Vigo Vasquez, surnommé Le Noir, “un chef de bande, un bandit sans foi ni loi comme on n'en faisait plus. Un tueur.” Belle réussite, quand fut arrêté ce truand aujourd'hui âgé de cinquante-quatre ans, emprisonné en Alsace. En plus de diriger son gang, Vigo était aussi un pédophile et un tueur en série d'enfants. Après que plusieurs juges d'instruction aient échoué, l'affaire fut rondement menée par l'ancien patron de la P.J., Rollin. Succès qui lui a permis de monter en grade, devenant préfet de police. Le policier Erwan Lauterbach participa à la conclusion de cette enquête. Pour lui, le bilan est nettement plus mitigé. Il est veuf, père d'une fillette de quatre ans qu'il élève avec sa propre mère.
Divorcée du mafieux corse Matéo Rizzo, Nathalie Ruiz fit partie des avocats de Vigo Vasquez. Si ses défenseurs furent souvent efficaces, impossible de le sortir du pétrin cette fois. Meurtres de plusieurs enfants, ça ne pardonne pas. D'autant qu'un témoin capital, le malchanceux Elvio Vitalli fit pencher finalement la balance de la Justice. Sans états d'âme, le juge Tranchant condamna Vigo Vasquez. D'ailleurs, il existait des preuves, et l'ADN du coupable fut retrouvé autour d'un des crimes. Toutefois, on pouvait se demander comment un tel cador du grand banditisme s'était abaissé à tuer une série de gamins. Rollin masqua habilement ce genre d'interrogations, l'essentiel étant d'avoir capturé le fauve.
Cinq enfants viennent d'être séparément kidnappés, avant d'être séquestrés ensemble sur un bateau. Pas n'importe quels mômes, d'où l'obligation faite aux parents de garder secret ces enlèvements. Il s'agit de la fille de Nathalie Ruiz et de Matéo Rizzo, de celle du juge Tranchant, de la fillette du policier Lauterbach, des fils de Rollin et d'Elvio Vitalli. Le responsable des ravisseurs s'est bientôt manifesté : c'est Vigo Vasquez, qui est parvenu à s'évader de prison grâce à des circonstances particulières. Il exige que la vérité soit faite, que les parents avouent leurs fautes, car il confirme n'être pas le tueur. Le préfet Rollin entend mener l'affaire à sa manière, interdisant que les autres parents interviennent.
Parmi les captifs, le fils Vitalli et la fille de l'avocate envisage de s'enfuir. Échec partiel, car ils ignorent dans quel port ils sont. Matéo Rizzo, l'ex de Nathalie Ruiz, reste un homme d'action, et ne compte que sur lui-même pour retrouver leur fille. Erwan Lauterbach suit la même piste que le Corse, dans un bar servant de repaire à des truands. Bien qu'ils n'aient pas les mêmes valeurs, l'objectif de sauver leurs filles les réunit. De son côté, un ancien flic enquête pour le juge Tranchant, suivant la piste de jeunes Gitans. Lauterbach et Rizzo débarquent dans un port de la Mer du Nord, où une certaine Marie-Louise Mariani semble avoir un rôle dans l'organisation de Vigo Vasquez. L'enquête mouvementée du duo va les mener jusque dans un club de vacances en Belgique…
Films policiers, romans noirs, d'Auguste Le Breton ou André Héléna à nos jours, sûrement un peu de Michel Audiard, Jacques-Olivier Bosco s'est nourri d'une large “culture polar”. Il en connaît toute la mythologie. Aussi bien ce qui concerne le grand banditisme, les destins fatals des losers, sans oublier les corrompus de tous poils. Il n'ignore pas qu'un roman d'action ne captive les lecteurs que s'il est réellement percutant. Mettre en harmonie un tempo très rythmé et une intrigue de bon niveau n'est pas un exercice si facile. Le scénario se doit d'être vraiment solide, et les personnages absolument convaincants. Cet équilibre, Jacques-Olivier Bosco l'obtient dans les aventures agitées qu'il nous raconte ici.
Bien que soient en cause des meurtres d'enfants puis un quintuple kidnapping, il n'est pas question de tomber dans le pathos. Si le truand et ses acolytes sont des durs, les parents restent également déterminés. Moins froidement que l'adversaire, mais avec volonté. Le cas du manipulateur et cynique préfet Rollin ne nous est pas caché. Ambiance tendue, qui n'empêche pas des pointes d'humour. Un enquêteur parallèle se nomme Burma, non pas Nestor mais René Burma. Outre les clins d'œil à quelques amis, notons des passages tels que celui-ci : “La salle était vide, des patères aux murs (…), des douches à faire peur à Stephen King lui-même, avec leur carrelage de boucherie et la tuyauterie rouillée et tordue.” Ces sourires sont complémentaires d'une histoire sombre mais vivante, possédant tous les ingrédients qui séduiront les amateurs des meilleurs polars.