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29 décembre 2018 6 29 /12 /décembre /2018 05:55

David Sedar Ndong est un Sénégalais âgé de trente-deux ans. En clandestin il a quitté l’Afrique, passant des Canaries en Espagne, avant d’arriver en France. C’est dans la Drôme qu’il arrive finalement, une bourgade appelée Hauterives. Il compte y rejoindre Denis Vignal, un humanitaire d’AfriqueAlter, dont il fut le guide et traducteur dans son pays, à M’Bour. David Sedar n’est “pas un illettré ni un crève-la-fin, non il est diplômé de l’Université de Dakar, parle quatre langues…” S’il a entrepris ce périple vers la France, c’est en partie pour rendre à Denis Vignal un bijou appartenant à son épouse Diane, qu’il avait perdu en Afrique. Un médaillon qu’on lui avait arraché, plus exactement. 

La principale raison de sa venue, c’est sa grande admiration pour Denis Vignal. Ainsi que l’espoir qu’il lui trouvera un travail en France, sans doute. Hauterives n’a rien à voir avec le climat tropical de M'Bour : quand il s’y présente, sans adresse précise, il ne fait que zéro degré. On lui indique la ferme très isolée dans les contreforts montagneux où habite le couple Vignal. Diane, l’épouse à la santé fragile de Denis Vignal, l’accueille sans trop hésiter. Si son mari a accordé sa confiance à cet Africain, pourquoi pas elle ? Diane apprend à David Sedar que Denis a disparu quelques temps après son retour au pays. Il lui a laissé un ultime message pouvant suggérer qu’il y a eu un problème grave en Afrique lors de sa dernière mission.

David Sedar sent bien que règne une tension autour de chez Diane Vignal. Un chien est abattu à coup de fusil, sous le prétexte qu’il pouvait être enragé. Une certaine folie a animé le tueur du chien, estime l’Africain. Et le gendarme Blaise ne paraît nullement en sympathie avec Diane. Celle-ci retrouve les cahiers secrets, écrits à la main, par son mari. Il s’agit pour l’essentiel de propos intimes, mais Denis Vignal y évoque également le rôle de l’association humanitaire AfriquAlter – dont l’utilité est peut-être moindre. David Sedar, qui a participé aux missions du Français, se refuse à croire que Denis n’ait pas été le héros qu’il imagine. Encore qu’il possède quelques éléments sur "l’incident" qui causa la perte du médaillon de Diane. Par ailleurs, personne ne semble tant se préoccuper de la disparition de Denis Vignal…

Jean-Yves Martinez : Les enchaînés (Seuil, 2019)

— Je n’ai jamais dit ça à personne, madame. Je ne sais pas pourquoi, mais je crois que c’est le moment, parce que je sais que vous n’allez pas me prendre pour un idiot, ou un illuminé… Cette feuille de route quand elle arrive, je suis tellement heureux ! Tellement fier ! Elle m’est adressée à moi, de la capitale, par un homme important. Tout le monde sait qui est monsieur Denis là où je vis, alors moi je m’enferme et je la lis, je la relis. Il y a mon prénom à chaque paragraphe, il y a mon prénom David Sedar, à la troisième personne (…) C’est comme un rituel, madame, une cérémonie que je dois organiser seul, en respectant à la lettre les écritures. Oh bien sûr, je suis aussi content parce qu’au bout de la feuille de route, il y a de l’argent pour moi, beaucoup plus qu’on ne peut en gagner en plusieurs semaines là-bas, mais je vous jure que ce n‘est pas le plus important…

On eût pu souhaiter une tonalité plus marquée, plus intense, mais respectons le choix de l’auteur. Le jeune Africain débarque dans un décor et dans des conditions climatiques déconcertantes pour lui, qui vont longuement le déstabiliser. Incompréhension face à un paysage hostile, et sensation que plane un danger mortel. Qui peut vraiment protéger l’autre, Diane ou David Sedar ? Des questions se posent, confusément, l’intrigue ne manquant ni d’énigmes, ni de secrets. L’ambiance hivernale neigeuse participe au flou relatif, autant que l’expatriation de David Sedar. En effet, cette histoire ne pouvait pas racontée qu’avec une certaine lenteur – répondant au comportement que l’on prête aux Africains. Voilà un court roman d’atmosphère auquel on prend le temps d’adhérer, afin de l’apprécier.

