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14 janvier 2017 6 14 /01 /janvier /2017 05:55

En mars 1760, le chevalier de Volnay, commissaire au Châtelet, arrive à Venise en compagnie de son père, le moine. Ce dernier est d’une humeur très sombre, d’une apathie quasi-morbide. Ce voyage pourrait améliorer sa santé. D’autant que le moine connaît bien Venise, la défunte mère de son fils en étant native. Volnay répond à la demande de son amie Chiara d’Ancilla, rencontrée à Paris au temps où y vivait Casanova. Ce n’est pas tant l’affaire des quatre hommes trouvés pendus à des ponts vénitiens qui préoccupe Chiara. Encore que cette série de crimes soit mystérieuse. Le comte de Trissano, un cousin de sa famille, est menacé de mort depuis quelques temps. L’ultime délai avant qu’il ne soit tué approche à grands pas, ainsi que l’indique un inquiétant message.

Volnay se renseigne auprès de Cordolina, puissant conseiller de la République de Venise, procurateur de Saint-Marc. Sa fille Flavia est fiancée au fils du comte de Trissano, Orazio. Une union sans la moindre sentimentalité, Flavia se montrant hautaine et glaciale. Tout l’opposé d’Amarilli, fille du comte, romantique et désenchantée. Celle-ci a depuis peu à son service le jeune Lelio. Volnay et le Moine sont dans le secret, mais ne dévoileront rien : il s’agit en réalité d’une jeune fille, Violetta, tenant le rôle d’un garçon. La nuit fatidique, en présence de Volnay censé le protéger, la chambre du comte est sous la garde du policier Vitali et du personnel du palais. Néanmoins, on parvient a assassiner le comte. Peut-être en passant par une étroite lucarne, d’accès difficile. Est-ce qu’un animal ou qu’une contorsionniste aurait pu s’introduire dans cette chambre close ?

Tout est si théâtral à Venise ! Et ce n’est pas Carlo Goldoni qu démentira cette assertion. Quant au moine, son humeur noire vire plutôt au bleu, sans qu’il soit vraiment remis de sa dépression. Chiara, Amarilli, et Violetta se confient volontiers à lui, même si sa robe de bure ne fait pas du moine un authentique prélat. Il mène une discrète enquête parallèle, qui le mènera jusqu’à un orphelinat. Son fils Volnay cherche des indices, dans une maison de plaisir où l’on joue gros, auprès du conseiller Cordolina et de sa fille Flavia, chez des usuriers, à l’Arsenal de Venise et chez un notable de la ville dont le fils est décédé. Il est même invité par le chef des brigands locaux, qui ne tient nullement à être associé à cette série de pendaisons.

L’opinion de Baldassarre, vieux Juif du Ghetto, peut éclairer Volnay sur la géographie économique de la Sérénissime. Certains détails supplémentaires sur Violetta ne sont pas superflus, non plus. Après la rupture des fiançailles entre sa fille Flavia et Orazio, héritier du comte de Trissano, Cordolina veut-il véritablement évincer Volnay ? L’affaire des pendus et la mort du comte méritent mieux que des hypothèses incertaines…

Olivier Barde-Cabuçon : Humeur noire à Venise (Éd.Babel Noir, 2017)

Il s’interrompit pour dévisager songeusement le jeune homme, s’appliquant à déchiffrer un infime sentiment dans ce masque sévère, ce regard tranquille et froid.
— Mais vous ne partirez pas, n’est-ce pas ? reprit-il gravement. Je sais juger les hommes. Vous ne quitterez pas Venise sans avoir démasqué l’assassin du comte de Trissano parce que vous n’avez pas su le protéger.
— Vous ne me culpabiliserez pas, répondit tranquillement Volnay. Arrivé du matin, je n’en savais pas assez pour sauver le comte. Vous, en revanche, vous auriez pu soit le sauver, soit l’épargner.
Cordolina prit un air suave.
— Rentrez chez votre amie et profitez de la soirée. L’air est doux. Pendant ce temps, je vais méditer quelques épouvantables méfaits.
Et sur ces mots, il lui tourna le dos.

C’est la quatrième aventure du “commissaire aux morts étranges” et de son père, le sympathique moine. Ces premiers titres sont disponibles en format poche. L’ambiance vénitienne est propice aux intrigues criminelles, bien des romans l’ont démontré, quelle que soit l’époque choisie. Si en 1760, cette ville rayonne un peu moins, si ses fastes ont faibli, elle reste la cité des masques et de la comédie, se muant parfois en tragédie. Les fondations de ses palais sont fragiles, mais ses institutions spécifiques sont toujours aussi fortes. Si son destin commercial décline, d’autres atouts peuvent être développés. Dans certains cas, les décisions occultes s’avèrent aussi honorables que celles trop publiques.

La fausse légèreté vénitienne, parfaitement bien comprise par l’auteur de théâtre Carlo Goldoni, convient fort bien à Volnay et au moine. Elle excite leur envie de comprendre les "caractères", de situer les faits bien au-delà des apparences. En appelant Shakespeare à la rescousse – à travers des citations de son œuvre – le duo discerne progressivement le vrai du faux, la part de comédie. Père et fils étant chacun à sa manière des séducteurs, les femmes obtiennent une place majeure dans cette histoire. Cet opus d’Olivier Barde-Cabuçon est, une fois encore, très convaincant.

Olivier Barde-Cabuçon : Humeur noire à Venise (Éd.Babel Noir, 2017)
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commentaires

M
Bonjour Claude,<br /> <br /> J'ai aimé "Casanova et la femme sans visage". Le polar historique, je ne pratique qu'avec modération ( j'en lis un actuellement, "Funérailles en bleu", d'Anne Perry) Barde-Cabuçon est à mon avis bien plus digeste que J-F Parot (j'ai abandonné" Le sang des farines" au bout de 100 pages) ou que Jean D'Aillon (qui ne supporte pas la critique), 2 auteurs qui alourdissent leurs récits de détails historiques inutiles qui rendent son déroulement très artificiel...<br /> Mais basta, il en faut pour tous les goüts !<br /> Amicalement,<br /> Max
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C
Bonjour Max<br /> Je suis exactement sur la même ligne : ponctuellement un polar historique, si possible qui privilégie l'intrigue dans un contexte du passé, et non l'inverse. Ce qui est le cas avec Anne Perry ou avec Olivier Barde-Cabuçon, c'est incontestable. Les enquêtes du chevalier de Volnay sont très réussies, et - comme je l'ai dit une fois à l'auteur - le personnage du moine est franchement sympathique. Une très bonne série, je le répète !<br /> Amitiés.

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