse coïncidence, peut-être. Mais ici, beaucoup de gens pratiquent la chasse à l’arc, avec du matériel plus ou moins récent. Ayant réuni la population, Armand Gamache ne tarde pas à le vérifier. La policière Isabelle Lacoste a retrouvé une pièce de la flèche mortelle. Par contre, Gamache n’est pas très satisfait de la jeune Yvette Nichol, brouillonne et trop peu investie dans l’enquête. Est-ce qu’un trio de jeunes perturbateurs du village aurait un rapport avec la mort de Jane Neal ? Fort incertain. Le testament de la défunte parait incontestable, laissant quasiment tout à sa sèche nièce Yolande. Le policier Gamache a repéré un vieil affût et un sentier d’animaux, peut-être en lien avec le crime. Matthew Croft, son épouse et leur fils adolescent sont des pratiquants confirmés du tir à l’arc. Ce qui fait finalement d’eux les principaux suspects…

PENNY-1-UK-Canada

 

Écrit par une Québécoise anglophone, ce roman d’enquête joue essentiellement sur les ambiances et la psychologie des protagonistes. C’est ce qui explique un tempo narratif plutôt lent, mais riche en précisions. Axée sur le décor villageois, l’histoire rappelle un peu certaines affaires de l’inspecteur Barnaby, le héros créé par Caroline Graham. Notable différence, toutefois : Louise Penny souligne moins les hypocrisies inhérentes à une communauté comme celle-là. Elle décrit plutôt l’aveuglement du groupe, qui ne soupçonne jamais un des siens. Grâce à l’harmonie qui règne dans la bourgade, anglo- et francophones, ruraux et ex-citadins, hétéros et homos, se côtoient sans problème. Pourtant, cet équilibre n’est pas exempt de zones d’ombre. Policier expérimenté et ouvert, Armand Gamache trouve progressivement sa place dans cette bulle paradisiaque. Au risque d’être provisoirement suspendu de ses fonctions, à cause de son empathie pour la population. Pendant ce temps, son équipe n’est pas inactive. Il faut donc accepter le doux rythme campagnard automnal pour pleinement apprécier cette belle intrigue. Ce roman a été récompensé par plusieurs Prix littéraires au Canada, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Disponible au Québec, on espère qu’il sera prochainement diffusé en France.

www.flammarion.qc.ca

Cet article est dédié à l’ami Richard. Merci encore.

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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 06:57

 

Il est à craindre que Stanley Péan soit largement méconnu en France. Pourtant, se procurer ses livres n’est pas bien difficile (*). Né à Port-au-Prince en 1966, il vit au Québec depuis sa prime enfance. Son premier roman, Le tumulte de mon sang, date de 1991 et fut récompensé par un Prix littéraire. Ce n’est donc pas une nouveauté, mais il est toujours disponible (réédité en 2007, aux éditions La courte échelle)…

Péan-1Lui, c’est un jeune poète originaire d’Haïti, élevé par sa grand-mère au Québec. Elle, sa compagne journaliste Madeline Duché dite Mady, est également native d’Haïti. Elle fut élevée par son oncle et parrain, le colonel Rodrigue Duché, dans une propriété de Nouvelle-Angleterre. Une enfance protégée, bourgeoise même, dans ce manoir dont elle fut la Princesse du château. À l’initiative de Mady, le couple va passer quelques jours en amoureux chez Rodrigue Duché. Quand ils arrivent, ils sont (mal) accueillis par des gardes armés Noirs, sous la direction d’un certain Wilson. Il semble qu’une panne technique explique cette sécurité renforcée. Reçu par l’oncle de Mady, le couple s’installe. Troublé par l’ambiance inquiétante du manoir, le jeune Haïtien cauchemarde dès la première nuit.

