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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 06:42

 

Après Nature Morte, toujours chez Actes Noirs, voici le nouveau titre de la romancière québécoise anglophone Louise Penny : Sous la glace.

PENNY-2011-2Three Pines est un village des Cantons-de-l’Est, guère éloigné de Montréal, tout au plus une bonne heure de trajet. Néanmoins, cette tranquille bourgade figure à peine sur les cartes routières. Y habitent autant de francophones que d’Anglos, en parfaite harmonie. Le principal point de rencontre est le bistro d’Olivier, dont le compagnon Gabri tient un gîte pour touristes. On trouve aussi la librairie de Myrna, une Noire qui fut psy à Montréal avant de s’installer ici par hasard. Clara et Peter forment un couple d’artistes, la sensible Clara ayant plus de mal que son mari à imposer ses œuvres.

Si la poétesse Ruth Zardo connaît un certain succès, on retient surtout le caractère cinglant de celle qui est également chef des pompiers locaux. Amicale, la douce Émilie Longpré reçoit ponctuellement ses amies âgées. Telles Kaye Thompson, 92 ans, et Béatrice Mayer, 78 ans, dite Mère Bi. Cécilia de Poitiers (dite C.C., 48 ans), son mari Richard Lyon et leur fille de douze ans Crie, sont de nouveaux venus au village. Ils ont acquis la maison maléfique des Hadley, où ils ne résident pas en permanence.

S’imaginant femme d’affaires, C.C. a publié à compte d’auteur une sorte de traité du bien-être, Be calm. Elle prétend s’inspirer d’une vieille philosophie mystique, le Li Bien, un genre de feng shui. Ses préceptes fumeux ne sont pas si éloignés de ceux utilisés par Mère Bi, qui ne les exploite pas commercialement. C.C. est assurément une femme de caractère. Elle méprise son mari mollasson, improbable inventeur, autant que leur grosse fille passant pour une attardée. Elle a un amant photographe, Saul Petrov. Celui-ci reste lucide quant à l’égoïsme de C.C., étant quasi-sûr que les ambitions de sa maîtresse sont vouées à l’échec. En cette froide période de Noël, chacun porte une nouvelle tuque bien chaude sur la tête, et participe aux festivités traditionnelles. Habitants ou résidants de passage, tout ce petit monde séjourne en ce moment à Three Pines. C.C. trouve soudain la mort alors qu’elle assistait à une compétition de curling.

Le policier Armand Gamache allait s’occuper du décès inexpliqué d’une SDF de Montréal que l’on appelait Elle, quand il est appelé sur cette affaire. Il retourne dans ce village où il a déjà mené une enquête. Avec son adjoint Beauvoir, la première question à se poser est de savoir comment a été électrocutée C.C. Sur place, le jeune agent Robert Lemieux sera probablement plus efficace que, dans l’affaire précédente, l’incompétente agente Nichols. Présents lors du drame, Clara et Peter ont tenté avec d’autres de sauver la victime. Clara évite de dire qu’elle a été récemment blessée par l’attitude de C.C. Plus directe, l’impitoyable poétesse et pompier Ruth Zardo n’estime guère cette famille.

Dès le lendemain, l’équipe de Gamache est au village, cherchant des indices. Selon la Dr Harris, le faible voltage de l’électrocution justifie mal le décès. Les policiers questionnent les témoins présents au curling. On apprend que le photographe Saul Petrov se trouve aussi dans le secteur. Sa hiérarchie lui ayant imposé l’agente Nichols, Gamache envoie l’agent Lemieux à Montréal enquêter sur la mort d’Elle, la SDF…

 

Voici la deuxième affaire traitée par le policier Armand Gamache, de la Sécurité du Québec. L’hiver venu, Three Pines ressemble encore davantage à un village idyllique. Le qualificatif de communauté, cher aux nord-Américains, s’applique plus que jamais. Néanmoins, cette paisible bourgade d’Estrie semble marquée par le crime. NATURE2011Il est rare qu’une victime attire aussi peu la sympathie. Arriviste, cynique, elle inspire des réactions négatives à tous. On devine aisément qu’elle n’avait pas investi à Three Pines sans raison, même si son mépris touche autant sa famille que les villageois.

