« Cousin Germont »
Michel Cousin a connu une certaine notoriété, mais il est à craindre qu’on l’ait oublié aujourd’hui. Il a pourtant écrit près de soixante romans à suspense, qui méritent d’être redécouverts.
Michel Cousin est né à Paris le 13 mai 1928. Il semble avoir obtenu un diplôme d’ingénieur agronome, fait quelques études de droit puis exercé plusieurs métiers. Sans doute commença-t-il très tôt à écrire, car son premier roman « Mon propre meurtre » est publié en 1960. Il devient vite une des valeurs sûres de la collection Un Mystère. La même année sortent « Mort à haute dose », « En cas de mort » (histoire d’un étudiant séducteur et escroc, mêlé à plusieurs meurtres) et « Des idées noires » (où un médecin est victime d’une machination criminelle). Suivent trois titres en 1961, puis deux autres en 1962. L'année suivante, Michel Cousin obtient le Prix du Mystère pour un roman très malin : « La puce à l’oreille ». Cette histoire, où la fidélité n’est pas un vain mot, se passe dans une propriété en Bretagne. Ce livre a été souvent réédité, à juste titre. La même année, il publie « M.Stanislas agent secret », qui fut porté au cinéma, avec Jean Marais dans le rôle principal.
Jusqu’en 1974, Michel Cousin est publié dans les diverses collections des Presses de la Cité : Mystère, Suspense, Punch. Retenons quelques très bons titres de cette époque. Dans « En mariage seulement » (1966), Un PDG est victime d’un chantage que son épouse doit ignorer. Il en parle officieusement à un ami policier. Soupçonnant certains de ses collaborateurs, il les fait surveiller par un détective. Le maître-chanteur devient exigeant. Croyant l’avoir identifié, le PDG le tue en légitime défense. Mais ce n’est pas la fin de ses ennuis… Dans « La voix du sang » (1974) la maîtresse du héros est assassinée. Risquant d’être accusé, craignant la réaction de ses proches, il fait disparaître le corps. Quand celui-ci est retrouvé, il doit mener sa propre enquête pour se disculper. Il a peu d’avance sur la police.
Dans « La marmite du diable » (1972), on nous présente une famille tiraillée, les Larivière. Chacun vise l’héritage de la doyenne, Elodie. C’est l’un des thèmes préférés de l’auteur. Avec astuce, il sait renouveler son inspiration. Dans le même genre, « La folle du logis » (1973) : Marie-Charlotte Villiers, une vieille dame vivant dans un manoir de Normandie, est souffrante. Ses enfants, issus de plusieurs mariages, sont alertés et viennent tous au manoir. La mort de l’aïeule arrangerait certains d’entre eux, ainsi que d’autres proches de Marie-Charlotte… Ces romans, traités avec une bonne dose d’ironie, sont vraiment plaisants et entraînants. On peut aussi citer « Détournement de mineures » (1966), « Nuit noire » (1967), « La mort médecin » (1969), ou « Autosuggestion » (1974). Autant de bons titres démontrant les qualités de Michel Cousin. Son sens du “suspense à chute” est toujours savoureux. La fluidité de la narration rend la lecture fort agréable.
C’est sous le pseudonyme de Michel Germont qu’il rejoint en 1973 le Fleuve Noir, dans la collection Spécial-Police. Jusqu’en 1984, il publiera 21 romans sous ce nom. Ils ne sont pas moins intéressants que les précédents, au contraire. Il y développe des variations sur le thème suivant : un homme devenu riche et puissant grâce au mariage veut éliminer son épouse. Dès le premier titre de Michel Germont « L’œil du témoin » (1973), il exploite ce sujet. La jeune maîtresse du héros a été assassinée. Il doit prouver son innocence après avoir caché le cadavre. S’il n’est pas le seul suspect, les indices jouent contre lui. Une amie de la victime fait un bien curieux témoin. Elle est aussi utile que dangereuse. Dans ce roman comme dans de nombreux autres, la situation initiale est assez ordinaire, peu originale. Mais c’est l’évolution du récit qui permet à l’auteur de nous proposer des histoires bien différentes. Dans ce genre, on peut retenir par exemple « La mort à point » (1976) ou « La morte vivante » (1978). Ici, le héros tente de supprimer son épouse arriviste pour refaire sa vie avec quelqu’un d’autre. Mais rien ne se passe comme prévu, et il doit subir les exigences de sa femme.
On a parlé au sujet de Michel Cousin / Germont de “vaudeville policier”. Il est vrai que le trio mari-femme-maîtresse correspond à ce qualificatif. Pour les romans cités plus haut, on pourrait parler de “comédie bourgeoise criminelle” au sein d’une famille. Toutefois, ces étiquettes ne donnent pas une juste impression de l’œuvre de cet auteur. Il a abordé par ailleurs des thèmes divers. Il fut particulièrement habile dans les faux-semblants et les chassés-croisés. Cela offre souvent du piment aux histoires criminelles d’apparence simples. Parmi ses réussites signées Michel Germont, citons « Injustice faite » (1976) procès d’un séducteur cynique mais non coupable, « Le noyé de Concarneau » (1977) où un inspecteur d’assurances se demande s’il n’a pas été manipulé dans une enquête menée huit ans plus tôt, ou « Qui a tué qui ? » (1974) où le héros tue en légitime défense son futur beau-frère, et doit prendre la fuite. Une affaire plus insolite qu’il n’y paraît.
Il serait absurde d’affirmer que tous les romans de Michel Germont sont excellents. « Zone d’ombres » ou « Le grand fantasme » apparaissent un peu plus faibles, par exemple. Il semble qu’il ait également écrit bon nombre d’érotiques sous le pseudo de Pierre Héro, pour Eurédif. Ecriture alimentaire, voilà tout. Il reprit vaguement le nom de Michel Cousin pour une série de dix romans : « Contact S.A. ». Dès le deuxième titre, son nom n’apparaît plus en couverture. Le titre « Contact » identifie la série. En outre, il semble aussi avoir dirigé la collection “Hard 2004” du Fleuve Noir. L’un des derniers suspenses signés Michel Cousin a pour titre « La Renarde » (1986). On le voit, l’œuvre de cet auteur n’est pas négligeable.
© Claude Le Nocher