La collection Feux Rouges fut publiée aux Éditions Ferenczi de 1958 à 1960. Elle compte cinquante-quatre titres, aussi bien des romans d’espionnage que du suspense. Elle est injustement restée mésestimée par beaucoup d’amateurs de polars. Ça tient au fait qu’on ne trouve guère d’auteurs très célèbres dans cette série. À part quelques étrangers peu connus traduits par Jane Fillion (Milton K.Ozaki, Vernon Warren, Day Keene, Charles A.Landolf et Browning Norton, L.A.Dann), l’essentiel des auteurs sont Français.
Il est vrai qu’on ne sait trop qui se cachaient derrière les noms ou pseudos de Luc Parain, Dan Sullivan, Willy Roc et autres. Pourtant, figurent dans ce
catalogue des romanciers qui feront carrière. Jacques Chabannes a connu une certaine notoriété dans les années 1950-60. Roland Piguet et Jean-Pierre Alem ont publié d’autres romans par la suite.
Raymonde Borel-Rosny et son mari Robert étaient déjà des auteurs expérimentés. Georges Vidal poursuivra aux Presses de la Cité, puis deviendra un auteur du Fleuve Noir
Spécial-Police.
Les deux auteurs qui confirmèrent leur talent par la suite sont Georges Murey et Roger Henri-Nova. Le premier n’est autre que Georges-J.Arnaud, qui devint un des piliers du Fleuve Noir, dans la plupart des collections de cet éditeur. Dans ses titres de cette époque, on distingue déjà sa manière d’écrire. Le second publia ensuite chez Presses de la Cité, avant de gagner une véritable notoriété sous le nom de Roger Faller. Il produisit quantité de bons romans pour les collections Spécial-Police et Espionnage du Fleuve Noir pendant une vingtaine d’années. C’est dans ces deux genres qu’il a écrit huit titres pour Feux Rouges.
Pour vérifier que cette collection était loin de la médiocrité, voici deux exemples de romans à suspense publiés chez Feux Rouges.
R.& R.Borel-Rosny : Ma haine pour toi (1959)
Margot et Stéphane Thadder s’installent dans une villa à la campagne, du côté d’Arpajon. En vérité, c’est une impasse cette Avenue des Tilleuls à Saint-Florent, le bout du monde. Stéphane, receleur d’objets d’arts, semble avoir besoin de se faire oublier. Margot ignore s’il craint la police ou les mafieux. Un tel isolement en cette saison morose, c’est bien déprimant. Ils n’ont qu’une voisine, la veuve Malicotte. Si Stéphane l’évite, Margot sympathise avec elle en l’absence de son mari. Jouant les cartomanciennes, Mme Malicotte voit la mort planer autour du couple. Elle n’a pas tort, car Stéphane a entraîné Margot ici pour la supprimer. Il rêve de refaire sa vie avec la jeune Brigitte, qui vit dans le Sud et l’a déjà oublié. Stéphane étrangle sa compagne et cache habilement le cadavre dans la cave. Mme Malicotte a remarqué les activités nocturnes de son voisin bizarre.
Marié à Colette, handicapée des jambes, Gilles Damette veut faire cesser le chantage de sa secrétaire Josie, enceinte de lui. Ils ont rendez-vous en soirée, au bureau de Gilles. Quelqu’un a éliminé Josie avant l’arrivée de Gilles, à l’insu du gardien de nuit Anatole. Se sachant hautement suspect, Gilles suit le conseil de son épouse. Elle lui suggère de fuir en Suisse, dans la maison de sa tante Florence. Mais, sur le trajet, un incident de voiture le retarde. Sa route croise par hasard celle de Stéphane, qui a déguerpi après avoir réglé son compte à la voisine fouineuse. Un accident de voiture vient compliquer la situation, à l’heure ou les victimes de Stéphane ont été découvertes. L’inspecteur Tiburce est chargé de démêler cette affaire. Le rescapé de l’accident est-il Gilles ou Stéphane ?
Un assassin sans scrupule et un suspect qui n’a pas tué, deux cas de figure pour un petit roman très réussi. Les personnages sont typés, sans être
caricaturaux. Précise et fluide, la narration est plutôt enjouée. Une intrigue qui s’avère vite passionnante, et qui réserve quelques surprises.
Georges Murey : À tête coupée (1960)
Sur la côte Est du Mexique. Frank Reynolds, trafiquant de drogue américain, doit purger dix ans de prison dans un pénitencier. Il a trouvé le moyen de s’évader, grâce à sa femme Jenny Reynolds et à la complicité d’un détenu métis libérable. Un plan simple: tandis que Frank et son complice se cachent dans les alentours de la prison, Jenny et un sosie de Frank (Roy Merril) doivent faire diversion. Le couple fera croire aux policiers qui les pourchassent qu’ils vont vers le Nord, en direction de la frontière. Tous quatre ont rendez-vous quelques jours plus tard dans une maison isolée. Le lieutenant Funker, qui arrêta Frank, est alerté dès les premiers instants suivant l’évasion. Il s’interroge sur la fuite de l’Américain, se demandant pourquoi il fait un détour peu logique par les marécages.
Jenny et le sosie Roy jouent correctement leur rôle, évitant les
barrages de police et les patrouilles à moto. C’est ce qui les oblige à traverser les marais dans des conditions périlleuses. À Tampico, ils changent de véhicule, mais les hommes de Funker ne
tardent pas à s’en apercevoir. De leur côté, après avoir éliminé un témoin gênant, Frank et son complice poursuivent leur parcours sans être traqués. Toutefois, l’Américain a hâte de retrouver
son épouse, qui pourrait bien tomber sous le charme de son sosie. Manquant de sommeil, le lieutenant Funker ne sait quelle hypothèse adopter pour retrouver les fuyards…
Une chasse à l’homme en milieu hostile, un jeu de dupes entre poursuivants et fugitifs. Un suspense qui ne manque ni de densité psychologique, ni d’action à rebondissements. Un roman où Georges-J.Arnaud maîtrise déjà son style.
J'ai consacré un hommage à Roger Faller, ici. L'Oncle Paul a fait le portrait de Raymonde et Roger Borel-Rosny, là.