Le lendemain matin, il fait la connaissance de Ouidah, l’ex-nounou de Mady. Il remarque le regard perçant et méfiant de cette Haïtienne. Dès le premier réel contact avec le colonel Duché, le jeune intellectuel éprouve une nette aversion envers ce militaire. Certes, l’oncle fut plutôt un opposant à Papa Doc, mais on peut s’interroger sur l’aisance financière dont il jouit. Ce n’est sans doute pas le fruit d’une honnête activité. Rodrigue Duché reste imprécis sur les menaces dont il serait l’objet. Pour sa sécurité, il a besoin de ces mercenaires armés. Wilson, leur chef, se montre insultant envers le jeune invité. Mulâtre au teint noir pâle, il accepte mal les termes mal blanchis et Haïchiens. Il apparaît que le cynique Wilson est, en réalité, agressif envers tout interlocuteur.

Rodrigue Duché adopte finalement le compagnon de sa nièce et filleule. Il a lu et apprécié la poésie du jeune homme. Pourtant, ce dernier continue à se sentir mal dans ces lieux. Il est victime d’hallucinations et d’autres cauchemars. Assez habituelle, la légende du manoir maudit n’explique rien. La nounou Ouidah reste discrète sur les menaces évoquées par l’oncle. Néanmoins, le danger se précise bientôt. Puisqu’un chien ragé rôde dans la propriété, il serait prudent que le couple s’en aille. Mady s’y refuse obstinément. Ni son oncle, ni son compagnon ne parviennent à la décider. La suite va prendre une tournure dramatique…

 

L’auteur s’inspire de ses racines haïtiennes pour cette fiction à suspense. On y trouve des références marquées au vodou. Plus que religion ou sorcellerie, le vodou exprime l’âme traditionnelle haïtienne. Un glossaire nous permet de traduire certaines formules créoles d’Haïti, et nous présente quelques personnages ayant jalonné l’Histoire de ce pays. On devine le parallèle entre cette maison maléfique et les tragédies qu’a connu Haïti au fil du temps et des dictatures.

A-t-on jamais vu un pays si petit, si pauvre, avec autant d’écrivains, d’intellectuels et de penseurs de tout acabit par pied carré ?Là, vous avez tort, colonel. Le principal problème du pays, de toute l’Amérique latine à vrai dire, c’est le trop grand nombre de soldats ambitieux qui voudraient tous être Pinochet.Certes, comme le précise l’auteur, nous observons Haïtidepuis des balcons trop éloignéspour comprendre tous les enjeux menant à la pauvreté permanente de cet état. Toutefois, Haïti ne possède pas moins de richesses et de capacités humaines que tout pays. Il n’est pas absurde d’imaginer une volonté internationale de maintenir Haïti et quelques autres contrées dans la misère, afin de les présenter comme exemples d’incompétence et d’instabilité. Si elle est utile, l’aide caritative n’apporte guère de solution à long terme pour Haïti. Cette opinion personnelle nous éloigne du contenu de ce livre, pas de son contexte. Un roman de très belle qualité.

 

(*) Par exemple, dans cette librairie (cliquez) mais il existe d'autres points de ventes.   

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 07:11

 

Parmi les nouveaux titres de la collection Coups de Tête, voici Zones 5 de Michel Vézina. Rappelons que ces romans sont disponibles en France.

Au Québec, dans un futur proche. Indépendant depuis quelques décennies, le pays appuie son économie sur l’exportation d’eau, richesse désormais rare. Une filiale de la Lyonnaise des Eaux, la Boréale, s’est associée au pouvoir en place pour dominer économiquement le Québec. Un découpage permet aux nantis de se protéger dans les Zones 1, tandis que les populations sont reléguées selon leur niveau de pauvreté dans les Zones 2, 3 et 4. VEZINA-zones5Accès et déplacements sont contrôlés depuis La Grande Expropriation qui a vidé une partie du pays.

