Rhumatologue à New York, le Dr Paul Allen habite dans le Connecticut avec sa deuxième épouse Fran, et leurs deux enfants. Il est divorcé de sa première femme, Ellen, qui vit en Californie, mère de leur grand fils Daniel. Ce soir-là, c'est par la télévision que tous les Américains apprennent l'assassinat de Jay Seagram. Candidat démocrate aux élections présidentielles, il symbolisait l'espoir pour la plupart des citoyens, fédérant même une part des républicains. Paul Allen et sa famille suivent cette info, comme tout le monde. Sauf qu'il apparaît rapidement que le tireur, arrêté sur les lieux, n'est autre que Daniel Allen. Des flics du Secret Service emmènent Paul Allen dans un lieu sécurisé, afin de l'interroger sur son fils. À vrai dire, ils possèdent déjà un dossier assez complet. Le médecin découvre que Daniel se fait appeler maintenant Carter Allen Cash. Il est convaincu d'une chose, son fils n'est pas un assassin. Il n'en a effectivement pas le profil.
Certes, Danny a grandi de façon plutôt autonome après le divorce entre Paul et Ellen. Il prit souvent l'avion étant enfant, entre la côte Est et la Californie. Sa mère n'était pas un modèle de stabilité, et Paul Allen lui consacra moins de temps qu'il aurait dû, sans doute. Adolescent, il vécut un temps chez la nouvelle famille de son père, se montrant protecteur avec les jumeaux nés de cette seconde union. Il était un brin renfermé, comme beaucoup d'ados, sans plus. Devenu étudiant, Daniel resta un élève moyen, allant rarement au bout de ses projets. Il décida finalement de voyager à travers les États-Unis, ce qui surprit peu son père. Une étape à Chicago, une autre plus longue à Iowa City. Ces quatre mois dans le Middle West influèrent probablement sur la suite, car il prit goût pour les armes et noua des amitiés avec des Mexicains. Il séjourna également dans le Texas, à Austin. Où il fut militant pour la campagne présidentielle de Jay Seagram.
Au fil des semaines, Paul Allen a tenté de peaufiner son diagnostic concernant son fils. Des hypothèses plausibles ou plus aléatoires sur l'attentat. Des témoignages favorables pour Daniel, parfois. Un ami avocat qui se démène de son côté pour obtenir des infos que les autorités masquent encore. Des conséquences aussi pour la famille du médecin et dans sa profession. Paul Allen est prêt à traverser toutes ces difficultés, dans son combat visant à prouver l'innocence de son fils. Ne faudrait-il pas retrouver l'homme avec qui il s'est battu au moment de l'attentat ? Et puis, ce ne serait pas le premier complot organisé contre un politicien d'avenir. Existe-t-il un quelconque lien entre Daniel et la société KBR, entreprise d'équipement militaire ? En Californie, l'étrange Carlos Peña est quand même très suspect aux yeux de Paul Allen. Le médecin culpabilise, sans jamais renoncer jusqu'au procès, traquant la vérité à travers le pays sur la piste de son fils...
Les motivations d'un père dans un tel cas sont aisées à comprendre. “Quelles qu'aient été les erreurs du passé, je comptais les réparer. Mon fils allait survivre à tout cela. Il en ressortirait plus fort. Tout homme doit un jour s'emparer d'un drapeau et charger au cœur de la bataille. Pour moi, ce jour était venu. Plus mon fils serait diabolisé par les autres, plus je le défendrais. Sa défense serait mon Graal” dit-il. C'est une douloureuse épreuve, où les moments d'espoir sont fort rares, que le lecteur va intensément partager avec Paul Allen. Médecin, celui-ci imagine élaborer un diagnostic objectif. Comme en parallèle nous suivons quelques étapes de la vie de Daniel, nous savons qu'il se trompe un peu. Que la psychologie du fils est, fatalement, plus complexe qu'il ne le pense.
Le seul petit reproche qu'on pourra adresser à ce livre, ce sont certains passages bavards autour des hypothèses. Il eût été bon de mieux synthétiser ces suppositions. Néanmoins, il s'agit d'un roman de haute qualité. À la fois, les fins portraits des personnages sont remarquablement dessinés, et c'est aussi un regard sur l'Amérique qu'on nous propose. Des questions sur l'éducation et sur le sens de la famille, sur les proches d'un accusé que l'on doit compter parmi les victimes collatérales d'une affaire judiciaire, bien sûr. Et un retour sur quelques criminels américains politisés : de l'assassin de Robert F.Kennedy à Timothy McVeigh, en passant entre autres par John Hinckley, Charles Manson, ou Charles Whitman. Retracer ici leur parcours n'est pas plus anecdotique que les tribulations du jeune Daniel dans plusieurs États américains. Un noir suspense à ne pas manquer.