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8 septembre 2009 2 08 /09 /septembre /2009 06:18
 

Elena Piacentini a publié "Un corse à Lille" et "Art brut" dans la collection Polars en Nord, deux romans qui connaissent un succès certain. Elle répond à quelques questions pour Action-Suspense.

Pouvez-vous nous présenter en quelques lignes votre héros, le Cdt Pierre-Arsène Leoni, de la PJ de Lille ?

Elena Piacentini : La trentaine, Leoni est un beau brun aux yeux verts. Physiquement, il est irréprochable et célibataire ! Quitte à passer de nombreuses nuits blanches avec un homme… Pour ce qui est du caractère, il est encore perfectible, comme beaucoup de ses congénères, du reste. Abandonné par son père, orphelin de mère, il a été élevé par sa grand-mère maternelle, une femme généreuse au caractère bien trempé, à laquelle il voue un amour inconditionnel. Il est le fils non reconnu et le légataire d’un homme qui a fait fortune. Cette filiation, cet héritage l’encombrent et le façonnent tout à la fois : ils sont à l’origine de sa vocation de flic. C’est un homme dont l’obsession du contrôle cache de nombreuses failles qui se dévoileront au fil de ses enquêtes. Animé de valeurs fortes, Leoni agit avec un sens du devoir et de la justice poussés à l’extrême, ce qui le rend rigide et prompt à enfreindre les règles. En tant que commandant, il sait faire preuve de souplesse et d’écoute. C’est un "patron" un brin protecteur qui assume pleinement la responsabilité de ses actes. Enfin, il glisse en permanence sur le fil ténu, tendu entre la nostalgie du départ et l’espérance du retour : il demeure un corse qui s’est absenté de son île.

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire des polars ? Et dans ce cadre, vous sentez-vous plus proche du roman d’enquête ou du roman noir ?

E.P. : C’est un petit peu comme en cuisine : lorsque que l’on aime déguster et partager, vient un moment où l’on a envie de passer derrière les fourneaux. Mon arrière grand-père adorait raconter des légendes sombres et inquiétantes à la veillée. Ma grand-mère me régalait d’anecdotes extraordinaires du temps de sa jeunesse. Enfant, j’ai dévoré le bel Arsène, Rouletabille, le Comte de Monte Cristo et enfin Poe et Barjavel. Ma bibliothèque craque et je serais bien en peine de classer mes livres par genre. Je ne retiens finalement que deux catégories : ceux qui m’ont embarquée "parce que c’était eux et parce que c’était moi" et ceux dont j’ai oublié l’histoire ou les héros. Le polar offre un espace de liberté qui me convient parfaitement. De l’humour au sordide, toute la palette des émotions et des sensations est permise. Alors pourquoi s’enfermer dans un genre ? Je serais bien en peine de procéder à la classification de mes deux titres, je laisse ce soin aux spécialistes qui s’y entendent mieux que moi.

Votre premier titre, "Un Corse à Lille", a connu rapidement un beau succès. Une belle satisfaction, quand on publie son premier roman ?

E.P. : Soulagement serait le terme le plus approprié ! Si les lecteurs avaient boudé Leoni, il aurait sans nul doute disparu prématurément ! Je considère cette aventure comme un encouragement à persévérer et à m’améliorer, en tous cas tant que le plaisir d’imaginer des histoires est au rendez-vous. J’ai écrit ce premier livre pour relever un défi lancé par mon mari. J’ai éprouvé de la satisfaction lorsque j’ai clos le chapitre final, du bonheur lorsque j’ai reçu la réponse positive de mon éditeur, de la fierté lorsque j’ai offert le livre à ma grand-mère (je le lui ai dédié). Cette période d’euphorie a été suivie d’une période de doutes. Les doutes sont toujours là ! Heureusement, mes amis et lecteurs fidèles, de Lille et de l’île, sont là pour les adoucir. Leoni a réussi à franchir la Méditerranée (dans le sens Continent-Corse les péripéties du voyage sont surmontables !), finalement, il me ressemble un peu, il aime les voyages tant que le retour demeure possible.

Être Corse suppose une forte identité, un grand attachement à votre région. Il s’y développe aujourd’hui un vrai mouvement culturel (Corsica polar) avec des auteurs actifs et solidaires ?

E.P. : L’identité est un questionnement sans fin auquel chacun apporte sa réponse singulière, elle est aussi et surtout un formidable terreau en matière de création. Chaque région du monde possède sa petite musique intérieure, son rythme. Ils sont incomparables, indispensables et infiniment plus subtils que les clichés dont on les affuble. A la fin des années 70, porté par un large élan associatif, la Corse est entrée dans le "reaquistu" (réacquisition), un mouvement qui a réensemencé tous les secteurs : histoire, musique, chant, arts populaires, traditions, littérature… Près de trente ans plus tard, la diversité des auteurs et des genres témoignent, comme dans d’autres régions d’ailleurs, d’une belle vitalité : la moisson est florissante.

