Premier roman de Bernard Enjolras publié en 2010 aux éditions Alain Bargain, “Îlot mortel à Trégastel” nous présente une belle intrigue traditionnelle…
Diplômé en chimie et bon tennisman, Charles Duquesne a vingt-sept ans. Il est avant tout passionné de “romans policiers à l’Anglaise”. Il aime les histoires de vieux manoirs où sont commis d’improbables crimes, suivis d’une enquête par un détective désuet mais clairvoyant. C’est pourquoi il vénère Bernie Andrew, un auteur français ayant anglicisé son nom. Dans ses romans, Charles retrouve l’atmosphère des intrigues britanniques les mieux ficelées, avec un dénouement spectaculaire. Lors d’un vernissage dans une galerie parisienne, le jeune homme réussit à entrer en contact avec Bernie Andrew. Bien que l’écrivain s’avère peu expansif, Charles devient bientôt son assistant à temps partiel.
Bernie Andrew a été invité par le chirurgie Georges Brauman dans sa propriété bretonne, près de Trégastel. Le romancier demande à Charles de l’accompagner. À leur arrivée sur place, ils sont pris en charge par Brigitte Brauman, l’épouse de leur hôte. Les voici sur l’île Kuzh, îlot privé où se trouve le manoir des Brauman. Outre Bernie Andrew et Charles, le chirurgien a invité le Dr Rémi Marchant (son associé à la clinique) et son épouse, Carole Carmentier (belle-sœur alcoolique de Brauman) et le compagnon de celle-ci, Gianni Scaffoldo. Une certaine tension règne parmi eux, ce que Bernie Andrew analyse simplement : “Nous pénétrons dans un cercle de personnages qui se côtoient depuis des années (…) Vous imaginez bien tout ce qui a pu s’accumuler comme ressentiment, jalousie, haine peut-être, autour d’un individu comme Georges Brauman.”
Charles aimerait faire davantage connaissance avec la belle Nolwenn, étudiante dont les parents sont les gardiens de la propriété. Mais, après le dîner, les évènements vont s’accélérer. C’est d’abord Brigitte Brauman qui est retrouvée poignardée dans sa chambre à 22h. Il faut forcer la porte fermée à clé pour pénétrer dans la pièce. En partie à cause de la tempête qui sévit dehors, on ne peut téléphoner immédiatement aux gendarmes. Le chirurgien avoue à Bernie Andrew avoir reçu des lettres anonymes menaçantes. Une heure après le premier meurtre, c’est Georges Brauman qui est assassiné dans son bureau, selon le même mode opératoire. Là encore, il est nécessaire de forcer la porte.
Le criminel ne pourra pas quitter l’île, empêché par la marée haute. Charles et Bernie Andrew ont remarqué une ombre qui rôde. Le duo ne tarde pas à mettre la main sur ce jeune intrus. Il s’agit d’Erwan, l’ex-petit ami de Nolwenn. Même s’il nie, il reste le principal suspect. Fils abandonné par Brauman, il avait des raisons de se venger. Néanmoins, toutes les personnes présentes sur l’île sont aussi suspecte, y compris les gardiens. Bernie Andrew admet ne pas comprendre encore comment s’y est pris l’habile meurtrier. Le lendemain après-midi, les gendarmes débarquent enfin sur place. Les témoignages recueillis ne suffisent sans doute pas à comprendre un scénario et une vérité bien complexe…
Ce roman a été récompensé par le Prix du Goéland Masqué 2011 à Penmarch. Il est annoncé dès le début qu’il s’agit d’une énigme dans la tradition des auteures telles qu’Agatha Christie. On se dirige vers une affaire de “chambres closes”, dans un manoir îlien isolé par la mer. C’est clairement un hommage à ce type d’intrigues, avec indices et mystères, personnages masquant de sombres secrets et suspects trop évidents pour être coupables. Bien sûr, le lecteur accepte les codes de ces histoires, d’autant qu’on nous fait oublier le monde extérieur et ses réalités. Même si le duo n’égale pas vraiment Sherlock Holmes et le Dr Watson, la narration est astucieusement menée. Les faits sont parfaitement posés, avant que ne viennent les interrogatoires gendarmesques. L’intuition de Bernie Andrew et son esprit d’analyse feront le reste. Un très agréable suspense classique.