Bien qu’ayant publié un roman dans la Série Noire ("Accidenti !", 1961) puis une trentaine d’autres chez Spécial-Police au Fleuve Noir, Pierre Latour (1900-1975) aura sans doute peu marqué la mémoire du polar. Il fut néanmoins l’auteur de bons petits romans, souvent proches de la comédie policière. Des personnages typés, des situations bien caricaturées, un récit fluide enchaînant les situations amusantes, cela donnait des romans fort plaisants à lire.
En voici un exemple avec "Corrida marseillaise" (1974).
Flavio Carlini est de retour à Marseille, auprès de son pépé Vittorio
et de sa mémé Giuseppina. Le pépé voudrait le faire engager comme clerc chez Maître Boulémias, mais Flavio n’a pas l’âme d’un gratte-papiers. Il est du sang des Carlini, et tient à le prouver
rapidement. Épouse d’un bijoutier, Victorine van Haecken vit dans sa ville natale de Marseille. Ce soir-là, alors qu’elle est agressée par deux voyou, Flavio intervient. Il la raccompagne chez
elle. Victorine tente un improbable numéro de charme. Flavio lui dérobe ses bijoux. Le patriarche Vittorio s’avoue fier de son petit-fils. Il lui demande de se mettre au vert durant quelques
jours, le temps de se faire oublier.
Le mari de Victorine apprend le vol de bijoux. Bonne occasion de lui supprimer ses revenus, de la laisser se débrouiller seule. À moins qu’elle ne retrouve les bijoux. Pour cela, elle contacte son ami Vespasien Jaffre, un minable truand. Celui-ci s’associe sur ce coup à un type réputé dangereux, surnommé Le Bédouin. Quant au bistrotier Alphonse Pitre, il aura bien tort de se mêler de cette affaire. Après le décès de Vittorio, Giuseppina demande à leur ami Toine Mourron de se charger des bijoux. Sachant que Vespasien et Le Bédouin le traquent afin de l’éliminer, Flavio se demande s’il ne serait pas plus prudent de rendre le butin. Que fait la police pendant ce temps ? L’inspecteur Fougassol suit de loin le dossier, interrogeant mollement les uns et les autres. Le moment venu, il s’occupera peut-être des plus suspects…
Son avant-dernier titre publié, "Blague à part" (1976), est certainement l’un de ses meilleurs romans. Il met en scène un raciste violent et odieux, personnage supposé honnête donc insoupçonnable. L’ironie est plus mordante que dans d’autres titres de Pierre Latour, qui dénonce le dérapage passant des paroles aux actes criminels…
Tous ses copains du Café du Levant sont d’accord : Pérouse est un homme
très sympa. Ses plaisanteries font plutôt rire l’auditoire de bistrot. Un seul détail inquiète son ami M.Servat. Il regrette que Pérouse déteste tant les étrangers. Par exemple, pourquoi s’est-il
querellé avec le boucher Van der Houck, d’origine belge ? C’est un brave type, Vander. Conciliant par nature, Servat se dit que ce n’est qu’un petit défaut sans gravité. Pérouse est marié à
Émilienne, dite Lily, une blonde sensuelle qui ne rechigne pas sur les rapports sexuels. Bien que Lily se comporte en épouse soumise, Pérouse se montre parfois agressif envers elle, à cause de
l’abus d’alcool. Lily non plus n’aime pas entendre son mari critiquer les étrangers. Puisque le métier de son mari lui laisse quelque liberté, Lily estime ne pas être trop
malheureuse.
Un couple de Suisses est victime d’un accident mortel près du village où les Pérouse possèdent une résidence secondaire; une caravane d’Allemands a brûlé près de l’hôtel où Pérouse séjournait en Savoie; la voiture du boucher Van der Houck qui est salement abîmée… Autant de glorieux faits d’armes contre ces satanés étrangers, pense Pérouse. Il ne craint pas la police, qu’il juge stupide. Il est vrai qu’un inspecteur peu perspicace va tomber sous le charme de son épouse, à l’insu de Pérouse. Le boucher belge s’est vengé de son adversaire, avant de regagner son pays natal. Ce qui ne calme pas du tout la violence raciste de Pérouse, prêt à faire de nouvelles victimes. Fils d’une concierge du quartier, le petit Raymond a son mot à dire dans les méfaits de Pérouse. Ce qui va bientôt ouvrir les yeux de l’ami Servat. Peut-il continuer à le couvrir ? De son côté, Lily supporte mal la violence croissante de son mari. Elle a aussi compris le rôle de Pérouse dans les morts d’étrangers. Comment l’empêcher de continuer ?