Le salon organisé à Ajaccio par Corsicapolar est un exemple de cette richesse et de la solidarité qui anime ses membres. De nombreux auteurs ont notamment participé à l’élaboration d’un recueil de nouvelles policières dont le produit de la vente est entièrement reversé à l’association Handi 20, pour l’achat de fauteuils permettant aux enfants handicapés d’accéder aux plages. Lors du dernier salon Corsicapolar, un auteur qui venait de publier son premier roman confiait à Elisabeth Milleliri (qui a commis "Caveau de famille" et "Comme un chien dans la vigne" il y a quinze ans et qui - mille fois hélas - ne publie plus ) : "C’est en lisant tes livres, que j’ai osé écrire un polar dont l’action se déroule en Corse". Les éditeurs dits "régionaux" ou les coopératives d’auteurs offrent aux lecteurs des univers riches et bariolés qui rompent avec la monotonie d’une production standardisée.

L’action de mes romans se passe essentiellement à Lille. Mon personnage principal, sa grand-mère sont corses. Certaines phrases sont écrites en langue corse et traduites en bas de page. A Lille, mes romans sont classés au rayon "régional". C’était également le cas en Corse pour "Un Corse à Lille". Depuis la sortie de sa deuxième enquête, dans la plupart des librairies corses, Leoni a déménagé au rayon polar, c’est là qu’est sa place. La formulation de "roman régional", les adjectifs réducteurs, ont le don de me hérisser car ils induisent trop souvent une hiérarchisation qui n’a pas lieu d’être : régional, national, international, universel. En tant que lectrice, je me moque de savoir où se déroulera l’action, ce qui m’importe, c’est de cheminer dans l’imaginaire d’un autre. Les polars dits "efficaces", formatés version films d’action à l’américaine m’ennuient, voire m’agacent lorsqu’ils sont écrits par des français. C’est sûrement pour cela que j’aime autant les histoires de Camilleri : nul autre que lui ne pourrait les écrire et les accommoder avec autant de bonheur. En littérature, comme dans la vie du reste, la sincérité, la justesse sont pour moi essentielles. Ecrire un polar qui se déroulerait à New York ou Oslo serait pour moi une imposture. Cette démarche relève davantage du marketing que de la création. Tant pis pour les grandes lois économiques qui régissent l’industrie du livre ! Pour mes voyages littéraires, je préfère les chemins de traverse aux circuits des Tour Operators.

Quel que soit l’adjectif dont on qualifie mes romans policiers, une chose demeure certaine : je suis corse et je suis attachée à la région du Nord qui m’a accueillie. C’est dans le petit village où j’ai grandi que je me sens reliée au reste du monde. Si d’autres considèrent l’insularité comme un enfermement, je la vis comme une passerelle, une porte ouverte sur des milliers d’ailleurs. Là-bas, je me sens héritière et passeuse. J’ai la chance, dans ce monde dément, d’appartenir à un bout de terre où les arbres, les pierres, les sentes oubliées ont une histoire à me raconter. Il y a quelque chose de sacré dans le rapport que j’ai à mon île, à la beauté qu’elle offre au regard. C’est sans doute la raison pour laquelle j’ai besoin d’un certain esthétisme dans mes romans et dans mes lectures. J’imagine que tous les auteurs dont les racines sont profondément ancrées auraient la même histoire d’amour à raconter.

Préparez-vous une future aventure du Cdt Léoni ? Quelques détails ?

E.P. : Oui, j’en suis au dernier quart, le plus excitant et le plus décourageant ! Il me faudrait quinze jours, totalement seule, quelques litres de glace et du vin blanc de Corse ! Si je pastichais le site de présentation du dernier roman de Marc Levy, cela pourrait donner quelque chose dans le style :

« Lui, c’est un enquêteur tenace perdu dans les brumes septentrionales, il enquête sur un meurtre aussi horrible qu’insensé. Elle, c’est un pétulant médecin légiste fuyant une histoire aussi brève qu’enflammée. Elle cherche à s’évader dans l’hémisphère sud, mais la curiosité la met sur la piste d’une bien étrange histoire de famille.»

Il y a des aéroports, des voitures, un bateau mais pas d’avion ni de vélo. Il y a des bêtes mais pas d’animaux. Il y a des Corses, des Normands, un Niçois, un Italien, une Belge et beaucoup de Lillois… Il ne changera pas la face du monde mais apportera, je le souhaite, du plaisir tout simplement. Le premier chapitre s’ouvre sur une ville du Brésil, le dernier pourrait bien se clore sur un petit village en Corse. Ou ailleurs, qui sait ? Les personnages principaux flirteront avec leurs limites, la légiste flirtera avec… mais je n’en dit pas davantage. Plus sérieusement, j’explore dans ce troisième volet la face la plus sombre de Leoni. Je me fais plaisir en me baladant, en espérant de tout cœur que ce plaisir sera partagé par tous ceux qui ont déjà été séduits par les aventures du "Corse du Nord"...

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commentaires

B
Bon je n'arrive pas à laisser de commentaires de mon boulot (même pas entre midi et deux!), bizarre, bizarre... tout ça pour dire, belle interview. L'envie est là de découvrir ce nouvel inspecteur. J'ai mis une option dessus. J'en reparlerai sans doute plus tard.
Répondre
C
<br /> Grâce à la qualité des réponses d'Elena Piacentini, je crois que c'est une des plus belles interviews que j'ai pu réaliser. Tout le mérite en revient à cette<br /> (ravissante) auteure. Voilà déjà longtemps que j'affirme qu'il y a de très bonnes choses à découvrir dans cett collection Polars en Nord (Maxime Gillio, Lucienne Cluytens, Jean-Christophe Gérard,<br /> Michel Vigneron, etc.)<br /> A bientôt !<br /> <br /> <br />

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