On ne doit pas s’attendre à une enquête au tempo rythmé, aux rebondissements spectaculaires. C’est la psychologie relationnelle (y compris au sein de la police) qui guide l’intrigue, les indices n’étant confirmés que progressivement. Avec Gamache, le lecteur observe cette communauté, sans conclusions précipitées. Un très agréable suspense, non sans humour, dans lequel il convient de s’installer, meilleur moyen d’en apprécier la saveur. Et, finalement, d’en résoudre les sombres mystères, bien sûr.

 

Lire aussi ma chronique concernant "Nature morte", la première enquête du policier Gamache.

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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 05:35

 

Ponctuellement, je vous suggère des romans d’auteurs québécois. La plupart de ces titres sont aisément disponibles en France. Leurs polars et autres fictions sont généralement d’excellent niveau. Ces francophones d’Amérique du Nord qui écrivent en français défendent avec passion notre langue, ça mérite d’être salué. Certains lecteurs peuvent craindre que les romans québécois soient parsemés d’expressions typiquement locales, d’un vocabulaire imagé, un peu hermétique pour nous. Il est vrai qu’ils utilisent des termes courants, tels un dépanneur (une supérette), un condo (un appartement en copropriété), GUIDE-QUEBECOISun sous-marin (un sandwich baguette) ou le très usité pantoute (pas du tout, rien du tout). Le sens du récit permet de traduire facilement. Quant aux jurons, de tabarnak à câlice en passant par crisse d’ostie, ils n’ont nul besoin de traduction. Toutefois, il est bien rare que les auteurs abusent de termes trop typés.

Pour ceux qui ne voudraient pas manquer les subtilités du langage québécois, un nouveau petit guide peut les y aider : Les 1000 mots indispensables en québécois (Éd.First) de Marie-Lou Guévin et Marie-Pierre Gazaille. Ce livre nous indique d’abord les termes à ne pas confondre, bon moyen d’éviter les bévues. Par exemple, si une liqueur désigne en France une boisson alcoolisée, c’est une boisson gazeuse au Québec. Là-bas, chialer ne signifie pas pleurer, mais juste se plaindre ou gémir. Et leurs gosses n’évoquent pas les enfants, mais les testicules (mot aussi utilisé en Afrique). Les verbes spécifiques, les tournures de phrases et les qualificatifs particuliers sont à retenir. Il vaut mieux être fin (aimable) qu’achalant (ennuyeux) ou baveux (arrogant). Il est préférable d’accommoder (rendre service) que de caler quelquun (le rabaisser). Si vous êtes magané (souffrant), prenez un appointement (rendez-vous) chez un médecin.

Si votre blonde a mis sa camisole, c’est tout simplement que votre petite amie a revêtu un débardeur. Se dégrayer, verbe qui fut aussi utilisé dans certaines régions de France, c’est enlever ses vêtements d’extérieur. Un certain nombre de mots sont issus de l’anglais, francisés ou pas (bines, les fèves au lard; brake à bras, le frein à main; d’une shote, d’un seul coup). Des formules telles que faire le train (traire les vaches) sont évidemment moins usitées. Par contre, probablement plus fréquents : chauffer un char, c’est-à-dire conduire une voiture; tinquer, ou mettre de l’essence; gager sa chemise, donc n’avoir aucun doute; porter une tuque, autrement dit un bonnet de laine; ou se servir d'une débarbouillette qui, comme son nom l’indique, est un gant de toilette. Ce guide nous rappelle que, comme en Belgique (entre autres), le déjeuner est au Québec le premier repas de la journée (p'tit-déj), et que le dîner est le second repas (le déjeuner pour les Français).

