Le magazine Alibi est une bonne initiative. On ne peut que soutenir une publication consacrée à l’univers du polar. D'autant qu'elle privilégie la diversité des sujets. Déjà trois numéros sont parus. Ce qui indique la volonté et le sérieux des initiateurs d’Alibi. S’il possède en majorité des qualités, il n’est pas interdit de trouver quelques défauts à ce magazine.
À l’achat, la notoriété d’Alibi est faible, quasi nulle. Chez deux libraires indépendants, certes plus généralistes qu’orientés polar, on ne connaît pas du tout
: “Z’êtes sûr que ça existe ?” On me regarde presque comme si je sortais de psychiatrie. À la FNAC, je crois parler hébreu : “Hadidi ?” me
demande la stagiaire. “On ne vend pas de magazine” me répond sèchement la responsable du rayon. J’ai fini par le dénicher, mal visible, avant de le leur mettre sous le
nez. Troisième numéro, pourtant, mais peu de présence.
Le contenu d’Alibi est très satisfaisant, varié. Toutefois, quelques bémols. Deux pages sur les belles bagnoles américaines, et deux autres sur le Beretta 92 : on comprend la symbolique, mais on s’égare dans les pires clichés, limite caricaturaux. La recette de cuisine polardeuse inspirée de Fred Vargas, bien inutile aussi. A-t-on programmé l’horoscope, avec une rubrique santé et beauté au naturel, pour le prochain numéro ? Petit détail technique déplaisant : les photos en marge des articles sont indéchiffrables. Sinon, interviews et articles sont très intéressants.
"Le polar près de chez vous", c’est une tendance, pas un sous-genre. L'été meurtrier, dossier spécial sur le polar en régions, avec un tour de France du noir, de Lille à Marseille, en passant par Bordeaux et la Bretagne, s’avère fort convaincant. Deux découvertes : je ne connaissais pas Michel Suffran, auteur qui revendique les aventures de son héros à Bordeaux; j’ignorais que Raphaël Confiant se lançait dans le polar antillais. Dommage qu'Hervé Le Corre refuse d’assumer son décor bordelais, on pourrait y voir un caractère prétentieux. Dans l’Annuaire subjectif du polar régional, j'apprends que la Creuse est dans le Sud-Ouest (“La rigole du Diable” de Sylvie Granotier).
L’impression est globalement bonne, avec les nuances exprimées ici. Probable lauréat du prochain prix Maurice Renault, attribué par l’association 813, le magazine Alibi doit encore peaufiner quelques aspects pour devenir une référence.