Disponible dès le 3 janvier 2019

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26 décembre 2018 3 26 /12 /décembre /2018 05:55

New York, de nos jours. Elizabeth Needham est policière du NYPD. Pour une enquête, elle contacte le professeur Dylan Reinhart , docteur en psychologie et enseignant à Yale. Celui-ci vit en couple avec son compagnon Tracy, qui est juriste. Leur principal souci actuel, c’est l’adoption. Ils ont le sentiment d’être face à une administration hostile, qui ne fait rien pour faciliter leurs démarches. Le Pr Reinhart accepte de suivre l’affaire traitée par la policière : Jared Louden, dirigeant d’un important fonds d’investissement, a été poignardé quelques jours plus tôt. Un vrai massacre, puisqu’il va s’avérer qu’il a reçu 352 impacts de couteau. Si Elizabeth Needham et le psychologue ne rencontrent que l’hostilité de la veuve, le professeur Reinhart imagine bien qu’ils sont face à un tueur hors norme. Il a même laissé un indice concernant sa prochaine victime : un roi de trèfle.

Ce roi des night-clubs, c’est le jeune Bryce von Miller, un fêtard invétéré surnommé le Roi des Clubs. Il est probable que l’assassin l’ait attiré en lui offrant une drogue de sa fabrication, la Pulpe. Peu d’éléments, par ailleurs, pour Needham et Reinhart. Malgré la relative discrétion autour de ces deux premiers cas, le journaliste Allen Grimes ne tarde pas à s’intéresser à ces meurtres. Il promet de ne pas en révéler de trop, mais reste un reporter cherchant le sensationnel. Près du cadavre de Bryce von Miller, le tueur a déposé une nouvelle carte à jouer : le deux de cœur. Elizabeth rencontre le maire, Edward Deacon, qu’elle connaît bien pour lui avoir servi de garde du corps. La cote de popularité de ce dernier, qui fit de belles promesses sur la sécurité des citoyens, est en chute libre. Il va mettre la pression sur l’enquêtrice, d’autant que la série n’est sûrement pas close.

Le troisième cas se produit dans un hôtel de luxe de Tribeca, à Lower Manhattan. Cynthia Chadd et Rick Thorsen sont assassinés dans leur chambre. Deux de cœur, ça correspond à l’indice symbolique laissé sur le cadavre précédent. Cette fois, le jeu pervers du tueur va plus loin : Needham et Reinhart sont la cible d’une fusillade de la part de leur adversaire dans le hall du même hôtel. Celui que le journaliste Allen Grimes a nommé Le Dealer disparaît comme par enchantement sitôt après. Le Pr Reinhart peut craindre que le jeu du chat et de la souris franchissent des degrés plus fort, présentant un risque mortel y compris pour Elizabeth et lui. En parallèle, avec son compagnon Tracy, il faudra trouver une solution pour adopter un enfant…

James Patterson et Howard Roughan : Jeu de massacres (L’Archipel, 2019)

Il s’arrêta net et la dévisagea. Elle se contenta d’opiner, comme pour le féliciter de sa sagacité.
— Oh putain ! répéta-t-il. Voilà pourquoi ça ne peut pas être une overdose. Il a laissé une autre carte sur le gosse, c’est ça ?
— Un deux de cœur. Fourré dans sa poche.
Grimes pouvait à peine se contenir.
— Dites-moi que vous avez déjà deviné, dit-il en se tournant vers moi. Qui est le prochain sur la liste ? À moins qu’ils soient deux ? Un couple, qui sait ? Non, attendez. C’est encore mieux si vous n’en savez rien. Personne ne doit rien savoir. L’histoire n’en sera que meilleure. Toute la ville doit s’interroger.

Qu’est-ce qui fait le succès des romans de James Patterson, coécrits avec un autre auteur (qui lui a généralement apporté le synopsis, la trame de l’intrigue) ? Patterson connaît parfaitement les codes du polar, et alimente un suspense bienvenu. Un criminel diabolique à souhaits dans l’ombre, un duo disparate – un psy, une policière – d’enquêteurs ayant toujours un temps de retard sur lui, des situations plus anxiogène allant crescendo… Mais il se refuse à écrire "plus noir que noir", à charger les effets – même si les cadavres sont drôlement amochés : la tonalité conserve une légèreté narrative très agréable. Un autre atout notable, on le voit ici : le récit se présente sous forme de séquences courtes, qui ne sont pas sans rappeler la forme cinématographique. Un découpage permettant aux lecteurs d’avancer à leur propre rythme – un bref retour sur quelques pages suffisant à se replacer dans l’action. Les suspenses de James Patterson sont des romans que l’on a toujours plaisir à lire, et il ne faut pas s’en priver.

Disponible dès le 3 janvier 2019

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6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 05:55

L’assassinat d’un Immortel – Un écrivain a été tué chez lui, dans son bureau. Le policier interroge son employée (d’origine arménienne), la nièce du défunt (qui le considérait comme vaniteux et prétentieux en privé), son éditeur (qui lui apprend que l’écrivain postulait pour l’Académie d’Athènes), la critique littéraire Mme Kouranu (sévère sur le talent relatif du mort). Son adversaire pour l’Académie, l’écrivain Romylos apparaît modérément motivé. Il faudra probablement se souvenir d’un autre meurtre dans le milieu littéraire, cinq ans lus tôt, qui présente des similitudes avec celui-ci…

En terrain connu – Un Turc s’est installé de longue date en Allemagne. Son fils, policier formé en Allemagne, parti vivre en Turquie, vient découvrir la maison actuelle de son père. C’est ainsi qu’il apprend le meurtre du voisin et meilleur ami de son paternel. Ce dernier projetait de bâtir une mosquée locale, qui échapperait à la montée des intégrismes religieux. En effet, deux fanatiques de l’Islam l’aurait menacé. Parfois, les intérêts de ces islamistes ultras et de l’extrême droite allemande convergent. La police ne s’est guère éternisée sur ce crime, considérant qu’il s’agissait juste d’une affaire "entre Turcs".