Et puis encore : Ça regarde mal (c’est de mauvais augure), y a rien là (c’est pas grave), beurrer épais (exagérer une situation), penser croche (voir des allusions sexuelles erronées). Donner une bourrée (décupler d’efforts pour accomplir une tâche) ou bien se poigner le cul (perdre son temps), se faire passer un sapin (se faire avoir) ou lâcher un wak (pousser un cri). Un dernier exemple : si votre coin de rue est dans la noirceur, c’est que votre pâté de maisons se trouve dans l’obscurité. En précisant qu’on ne trouve pas forcément ces mots et formules dans chaque phrase, ni paragraphe, j’ai effectivement rencontré certaines expressions en lisant des romans québécois. Et même si c’est juste pour le plaisir du langage, le goût de découvrir un vocabulaire très plaisant, Les 1000 mots indispensables en québécois est un guide fort agréable à consulter. Si vous envisagez un voyage au Québec, ça peut également vous aider.

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 05:42

 

Dans le cadre de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie), le jury du prix des Cinq Continents de la francophonie a récompensé la Québécoise Jocelyne Saucier pour son roman "Il pleuvait des oiseaux" (aux éditions XYZ). Jocelyne SaucierUne mention spéciale a été attribuée à Patrice Nganang (Cameroun) pour son roman "Mont-Plaisant" (Éd.Philippe Rey). Tous deux recevront leur prix le 9 décembre au siège de l’OIF. Créé en 2001, doté de 10 000 euros, le prix des Cinq Continents met en valeur des talents littéraires reflétant l’expression de la diversité culturelle et éditoriale en langue française sur les cinq continents, afin de les promouvoir sur la scène littéraire internationale.

 

La présentation éditeur du roman de Jocelyne Saucier :

« Vers quelle forêt secrète se dirige la photographe partie à la recherche d’un certain Boychuck, témoin et brûlé des Grands Feux qui ont ravagé le nord de l’Ontario au début du XXe siècle? On ne le saura pas.

Boychuck, Tom et Charlie, dorénavant vieux, ont choisi de se retirer du monde. Ils vivent relativement heureux et ont même préparé leur mort. De fait, Boychuck n’est plus de ce monde au moment où s’amène la photographe.

Tom et Charlie ignorent que la venue de la photographe boulversera leur vie. Les deux survivants feront la rencontre d’un personnage aérien, Marie-Desneige. Elle a 82 ans, tous ses esprits, même si elle est internée depuis soixante-six ans. Elle arrivera sur les lieux comme une brise espérée alors que la photographe découvrira que Boychuck était un peintre et que son œuvre était tout entière marquée par le Grand Feu de Matheson...»

Des infos complémentaires ici.

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 07:21

 

En 2011, Stanley Péan a publié aux éditions Les Allusifs Bizango, peut-être un des meilleurs romans de l’année, riche suspense sociologique avec une touche de Fantastique.ZOMBI-1996 Ce livre s’inscrit tel un nouvel épisode, une autre étape, quinze ans après Zombi blues (1996). Ce titre fut édité en France chez J’ai lu en 1999 et en poche chez La Courte Échelle en 2007. Il n’est donc pas impossible de se le procurer. Petit survol de l’intrigue, même si cette histoire est beaucoup plus subtile qu’il n’apparaît dans mon modeste résumé…

 

Ce jeune trompettiste de jazz connaît une belle notoriété sous le nom de Gabriel d’ArqueAngel. Avec la pianiste Elaine McCoy et trois autres musiciens, il a formé un quintette qui se produit aux Etats-Unis et au Canada. Le parcours de vie de Gabriel a été chaotique. Natif d’Haïti, il a été recueilli là-bas par Corinne et Benjamin Reynolds. À l’époque, au temps de la dictature des Duvalier, ce dernier y était diplomate. Le couple avait une fille, Laura, mais venait alors de perdre leur fils Daniel à l’âge de neuf ans. Gabriel devint le fils adoptif des Reynolds. À part Laura, aujourd’hui médecin et mariée, le musicien garda peu de liens avec ceux qui l’avaient élevé. Ne se consacrant qu’au jazz, il ne se préoccupe guère des soubresauts politiques agitant sans cesse son pays d’origine.

