Gérard Escaude est un policier de quarante-trois ans, en poste au commissariat Ouest de Toulouse, quartier Saint-Cyprien. Surnommé Gégé, voilà vingt ans qu'il exerce le métier, avec des hauts et des bas. Il trouve prétentieux son supérieur actuel, Le Ninir, qui n'a rien d'un flic de terrain. Il est actuellement flanqué d'un stagiaire, le jeune Victor Galéras. Son expérience, Gégé essaie de la transmettre à ce policier à peine sorti de Cannes-Écluses. Le vendredi 12 avril, un week-end peinard s'annonçait pour Gérard. Mais une sexagénaire, Mme Duval, a été poignardée à son domicile. En état de choc, son mari a été hospitalisé. Le retraité de la SNCF Marcel Duval est le présumé assassin de son épouse. Il essaie de s'évader de l'hôpital, avant d'être rapidement rattrapé et interrogé par Gégé.
Marcel Duval n'a rien d'un criminel endurci. En policier chevronné usant de psychologie, Gégé l'amène naturellement aux aveux. Une ultime dispute entre les sexagénaires, qui a entraîné ce meurtre, c'est presque banal. Duval avait une jeune amante, de la moitié de son âge, amatrice d'art comme lui. Un message maladroit de cette Marie-Jo Vigouroux a déclenché le drame. L'enquête de voisinage évoque, pour les Duval, un couple fréquentant peu de monde, sans histoire. L'autopsie révèle que la victime avait avalé une forte dose de phénobarbital, avant l'avalanche de coups de couteau. C'est un médicament devenant vite mortel, interdit depuis bon nombre d'années. Il est vrai que la défunte mère de Mme Duval en a utilisé pour soigner sa schizophrénie, naguère. Il en reste à leur domicile.
Marcel Duval n'explique rien quant au phénobarbital. Toutefois, il a un fils de vingt-six ans, Théo, interné à Paris, souffrant de schizophrénie. Après avoir questionné le psy ayant traité le jeune homme, Gégé profite d'un week-end à Paris chez son copain Maurice, pour se renseigner. De l'hôpital Sainte-Anne à une clinique spécialisée de la rue du Banquier, on lui confirme l'éventuelle dangerosité de Théo. Son récent emploi du temps laisse perplexe le policier. De retour à Toulouse, Gégé rencontre la prostituée Katia, de son vrai nom Marie-France Bentajou. Elle a vécu quelques temps en Ariège, façon baba-cool, avec Théo. Elle affirme que Marcel Duval fréquenta avec une belle assiduité ses collègues prostituées. Gégé et Victor vont bientôt pourchasser leur suspect le plus probable…
Ancien policier, Patrick Caujolle entretient sa vocation littéraire depuis plusieurs années. Il a publié de la poésie, des ouvrages consacrés à des cas criminels dans le Sud-Ouest, ainsi que “Ennemis publics n°1” et “Les casses du siècle” chez Le Papillon Rouge Éd. On avait pu remarquer une jolie souplesse narrative dans ses livres précédents. Entre des récits courts et un roman, existe néanmoins une grosse différence de format, voire de style. C'est avec grand plaisir que l'on constate que Caujolle est ici tout aussi convaincant. D'abord, par sa tonalité plutôt enjouée : “Et puis les amis, c'est comme les voitures, les jardins ou les maîtresses, ça s'entretient, tandis que les ennemis c'est tout de même plus confortable à gérer. Une fois que vous en avez un, avec un peu de chance, c'est pour la vie.”
Il s'agit donc d'un roman d'enquête ayant pour héros un policier. Rien de plus logique, vu le passé de l'auteur. Autant parler de ce que l'on connaît, de l'agglomération toulousaine et des investigations ordinaires d'un policier, en l’occurrence. Sans oublier le contexte qui fut longtemps alcoolisé dans les commissariats, Gégé le reconnaît : “Crois-moi, ce que tu peux voir aujourd'hui dans les services n'est qu'une métastase de ce qui se passait autrefois. Maintenant, entre les jeunes intellos clonés qui passent le concours, et la hiérarchie sans couille qui nous dirige, je peux te dire que les apéros d'autrefois ont presque tous disparu […] Autant boire pour boire est nul, autant un apéro ou une bouffe avec le boss en jeans est primordial. C'est ça qui soude.”
Toutefois, Caujolle ne se borne pas à une caricature. À travers son héros, il retrace aussi l'état d'esprit du métier de policier, l'évolution des pratiques. “Maintenant, c'est vrai, avec votre technique, vous en savez parfois autant, et ça fait moins d'alcooliques, mais c'est plus pareil. Chacun son groupe, chacun son morceau de gras, et la hiérarchie distribue les bons points en fin d'année pour faire des jaloux […] L'ADN est une preuve, pas un aveu. Et tu t'apercevras dans ta carrière que le plus important pour les familles des victimes, c'est de comprendre...” Le témoignage est un des éléments de cette histoire, sans oublier pour autant une véritable intrigue. Un roman policier authentique, bien écrit, et passionnant.
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