La cambrousse ! Depuis que le train avait quitté Rennes et passé les derniers espaces urbanisés, le détective évitait de regarder par la fenêtre. Il sentait comme un malaise. Un “privé”, c'est citadin. Ça n'a sa place que sur les boulevards et dans les ruelles des métropoles, ça n'investigue que sur les avenues bordées de troquets. Un détective, ça ne connaît que les places embouteillées de bagnoles, et les squares servant de refuge aux solitaires ou aux jeunes mères avec enfants. Un “privé”, ça veut bien prendre des coups et en distribuer, mais uniquement dans la jungle des villes. À la sortie d'un club de strip-tease ou dans une venelle mal éclairée, c'est là qu'une bonne castagne trouve sa justification.
Une marre de sang sur le bitume, un cadavre sur le pavé de la rue, ça fait son effet. Mais dans un chemin creux campagnard, ça manque de prestige. Un meurtre sur une départementale, on frise le ridicule. Hors des villes, n'existe plus que le crime passionnel ou l'assassinat par intérêt. Quelques crises de folie alcooliques, des cas de vengeance hystérique, il paraît qu'on en dénombrait de temps à autre dans nos confins provinciaux. Pas de quoi faire frissonner l'agent de recherches, puisque c'est ainsi qu'on nomme désormais le détective privé. Entre enquêtes high-tech sur des affaires d'espionnage industriel et prise de renseignements sur de futurs employés, les missions du “privé” se résumaient de plus en plus à de la paperasse.
Alors, pour retrouver le goût du métier, un brin d'excitation, il fallait bien accepter des affaires à l'extérieur des périphériques, éloignées des centres urbains. On lui avait assuré que c'était à Lamballe qu'il croiserait la crème du crime. Les Côtes d'Armor, la Bretagne ? Pourtant pas criminogène comme région, selon les statistiques. Encore heureux que ce soit desservi par le train, TER et TGV. Le “privé” consulta une fois de plus la liste des suspects, en commençant par les femmes. Le détective est misogyne, c'est dans sa nature. « Dominique Sylvain, Elena Piacentini, Maud Tabachnik, Cristina Fallaras, Anouck Langaney, Anne Rambach, Sarah Cohen-Scali, Nathalie Beunat, Pascale Dietrich ». Bonne occasion de rencontrer des femmes fatales ?
La liste se poursuivait avec une brochette hétéroclite de suspects masculins : « Marc Villard, Francesco De Filipo, Ignacio Del Valle, Marin Ledun, Jérôme Leroy, Lorenzo Lunar, Karim Madani, Ian Manook, Dominique Delahaye, Emmanuel Grand, Michel Bussi, Jean-Bernard Pouy, Hervé Commère, Gérard Alle, Briac, Michaël Mention, Raymond Castells, Jean-Paul Nozière, Yvon Coquil, Alain Emery, Cyriac Guillard, Dominique Chappey, Laurent Guillaume, Jean-Hugues Oppel, Arnaud Le Gouëfflec, Christophe Léon, Renaud Marhic, Claude Mesplède, Guy Jimenes, Jeff Pourquié, Eric Sanvoisin. » S'il fallait étudier les CV de tous ceux-là, le “privé” n'était pas au bout de ses peines.
Puisqu'ils s'étaient tous donné rendez-vous le week-end des 15 et 16 novembre 2014 à Lamballe, il y avait bien une raison. Le détective se promit d'en découvrir le motif. Il s'était un peu renseigné, avant. Préférable quand on débarque dans une petite ville inconnue. En gare de Lamballe, il descendrait du train, sortirait du bâtiment, longerait le parking vers la gauche, descendrait un escalier pentu, passerait sous le pont de chemin de fer, et serait illico en vue de la salle municipale où se tenait la réunion secrète. Peut-être pas si clandestine, finalement, puisque des centaines de personnes venaient, elles aussi, rencontrer les auteurs invités pour “Noir sur la Ville”.
Noir sur la Ville 2011 - L'édition 2014 du festival Noir sur la ville - La fureur du noir
Bienvenue sur le site de l'association la fureur du noir et du festival du roman noir de Lamballe : Noir sur la ville.