En 1996, alors que Benjamin Reynolds vient d’être enterré à Ottawa, Gabriel et son quintette ont un engagement à Montréal, où un festival de jazz se prépare. Ils vont jouer au Sensation Bar. ZOMBI-1999Ce n’est pas le meilleur endroit pour que Gabriel calme son excessive consommation d’alcool. Entre son amante Suzanne et son spectacle, il ne s’intéresse pas à ce qui agite en ce moment la communauté haïtienne de Montréal. Ancien dignitaire du régime Duvalier, Barthélémy Minville s’est installé au Québec. Réfugié de luxe, cet ex-tortionnaire qu’on surnomma Barracuda, ne peut pas être inquiété par les autorités du pays. Ce que regrette Lorenzo Appolon, flic mulâtre haïtien de la police locale. Patron d’un restaurant, Ferdinand Dauphin va vainement tenter une opération commando avec quelques délinquants pour atteindre Minville. Lorenzo enquête là-dessus, sans résultat.

Son fils Noir albinos Caliban, son assistant Justin, et la prostituée blanche Jacynthe constituent l’entourage de Minville. Mais, s’il est à Montréal, c’est avant tout pour retrouver Alice Grospoint, fille d’un sorcier haïtien. Jadis, il utilisa les services du père, avant de l’abattre. Minville a un moyen de pression sur Alice, sa fille Naïma. Gabriel se croit loin de tout ce qui se rapporte à son île de naissance. Pourtant, il cauchemarde parfois, se sentant habité par un second esprit qu’il ne sait identifier. Peut-être garde-t-il un lien invisible avec Daniel Reynolds, mort trop tôt, dont il est un peu le marasa (frère jumeau). À moins que ce soit seulement l’alcool, ainsi que l’atmosphère parfois violente du Sensation Bar, qui le perturbent. Non, ce sont bien ses racines haïtiennes qui causent ce trouble…

ZOMBI-2007 

Les deux sources qui alimentent ce roman sont la culture haïtienne et l’univers du jazz. Un glossaire nous permet de définir les quelques mots venus d’Haïti qui échappent à notre vocabulaire. Culte vodou et folklore populaire font partie de la vie de tous les Haïtiens, y compris expatriés. Le sujet nous rappelle combien l’époque de Papa Doc (Duvalier) et de ses cruels Tontons Makouts (la milice secrète) marqua durablement ce petit pays.

Dans ce livre, chaque chapitre porte pour titre celui d’un célèbre morceau de jazz : Mood Indigo, Stormy Weather, In a Mist, Countdown, etc. Car c’est bien cette musique qui accompagne le récit, avec des accents de Charlie Parker ou de Miles Davis. Lamento musical qui apporte une chaleur à cette intrigue sombre. L’auteur sait aussi nous faire sourire, comme avec cette journaliste définissant le style de Gabriel : Ainsi l’interviewé se réjouit-il d’apprendre que son œuvre «s’inscrit dans la mouvance d’un certain jazz progressif d’inspiration néo-bop modal, mâtiné de traditionalisme». D’ArqueAngel et Elaine échangent des sourires ironiques. Le trompettiste n’en a rien à branler des étiquettes. Il joue de la musique, un point c’est tout.

Complémentaire à Bizango, ce Zombi Blues mérite d’être redécouvert !

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6 août 2011 6 06 /08 /août /2011 05:37

 

Sans doute le lecteur français connaît-il peu l’œuvre de Chrystine Brouillet, romancière québécoise née en 1958, très appréciée là-bas. Sa trilogie historique Marie la Flamme, publiée chez Denoël et rééditée chez J’ai Lu, a connu un certain succès en France, ainsi que des titres comme Les neuf vies d’Edward. Son principal éditeur au Québec est La Courte Échelle, qui nous donne quelques infos sur l’auteure :

 BROUILLET1« En 1982, Chrystine Brouillet publie Chère voisine, son premier roman, pour lequel elle a reçu le prix Robert-Cliche. Depuis, elle s’est fait connaître à titre de romancière et a écrit de nombreux romans policiers, dont Le Collectionneur et Indésirables. Son personnage d’inspectrice, Maud Graham, est devenu un classique québécois du genre policier. Le Collectionneur, qui s’est vendu à plus de 50 000 exemplaires, a été adapté pour le cinéma…»

Chrystine Brouillet a reçu plusieurs récompenses québécoises pour ses romans, dont le prestigieux Prix Saint-Pacôme en 2009. En 2011, elle publie une nouvelle enquête de Maud Graham "Double disparition", dont voici la présentation :