Des groupes marginaux espèrent échapper au système mis en œuvre. Ils se sont installés dans d’anciens villages de l’Est, laissés à l’abandon. C’est ainsi que Jappy, sa compagne Élise, Ender, et quelques amis squattent à Blanc-Sablon, sur le Golfe du Saint-Laurent. Selon Jappy, il s’agit de concrétiser des Zones Autonomes Temporaires, inspirées des TAZ du philosophe anarchiste Hakim Bey. Ses propositions sur l’insurrection permanente, au lieu de vaines révolutions, ont séduit Jappy. Ender et son disciple Diego, ainsi qu’Élise, sont plutôt partisans d’un activisme minant la société actuelle. Détourner les infos officielles via Internet est un jeu. Les réseaux entre villages squattés peuvent leur permettre d’aller beaucoup plus loin dans leur résistance.

Bien qu’occupé, surtout depuis que leur groupe grossit, Jappy s’ennuie. Élise à accouché de leur enfant, Kassad, un bébé très particulier. Cette naissance ne suffit pas à l’enthousiasmer. Quand la Compagnie Collective des squatteurs décide d’arraisonner un cargo de passage dans la baie, Jappy retrouve un certain entrain. Avant de saborder le navire vidé de sa cargaison, les pirates recueillent l’équipage et les clandestins maltraités venus du Kivu. Parmi ces Noirs, Jappy repère instinctivement la belle Shade, attirante par sa nature combative. Les actes de piraterie maritime se poursuivent bientôt. Opérations excitantes autant que fructueuses, sans doute. Pourtant, partisan de vivre secrètement loin de la société, Jappy mesure vite le danger de tant s’exposer. Sous l’influence d’Ender et de Diego, l’ensemble des squatteurs se laisse trop facilement entraîner.

Bien que Rimouski soit une ville hyper protégée, dédiée au tourisme et à la culture encadrée, Jappy parvient à s’y infiltrer un temps. Grâce à ses contacts sur place, ils peuvent organiser un petit bordel, c’est-à-dire quelques trafics illicites. L’attaque d’un navire pétrolier est une réussite, piraterie d’envergure qui fait réagir les autorités. Maintenant, les bateaux seront escortés sur le Saint-Laurent. Forts de leurs succès, les groupes marginaux s’éloignent des préceptes simples des ZAT. S’en prendre à un paquebot de croisière transportant de riches clients, Jappy est hostile à cette idée. Bien qu’il participe à l’assaut, la suite lui donne raison. Même dans l’adversité, il peut compter sur ses contacts. Tels Big Jo et Gloria, ses amis de Rimouski, ou les Innus ralliés à leur combat…

 

Sociologues ou statisticiens nous parlent d’une vision raisonnable de l’avenir. Politiques et économistes se contentent de gérer notre monde à court terme. Présenter une version alternative de la société de demain est le rôle qui incombe aux romanciers.

C’est-ce que nous propose Michel Vézina dans ce polar futuriste, de la série Élise. La précision narrative nous permet d’imaginer facilement l’univers qui est décrit, même si l’on n’est pas québécois. Il n’est jamais inutile de souligner la mainmise des groupes financiers sur les décisions politiques. Le rejet d’un système, qui n’est profitable qu’aux élites les plus aisées, amène diverses éventualités. Entre le mythe de Robin des Bois et les idées anarchistes d’Hakim Bey, entre devenir pirate pour subsister et mener une guérilla révolutionnaire contre l’État, les motivations sont divergentes. Sans doute est-ce là l’ambiguïté des utopies. Voilà ce qu’illustre l’auteur à travers cette histoire.

Outre le propos sociétal, c’est aussi un roman d’aventures, dont les libres héros vivent de multiples péripéties et sont confrontés à de réels périls. La marginalité exige parfois des actes délictueux ou criminels. Nuancée, la psychologie des personnages montre leur caractère humain dans une époque qui aura aseptisé tout sens de la liberté. Un scénario d’une originalité extrêmement séduisante.

Lire aussi la chronique que Paul Maugendre consacre à "Zones 5" chez Mystère Jazz.