Trois jours – 1955. Vassilis est un commerçant qui fait partie des Grecs de la Ville à Istanbul. Sa famille avant lui a souvent subi le sort chaotique des Grecs installés ici. Lui-même est proche de la ruine. Sous l’influence d’Atatürk, le nationalisme turc se fait de plus en plus exigeant dans le pays. Son ami commissaire prévient Vassilis que la situation est en train d’empirer pour les Grecs de la Ville. Les Turcs alimentent le conflit chypriote, et un attentat (certainement simulé) visant la maison d’Atatürk ne font qu’aggraver les choses. Avec la complicité des forces de l’ordre, des émeutes entretiennent le chaos. Les Grecs de la Ville sont visés par le vandalisme. Vassilis n’y échappe pas. C’est ainsi qu’il découvre un squelette dans la cave (invisible d’accès jusqu’à là) de sa boutique. Un mystère qui réveillera son passé familial…

Le cadavre et le puits – Quand le cadavre d’un homme de trente-cinq ans est découvert dans un puits, ça entraîne une enquête de police. D’autant que la victime avait des idées de gauche, était même syndiqué. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Une mise en scène meurtrière peut induire en erreur les enquêteurs…

Ulysse vieillit mal – Un Athénien s’est pris de sympathie pour un petit commerçant d’Istanbul faisant partie des Grecs de la Ville. Toutefois, le septuagénaire Ulysse sent le besoin de quitter la Turquie. Il va finalement habiter dans un hospice, en Turquie, où l’Athénien lui rend quelquefois visite – rarement, car leur relation n’est plus la même. Tardivement, il apprend la mort d’Ulysse. Rien de suspect, c’est un infarctus suite à un ultime "coup de sang" de révolte…

L’arc de Pompéi – En Grèce, le père Ioannis est très actif dans l’aide aux nécessiteux et aux migrants. Ce que lui reproche un comité nationaliste grec, des enragés hostiles à sa généreuse démarche. Mais le père Ionnais n’est pas de ceux qui cèdent aux pressions, il persistera. Sans doute ne mesure-t-il pas que ses ennemis (il ne s’agit plus de simples adversaires) sont des jusqu’au-boutistes…

Tentative tardive – En juillet 1944, le couple Krull accorde toujours sa confiance à Hitler. Ceux qui ont organisé un attentat raté contre le Führer sont, pour les Krull qui refuse d’y voir le début de la fin, des traîtres – qu’on va bien vite juger et condamner mort. Malgré la fermeté toujours affichée par le Reich, l’Histoire est en marche…

Crimes et poèmes – Le commissaire Charitos enquête sur un meurtre commis au cœur de la nuit près d’un café-librairie, suite à une soirée de danse à laquelle participèrent le policier et son épouse. La victime est un cinéaste connu, actuellement sur un projet de nouveau film. Si Charitos interroge un modeste marchand de fleur, c’est davantage en tant que témoin que comme suspect. Le policier comprend de plus en plus mal son pays : “Les metteurs en scène se font tuer, les flics écrivent des poèmes, les maisons d’édition se changent en bistrots, la Grèce est mal barrée.”

Petros Markaris : Trois jours (Seuil, 2019)

En marge des enquêtes du commissaire Charitos, ce recueil de huit nouvelles offrent une autre facette du talent de Petros Markaris. On y retrouve la même lucidité de l’auteur sur son pays (à la fois Istanbul dont il est natif, et la Grèce) et son histoire. C’est particulièrement vrai dans “Trois jours” qui illustre la position souvent incertaine des Grecs d’Istanbul. Il traite aussi de sujets de société d’aujourd’hui, avec la radicalisation contre les immigrés en Grèce, et l’Islam qui installe ses théories fortes y compris en Allemagne. Par ailleurs, ce sont des enquêtes de police plus classiques qu’il nous invite à suivre – soulignant quand même la déliquescence de la culture en Grèce. Ces crimes ne relèvent pas de la tragédie, dont ce pays fut autrefois maître en la matière. Markaris ne manque pas de nous faire sourire dès que s’en présente l’occasion. Comme dans ses romans, on savoure son regard sans préjugé.

Voilà quelques nouvelles de Petros Markaris qu’on a grand plaisir à lire.

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