« Maud Graham est chargée d’enquêter sur la disparition de Tamara, sept ans, fille d’une ancienne camarade de classe. Qui l’a enlevée ? Et pourquoi ? Les policiers de Québec se mobilisent pour retrouver l’enfant. Au même moment à Rimouski, Trevor, un jeune homme, apprend au chevet de sa mère agonisante qu’il n’est pas son fils biologique. Bouleversé, il part à la recherche de sa mère naturelle à Québec, où elle vivrait. Deux enquêtes, deux quêtes qui semblent bien éloignées l’une de l’autre, BROUILLET2mais qui auront des répercussions profondes sur chacun des personnages.» (aux éditions La Courte Échelle, dont beaucoup de titres sont diffusés en France, en particulier la série Maud Graham).

 

Chrystine Brouillet a également publié de 1992 à 2001 une bonne douzaine de romans jeunesse. En France, on trouva Danger bonbons chez Syros (1992) et Les collégiens mènent l'enquête chez Pocket (1998). La plupart de ces romans pour enfants parurent dans la collection Myriades des éditions Épigone.

Comme par exemple "Le vol du siècle" (1998), une aventure de Catherine et Stéphanie, pour lecteurs de neuf ans et plus. Petit résumé personnel :

Bloqué dans son fauteuil roulant suite à un accident, Olivier est le cousin de Catherine. Il habite avec ses parents dans leur auberge du Pic Blanc, dans la montagne proche des Etats-Unis. Il a remarqué le curieux comportement de leur client, Georges Smith, et demandé à Catherine et Stéphanie de venir enquêter. BROUILLET3Il est bien anormal que ce client sorte faire du ski vers seize heures, en plein mois de février ! Dès leur arrivée, Stéphanie tombe sous le charme du moniteur de ski Patrick Turbide. La tante Éliane accouchant d’un bébé à Montréal, l’oncle Philippe laisse seuls les enfants s’occuper de l’auberge. Tant mieux si, à cause de la tempête, l’adulte Jocelyne ne peut pas les rejoindre. Les deux petites détectives réussissent à fouiller la chambre de M.Smith. Elles ne tardent pas à y retrouver une valise avec un lot de bijoux, probablement volés. Il faut en savoir plus sur l’origine des joyaux. Elles trouvent bientôt la preuve qu’il s’agit du butin d’un vol à la bijouterie Carlton de Montréal. Pousser Georges Smith aux aveux n’est pas une mauvaise idée, d’autant qu’il donne une bonne explication. Mais il reste d’autant plus dangereux qu’il a un complice…

 

Comme souvent quand il s’agit d’auteurs du Québec, pour Chrystine Brouillet, le lecteur français se doit de chercher un peu, mais ce n’est pas un effort insurmontable. Une romancière qui, à l’évidence, mériterait d’être mieux connue chez nous.

- Lire aussi : les auteurs québécois en France, ici -

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6 juillet 2011 3 06 /07 /juillet /2011 05:35

 

C’est une excellente comédie noire que concocta François Barcelo en 1998 avec Cadavres, réédité chez Folio depuis 2002.

Au Québec, Raymond Marchildon vit à Saint-Nazaire-de-Mainville, du côté de Saint-Barnabé. Âgé de trente-trois ans, il habite dans ce village perdu avec sa mère. Leur vieille maison n’a plus le téléphone, depuis qu’ils ne paient plus les factures, ni guère d’autres commodités. Raymond se déplace dans une Hyundai Pony bien fatiguée. Tous les deux vivent de l’aide sociale, en trichant tant qu’ils peuvent. Il est vrai qu’elle n’est pas exemplaire, la mère de Raymond. Avec un minimum de soins, maman aurait été une publicité parfaite pour vanter les vertus de tous les abus : «Buvez, fumez, baisez n’importe comment, ne faites jamais d’exercice, mangez n’importe quoi, et vous aurez l’air de ça à cet âge-là.» Je l’ai souvent imaginée dans un panneau réclame conjoint des fabricants de cigarettes, d’alcool, de sièges inclinables et de fast-food. Excessive en tous les domaines, la mère de Raymond eut même plusieurs pères à lui proposer.