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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 06:58

 

Luc Baranger importe Gabriel Lecouvreur au Canada. Dans Maria chape de haine (Éd.Baleine), Le Poulpe enquête au Québec…

Si son frère évolue dans d’influents milieux politiques et sa sœur dans les hautes sphères bancaires, le policier Réal Larouche n’est pas le plus brillant enquêteur du Québec. Quand on retrouve un cadavre sur la rive du lac Memphrémagog, il est chargé de l’affaire. L’homme n’est pas mort noyé, ni à cause de la balle qui lui a éclaté la rotule, mais d’un violent coup de marteau sur la nuque. C’est grâce à ses chaussures que la victime est bientôt identifiée. Il s’agit de Quentin Cointreau, un Français installé près de Magog depuis une vingtaine d’années. Il s’occupe d’une auberge locale avec son épouse Maria Dansereau.

BARANGER-PoulpeQuand Maria contacte Gabriel Lecouvreur, ce dernier ne tarde pas à sauter dans un avion, en direction du Québec. Quentin Cointreau, c’était son meilleur ami d’enfance, presque son jumeau puisqu’ils étaient nés le même jour. Quentin et son frère furent élevés par un père qui finit en prison. Ado révolté des années 1970, Quentin adopta les théories des anars les plus radicaux. Son chaotique parcours passa par l’Armée, avant qu’il n’entraîne Gabriel avec lui au Québec, vingt-sept ans plus tôt. Marquée par le froid et la dèche, l’expérience tourna vite court pour le Poulpe. Un peu à cause de la belle Maria, dont tous deux étaient amoureux. Cette ex-junkie et Quentin se mirent en couple, tandis que Gabriel rentrait en France. C’est en héritant des chambres d’hôtes de sa grand-mère que Maria et son compagnon purent heureusement sortir de la mouise.

Certes, le domaine touristique qu’ils exploitent fonctionnent bien. Pour disposer d’autant de fric, c’est que Quentin s’occupait d’autres affaires. Le révolutionnaire ardent d’autrefois semblait bien s’être accommodé de la société capitaliste nord-américaine. Quand, débarquant au Québec, Gabriel questionne Maria à ce sujet, elle prétend ne rien savoir des activités extérieures de Quentin. Qu’il interroge leur voisin, un vieux Breton de soixante-seize ans nommé Cadoudal.

Dés le lendemain, le Poulpe se rend chez celui-ci, où il est accueilli par une ourse très câline. Cad est un aventurier ayant vécu plusieurs vies. Il connaît les activités parallèles de leur défunt ami. Quentin commença par un petit bizness de chantage à crédit, avant que les deux hommes ne s’associent pour des coups plus juteux. Jouant parfois à Robin des Bois, il organisèrent pour leur propre profit de fructueux rackets. Que Réal Larouche vienne les interroger n’inquiète guère le vieux Cadoudal. Le trio a toutes les raisons de bien s’entendre, surtout quand la menace se précise. Maria étant maintenant en danger, il s’agit de la sauver…

Si le Poulpe est voyageur, il traverse rarement les océans. Pourtant, le voici à 130 kilomètres à l’ouest de Montréal, dans une station touristique de l’Estrie, entre lac et montagne. Les souvenirs concernant son ami tiennent une large place dans cette histoire. Que sont les anars d’antan devenus, au fil du temps ? Pour Gabriel, c’est aussi l’occasion d’explorer la situation politico-économique du Québec, où les malversations ne seraient pas plus rares qu’ailleurs, nous dit-on. L’exemplarité resterait une notion relative là-bas aussi ? Luc Baranger est généreux en vieil argot français, sans négliger le savoureux langage québécois. Pas avare non plus d’images évocatrices : Le Poulpe regardait [Maria] bouche bée, fasciné, comme si elle était la Vierge Marie en string léopard ligotée par des lanières de cuir au grand menhir de Locmariaquer. (Petite rectification anecdotique : surnommer le vieux Cadoudal le Bigouden est erroné, car Kerléano dont il est natif se trouve dans le Morbihan). C’est un fort sympathique épisode du Poulpe qui nous est proposé une fois encore.

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