Que l’on évoque Emmanuel Errer ou Jean Mazarin, il s’agit du même romancier et scénariste. Sous le pseudo d’Emmanuel Errer, cet auteur débuta chez Série Noire avant de devenir un pilier du Fleuve Noir, période 1976-1985, sous le nom de Jean Mazarin. On a déjà eu l’occasion d’explorer ici quelques titres de sa série ayant pour héros le commissaire Lucien Poirel, dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir. Intéressons-nous cette fois à trois titres, présentés dans le désordre. Ou plutôt, selon une logique historique. En y associant un quatrième titre, passionnant roman d’aventure qui nous entraîne au 19e siècle, dans cette Amérique encore fortement troublée par la Guerre de Sécession…
"Descente en torche" (Série Noire, 1974, premier roman publié par Emmanuel Errer)
Dans la France de 1962, la fin de la guerre d’Algérie approche. Les combattants de l’OAS veulent encore croire que rien n’est terminé. Ex-légionnaire, Sylvio Solinas est envoyé par son chef à Paris. Il s’agit de supprimer un haut-fonctionnaire gaulliste, qualifié de traître par l’OAS. Solinas rencontre un certain Léopard, un pied-noir qui a mis en place l’opération. Il s’avoue peu à l’aise devant cet homme, qui lui assure que tout est prévu. Solinas abat la victime désignée et l’adjoint de celui-ci. En réalité, c’est le commissaire Durieux (de la Brigade des Stupéfiants) qu’il a supprimé. Erreur sur la personne ? Non, Solinas comprend qu’on l’a berné. Doit-il retourner à Marseille et prévenir son chef, afin de se mettre en sécurité ? Là-bas, les hommes de l’OAS sont tous arrêtés, suite à une dénonciation.
Solinas est maintenant seul. Son adversaire, il le connaît. Ce Léopard n’est autre que Sauveur Baldini, un truand jouant les hommes d’affaires. Cible difficile à atteindre car, même si Solinas a supprimé quelques-uns de ses gardes, Baldini reste bien protégé. S’étant procuré des munitions, Solinas trouve bientôt refuge chez Maria, employée de maison espagnole. Le commissaire Dervange identifie l’exécuteur de son collègue Durieux, ainsi que le commanditaire Baldini, qui ne manque pas de protections politiques. Vergnes, adjoint de Dervange, retrouve Solinas et propose un marché à celui-ci, afin d’éliminer Baldini. Dans une époque aussi incertaine, chacun fait justice selon ses propres règles.
"Carnage", de Jean Mazarin (Fleuve Noir, 1984)
Dans la France de 1967, Sauveur Vincini est un petit truand sans envergure, au service de Kerbadjan. Ce gros trafiquant de drogue possède une façade légale, alors qu’il appartient à la Mafia. Sauveur Vincini est aussi petit par la taille. Il est originaire de Tunisie, où on le surnommait Piccio, petit mec. Son parcours fut banal : nul pour apprendre un métier, vivant avec sa mère et sa sœur, il s’engagea dans l’armée durant la guerre d’Algérie. Ensuite, il fit de la prison, mais fut blanchi. Simple exécutant, Sauveur se prend pour un homme de valeur.
Kerbadjan lui confie une mission en Tunisie. Il s’agit de découvrir pourquoi un passage de drogue n’a pas fonctionné, et d’éliminer les responsables de cet échec. Benmoussa le transitaire et Rino le passeur semblaient dignes de confiance, n’ayant aucun intérêt à foirer l’affaire. À Tunis, Sauveur cherche sa sœur Maria, alors qu’il sait que sa mission est prioritaire. Maria est l’amante de Perez, riche commerçant. La conception du sens de l’honneur étant faussée depuis longtemps chez Sauveur, il considère Perez en ennemi. Djebnoun, truand puissant dans cette région de Tunisie, a pu vouloir nuire à son rival Benmoussa, qui est associé à Kerbadjan. Bientôt, les morts violentes se succèdent, tant à Paris qu’en Tunisie. Laisser Maria à son sort, rentrer en France, ce serait la meilleure solution pour Sauveur. Mais un cruel épisode de sa jeunesse hante le petit truand, qui ne connaît qu’une solution pour régler les problèmes…
"La fin de la piste" (Série Noire, 1977)
Dans la France de 1977, le puissant notable Labrosse est chef d’entreprise. Il a maintenant des ambitions politiques. Un premier essai lui a prouvé qu’il possédait un poids électoral. En vue des prochaines législatives, il est approché par ses deux principaux adversaires. Labrosse a son idée, tenant en trois points. D’abord, en finir avec un procès gênant en faisant disparaître le dossier accusateur. Ensuite, passer pour une victime, cible de plusieurs attentats. Enfin, faire en sorte que le maire actuel (dont il est le suppléant) n’entrave pas ses ambitions personnelles. Son ami Roger dirige un club de strip-tease à la mauvaise réputation, que la police locale surveille mollement. Grâce à lui, les documents compromettants disparaissent lors d’un cambriolage inspiré de celui de Spaggiari. Puis un complice de Roger pose les bombinettes visant Labrosse. L’une d’elles fait une victime imprévue, accréditant le sérieux des attentats.
C’est toujours Roger qui engage le tireur officiellement chargé de supprimer le maire. Avec cet ancien copain d’Indo, les choses vont sans doute se compliquer. Lucien, qu’on surnomme Pachi, est devenu un minable, alcoolique ayant raté sa vie de famille. Jeune complice de Roger, Frankie n’a pas tort de le mépriser. Selon le plan établi, Lucien doit apparaître comme le tueur. Un pigeon, que Frankie doit supprimer dès après le meurtre du maire par le vrai tireur. Des grains de sable vont enrayer la mécanique : le départ de Mme Labrosse, la filature trop visible de Frankie, des billets répertoriés, et surtout les fantômes éthyliques de Lucien…
"Dixie" (Éd.Carrère, 1987)
Aux Etats-Unis, en 1864. La Guerre de Sécession qui dure depuis plusieurs années tourne à l’avantage des Nordistes. Le président Lincoln vient d’être réélu. Chez les Sudistes perdant leurs bastions, les officiers ne croient plus en la victoire. Fils d’une famille française réfugiée à Londres, Camille de Malcombe combat avec les armées du Sud. Il se voit confier la mission de la dernière chance, qui devrait changer le cours de la guerre : enlever le président Lincoln. Camille va devoir traverser les lignes ennemies, aidé de William Quatrill et de ses hommes. Parmi eux, on trouve Cole Younger, avec les frères Frank et Jesse James. Personnage marginal, Quantrill est plus un chef de bande qu’un véritable soldat. C’est un homme diablement complexe, qui s’affirme fidèle au Sud.
Tandis que le groupe remonte vers le Nord, non sans obstacles, un détective de chez Pinkerton fait part de ses soupçons à son patron. Il pense qu’un complot se prépare contre le général Grant. Pour son enquête, il entre en contact avec Thomas Smith, des Services Secrets. Arrivé à Washington, Camille est logé dans une pension de famille favorable aux Sudistes. Il ne tarde pas à s’éprendre de Susan Kendall, organisatrice de l’affaire. Le père de cette jeune et belle veuve fut un politicien respecté. Enlever Lincoln, et pourquoi pas l’assassiner ? Camille sent une vicieuse machination. Avec Quantrill, il a peut-être une chance de sortir d’un guêpier d’où surnagera le nom du comédien John Booth…
Lire ici ma chronique sur le commissaire Poirel, de Jean Mazarin.