BARCELO-2002Raymond n’a jamais fait aucun effort d’insertion sociale. Je n’ai jamais travaillé un jour de ma vie. Même si on m’a offert des petits jobs au noir. Mais je ne suis pas sûr que j’aurais accepté un bon job payant. Pourquoi faire ? Sans travailler, je n’ai jamais manqué de rien. Les quelques blondes que j’ai eu, quand j’étais jeune, je les ai laissées travailler à ma place, je leur ai pris tout l’argent que j’ai pu, le temps qu’elles ont bien voulu. Avec sa mère, il ont bien cultivé un peu de marijuana, mais c’est vite devenu dangereux, et pis ils avaient leur stock. Sinon, ils ont beaucoup forcé sur la mauvaise bière. Un peu à cause de la boisson qu’elle est morte, la mère, mais surtout à cause d’une balle en pleine face. En ce 31 décembre, Raymond ne sait trop quoi faire. Il a roulé dans sa Pony, mais il est fauché pour se payer l’essence. Alors, il téléphone à sa sœur Angèle.

Comédienne pour la télé, elle est connue sous le nom d’Angèle Pontbriand. Elle joue le rôle de la détective Mariette Davoine dans la série Cadavres. Ce qu’on lui demande surtout, c’est de se montrer sexy, car elle est vraiment bien roulée. Angèle rejoint son frère Raymond, qu’elle n’a plus vu depuis dix ans. Mais ils ne retrouvent pas le corps de leur mère. À la place, ils s’aperçoivent au matin du 1er janvier qu’il y a un cadavre d’homme dans un fossé. Angèle et Raymond ne voient pas l’utilité d’appeler la police. D’autant qu’il y a aussi un squelette dans la cave de la maison, enterré depuis longtemps. Trois cadavres, dur à expliquer ça aux policiers. D’autant qu’Angèle a d’autres soucis. Elle risque de perdre son rôle à la télé, et son boy-friend impliqué dans un trafic l’a arnaqué de la caution. La jeune femme décide de rester vivre avec son frère.

Raymond accapare la BMW (en location) de sa sœur. Il tente de franchir la frontière avec les Etats-Unis, mais il est plusieurs fois refoulé. Puis il roule vers l’ouest du Canada. Finalement, il préfère rentrer à Saint-Nazaire, se promettant de mieux se comporter. Mais un couple, Paulot et Paulette, vient réclamer le corps de l’homme du fossé, que Raymond a enterré à la cave. C’est surtout la drogue qu’il transportait qui les intéressent. En échange, le couple laisse chez Angèle et Raymond le cadavre d’une femme. Embarrassant, mais il y a de la place dans la cave, et ce n’est pas le dernier cadavre dont ils vont hériter…

 

Un roman décalé, savoureux, jubilatoire. Tout y est parfaitement amoral, à commencer par le narrateur Raymond. Un brave garçon, qui n’a que des défauts et des vices, c’est délicieux. Pas tellement plus brillants, sa sœur et tous les autres protagonistes n’échappent pas à la caricature très réussie qu’on fait d’eux. Il fait un temps de cochon pour un premier janvier. On a deux autos qui marchent pas. Maman est morte. Mais j’ai retrouvé ma sœur que j’avais pas vu depuis dix ans. Puis elle est encore plus belle que la dernière fois que je l’ai vue. Je vois pas pourquoi je sourirais pas. L’auteur était déjà très expérimenté, ayant de nombreux livres à son actif avant d’être le premier Québécois à publier dans la Série Noire. Ceci explique la maîtrise de cette intrigue sans temps morts, plutôt délirante. Un pur bonheur de lecture que ce roman noir plein de fantaisie !

On peut aussi lire ici ma chronique sur "Fantasia chez les Plouffe" de François Barcelo, collection Suite Noire.

