Richard Caron (1933-1997) produisit une dizaine de titres pour la collection Spécial-Police du Fleuve Noir de 1963 à 1969 (plus un autre en 1976). Ces histoires s’appuient quelque peu sur des sujets de société d’alors. Documentées, elles ont le mérite d’évoquer le monde des années 1960. Côté intrigues, il s’agit d’honnêtes romans d’action, avec leur lot de péripéties. Loin d’être médiocres, ils se lisent encore avec un certain plaisir. En voici trois exemples.
Les frelons (1963)
Paris est alors la capitale de la mode, de la haute couture. Ce qui attire une riche clientèle internationale. Malgré toutes les précautions prises, on vient également copier les nouveaux modèles. Journaliste à Paris Flash, Sacha rencontre par hasard Marta de Souza, séduisante quadragénaire sud-américaine. Elle assiste aux défilés de mode destinés au étrangers. Ils deviennent vite amants. Elle lui révèle bientôt qu’elle vend dans ses boutiques au Brésil des imitations de vêtements français, dessinés de mémoire après les présentations. D’ailleurs, elle demande à Sacha de prendre discrètement des photos grâce à un appareil sophistiqué. Il accepte, restant curieux d’en apprendre plus sur Marta. Ainsi que sur le nommé Astorga, qui visite clandestinement la chambre d’hôtel de Marta.
La mort de Chuka, une mannequin de chez Dior originaire d’Argentine comme Marta, entraîne une enquête pour meurtre. Alors que Marta parait avoir disparu, le reporter interroge Nacha Badaraco, une habilleuse venant du même pays. Puisqu’elle ne lui fait guère de confidences, il la prend en filature une nuit. Nacha passe à son ambassade, avant d’être enlevée. Sacha intervient quand les ravisseurs malmènent trop brutalement la jeune femme. Il existe un rapport entre la défunte Evita Peron, épouse du dictateur argentin exilé Juan Peron, et le monde de la mode…
L’heure noire (1965)
Bob est journaliste à Paris Flash. Un soir, les téléscripteurs annoncent un accident d’avion. Le patron de la société Piétroleum, M.Dumas-Moraval, et son pilote en sont les deux victimes. Rodolphe, le pilote, était un proche cousin de Bob. Avec son photographe, le reporter se rend sur les lieux de l’accident. Une affaire bien plus suspecte qu’on la dit. En témoigne la présence du commissaire Canavacchi, de la DST. À cette époque, la France soutient les initiatives visant à offrir l’autonomie pétrolière au pays. Sans être aussi puissante que ses concurrentes internationales, la société Piétroleum avait constitué un pôle européen économiquement efficace.
A-t-on éliminé Dumas-Moraval pour faire échouer les projets ? Ou s’agit-il d’une affaire impliquant les actionnaires de l’entreprise, dont plusieurs proches du patron ? Les grandes compagnies nient toute responsabilité. Pourtant, on a bien payé le nommé Costapoulos pour supprimer les victimes. Ce dernier est-il mort, comme on le croit ? S’il a trois principales suspectes, Bob doit déterminer qui est le véritable commanditaire…
Terminale (1969)
Ancien de l’OAS, Enrico rend visite à Francine, professeur d’anglais qui fut un temps sa petite amie. Il meurt accidentellement, d’une malencontreuse chute. Esprit pratique, Francine place le cadavre d’Enrico dans une chambre froide. Elle a pensé à Hervé, un de ses élèves, pour l’aider à se débarrasser du corps. Chantal, la copine d’Hervé, n’aime pas du tout le comportement secret de Francine. Elle n’hésite pas à suivre le couple, le soir où le déménagement du cadavre doit avoir lieu. Elle est aussi prête à avertir les parents de son petit ami de la liaison entre Francine et Hervé.
Tout ce que souhaitait le jeune garçon, c’est que Francine l’aide à avoir son BAC. Hélas, devenu complice, il s’est placé dans une situation terriblement délicate. D’autant qu’il faut compter avec le père de Chantal, qui va s’intéresser au cadavre pour d’autres motifs… Une galerie de personnages typés peuple cette histoire : un proviseur bourgeois de gauche, son fils sportif et cancre, des agents des services secrets aux têtes de catcheurs, une prof manipulatrice. C’est de la bonne comédie policière !
Par ailleurs, Richard Caron créa l’agent secret Jasper Wood (dit TTX75) pour une série de romans dans la collection Espionnage. Le film de Georges Lautner “Il était une fois un flic” avec Mireille Darc et Michel Constantin est l’adaptation du roman “TTX75 en famille” (1968). Transposition due au scénariste Francis Véber, futur cinéaste à succès, un ami de Richard Caron. Pour l’anecdote, dans le rôle d’un reporter pour la radio, Francis Véber apparaît dans le roman “L‘heure noire” (voir ci-dessus). Voici une des aventures de cette série.
TTX75 opération (1967)
Sous ses airs de play-boy désinvolte âgé d’une trentaine d’années, Jasper Wood est un agent chevronné de la CIA. Il se trouve en poste à Paris. C’est par hasard, en accompagnant une amie, qu’il découvre un objet insolite dans une clinique de chirurgie esthétique. Il s’agit d’un masque, moulé sur l’ancien visage d’un patient étant passé ici. Jasper Wood identifie bientôt les traits de Jeffries A.Thorps, scientifique américain ayant choisi le camp soviétique.
TTX75 montre le masque à son supérieur, mais ça reste une preuve incertaine. Il faut d’autres éléments certifiant que Thorps fut bien un patient du Dr Canurien. Jasper Wood surveille le médecin et son assistante, Elisabeth Marcus. Peut-il espérer l’aide de la jeune femme ? Pas si sûr, car l’autre camp est financièrement généreux. Le Dr Canurien n’a sans doute pas mesuré de quel imbroglio il se mêlait. L’affaire se poursuit au Grand Duché du Luxembourg, où se tient une réunion de médecins. Dans une autre clinique, la vie de TTX75 sera sérieusement en danger. Cette fois, il ne peut qu’espérer l’aide active d’Elisabeth Marcus…