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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 05:43

 

Dans la collection Coups de Tête, le roman de David Bergeron Pandémonium Cité mêle des ingrédients issus du Fantastique et un scénario mouvementé…

Âgé de trente-quatre ans, Philippe Moreau est de retour à Villeray, quartier de Montréal. Cet étudiant en philosophie revient d'un long voyage en Europe. Le but était d’oublier sa douloureuse rupture avec sa compagne Jeanne, autant que le décès de son père. Pourtant, il reste en proie à ses incertitudes coupables, et consomme toujours bon nombre de joints.

À peine arrivé, il observe des fêtards aux allures de gothiques, noctambules qui lui semblent armés. Il se demande si ce sont eux qui causent la panne électrique qui se produit peu après. Philippe retrouve bientôt son vieil ami Vlad. BERGERON-2011Rescapé de la guerre des Balkans, celui-ci possède un arsenal d’armes à feu puissantes. Quant à son chien Kiki, c’est un molosse de soixante kilos, toujours prêt à attaquer les ennemis de son maître.

Une nuit suivante, Philippe remarque la présence de gens suspects autour de l’église Sainte-Thérèse. La police semblant complice de ces gothiques, il appelle Vlad à la rescousse. Tous deux visitent l’édifice religieux, pas si désaffecté qu’il y parait. Le duo doit rapidement fuir cet endroit, après que Philippe ait relevé des indices : Une église profanée par des ravisseurs de chèvres, un symbole païen [l’Œil de la Pyramide] tracé dans ce qu’il appelait maintenant le Judas, ce poste de surveillance qui n’a rien à faire dans un lieu de prière, un tunnel infesté de cultistes, tout ça ne s’improvise pas du jour au lendemain. Du sang innocent allait être versé, et la police qui semble déjà s’en laver les mains. Philippe se perd dans ses pensées. Nul doute qu’ils soient en présence d’un culte sataniste.

Philippe et Vlad braquent chez lui le vigile gardant l’église. Ils l’obligent à donner les rares détails qu’il connaît sur cette Loge, bien installée dans les sous-sols du quartier de Villeray. Peu après, le duo est pourchassé en voiture par le minivan des cultistes. Suite à un échange de tirs, Vlad est mortellement touché, tandis que Philippe est fait prisonnier. Il va rencontrer Antéloki, celui qui dirige la secte basée à Villeray.

Parallèlement, Philippe a déjà un pied en Enfer. Il a passé les rives de l’Achéron, pour un séjour peut-être provisoire à Pandémonium Cité. Si la Sibylle lui accorde un Rameau d’or, il a des chances de rentrer chez lui. Vlad n’a pas dit son dernier mot, ni rendu son dernier souffle. Il repart en croisade contre la secte qui prépare une messe noire, afin de sauver son ami Philippe…

 

À la fois, c’est une histoire de la catégorie Fantastique, et un roman d’action. Ce second aspect n’est pas le moindre. En effet, nos deux héros font face à des adversaires dangereux et organisés, que les armes à feu de Vlad ne suffisent pas toujours à abattre. Le satanisme et son folklore semblent assez répandus en Amérique du Nord. Est-ce vraiment pris plus au sérieux qu’en Europe ? Imaginer une secte disposant de vrais pouvoirs démoniaques et d’une armée de fidèles, ça reste de la fiction. Une idée qui séduirait certains régimes dirigistes, peut-être.

La part philosophique du récit évoque notre responsabilité sur le cours de nos existences. Pour Philippe, la vie est comparable à un théâtre de souffrance et de solitude, mais est-il plus fautif qu’un autre ? Le séjour de Philippe au cœur des Enfers ne manque pas de fantaisie. Par exemple, ici on dit au juge Objection, votre Infamie et non Objection, votre Honneur. Un roman court et agréable, quelque peu hors normes grâce à bonne dose d’originalité.

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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 07:04

 

Encore mal connu en France, Patrick Senécal est un auteur chevronné ayant publié une dizaine de titres. Ses solides romans, d’une réelle noirceur, sont très appréciés des lecteurs québécois. C’est dans la collection Coups de Tête qu’il publie Contre Dieu… Quelques éléments sur cette intrigue...

Ce Québécois de trente-cinq ans est commerçant, patron d’un magasin de sport. Marié avec Judith, ils ont deux enfants, Béatrice et Alexis. Eux trois ont passé le week-end chez les parents de son épouse. Ce 21 février au soir, ils vont rentrer en voiture. Ce sont deux flics à la mine attristée qui sonnent à sa porte peu de temps après un ultime appel téléphonique. Senécal-2011La voiture de Judith est tombée dans un ravin dans ce virage étroit de cette saleté de route en zigzags, que sa famille a souvent empruntée. Ils sont morts tous les trois dans cet accident, sur lequel la police enquêtera, bien sûr. Se moquant des circonstances, sous le choc, il s’est déconnecté immédiatement de la vie. Les appels téléphoniques, la famille de Judith et la sienne, il n’y répond bientôt plus. C’est son beau-frère Jean-Marc qui se charge de toutes les formalités. Sylvain, son meilleur ami, peut lui offrir un refuge, au lieu de rester dans cette maison vide. La solitude, il la vit déjà dans sa chair. Sur son vélo d’entraînement, ce sportif pousse son effort au maximum. C’est suicidaire, mais ça ne suffit pas à l’achever.

Il s’isole d’abord dans une chambre d’hôtel, avant de rejoindre ses proches et amis au salon funéraire. Suite à une réflexion qu’il juge stupide, il provoque un incident dont les effets auraient pu être graves. Plus tard, il retrouve Sylvain dans un bar. Il a déjà dépassé une frontière, ce que son meilleur ami n’est pas en mesure de comprendre. Dans ce bar, une jeune femme prénommée Mélanie se laisse inviter par le veuf. Elle n’a aucune intention de coucher avec lui, mais sait se montrer compatissante. Parce que, comme lui, elle est habitée d’une souffrance intime. Lui s’enferme dans son violent égoïsme. Nouvel incident, avec un automobiliste, suite à une collision en voiture. Ivre, il erre maintenant dans la ville, au cœur de la nuit. Dans un club, il provoque deux jeunes femmes, puis s’amuse à causer un psychodrame sans conséquences dans le métro.

En rupture totale avec tous les membres de sa famille et avec ses amis, il finit par louer un meublé dans l’immeuble où habite Mélanie. Elle tente de l’amadouer en partageant un repas, avant de sortir en boite de nuit. Mais cette nuit-là, il va finalement la passer avec Andréane, bien plus jeune que lui. Débutant par un désaccord sexuel, leur querelle violente va fatalement mal se terminer. Mélanie ne renonce pas. Elle amène le veuf désemparé dans cette maison des jeunes en rénovation, une initiative du Père Léo. Il doute que le prêtre apporte un remède à sa terrible souffrance, malgré sa bienveillance. Il ne possède pas la motivation exaltée de Mélanie, reste irritable avec elle. Ses comptes bancaires ont été bloqués par sa famille, afin qu’il se manifeste. Maintenant qu’il a récupéré une arme à feu, il se lance délibérément dans "sa" guerre…

 

Ce survol de l’intrigue ne reflète qu’imparfaitement ce remarquable roman. Car il est impossible de traduire en quelques lignes l’ambiance de cet itinéraire d’un enragé fou de douleur. Quand survient un tel drame, il n’y a pas de réponse au "Pourquoi ?" qui s’impose à l’esprit du survivant. Détruire les autres comme il a été soudainement détruit lui-même, telle parait être la solution adoptée par ce personnage central. Il ne s’agit pas de vengeance : c’est un mal profond et monstrueux qui a explosé en lui, qui commande ses actes.

L’accident de voiture et ses conséquences, voilà un thème que quelques très bons romanciers ont déjà traité. Pas de cette manière-là, c’est certain. Ici, le mode narratif particulier surprend dans un premier temps. On comprend vite qu’il est parfaitement adapté au récit. C’est une fuite en avant désespérée, une course effrénée qui ne laisse pas le temps de reprendre son souffle. Ces qualités stylistiques offrent une puissance supplémentaire à l’histoire, le tempo reflétant l’état d’esprit du héros. La relative brièveté du texte correspond aussi à ce rythme. Coup de cœur évident pour cet excellent roman !

 

[La collection Coup de Tête est diffusée partout en France, voir ici]

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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

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