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10 juillet 2016 7 10 /07 /juillet /2016 04:55

À l'issue de la première guerre mondiale, Séraphin Monge est âgé de vingt-trois ans quand il retourne dans sa région natale. Il a obtenu un poste de cantonnier à Lurs, dans la vallée de la Durance. Sa famille tenait autrefois un relais de poste un peu plus loin, à Peyruis. De la propriété qui appartenait à son père, ne reste que leur maison "la Burlière", les terres ayant été vendues entre-temps. Car un drame s'y joua alors que Séraphin était encore un bébé. Trois inconnus égorgèrent Félicien Monge, sa femme la Girarde, et le Papé, père de celle-ci, ainsi que les deux frères aînés de Séraphin. Scène sanglante, terrifiante selon les témoins. Trois ouvriers étrangers venus de l'Herzégovine furent arrêtés et bien vite guillotinés, pour ce monstrueux crime. Sauf que les victimes avaient été tuées avec un tranchet, couteau purement local, que le trio de suspects ne possédait pas.

Orphelin, Séraphin Monge fut élevé chez les Sœurs de la Charité. Ensuite, c'est au métier de forestier qu'il s'initia durant son apprentissage. Puis ce fut la guerre : Séraphin sortit sans trop de dégâts de la grande boucherie. Contrairement à Patrice Dupin, fils d'un riche notable des environs, affichant désormais sa "gueule cassée" qui effraie ou rebute. Patrice tente de sympathiser avec Séraphin, même si le fils Monge n'exprime aucun sentiment. Ce dernier n'en montre pas plus envers les jolies filles du coin, qui tournent autour de lui. Que ce soit la jeune Rose ou la belle Marie, voire Charmaine la sœur peu attirante de Patrice, il n'encourage nullement leurs approches de séductrices. Séraphin ne s'inquiète guère non plus de Zorme, le sorcier redouté aux alentours. Car, rongé par le manque d'une mère durant son enfance, le jeune Monge s'est fixé une mission : détruire la Burlière.

Après avoir brûlé tout le mobilier et les vêtements restant après sa famille, Séraphin a ôté les tuiles du toit, entamé la charpente. Jusqu'au printemps suivant, il va démolir la maison. Ultime témoin, un vieux moine moribond lui confirme que les trois assassins étaient bien des hommes d'ici, qu'ils visaient précisément Monge et sa famille. Séraphin découvre une boîte singulière dans la maison. Elle contient de nombreux Louis d'or ayant appartenu à son père, et surtout trois reconnaissances de dettes. Des prêts dont le remboursement devait intervenir le lendemain du jour où toute la famille fut égorgée. Pour Séraphin, l'identité des coupables est établie. Le boulanger Célestat Dormeur n'est autre que le père de Marie. Le fabricant d'huile Didon Sépulcre est celui de Rose. Quant à Gaspard Dupin, forgeron devenu grand propriétaire, il s'agit évidemment du père de Patrice.

Ces trois-là n'ont pas vu d'un bon œil le retour au pays de Séraphin Monge. Les parents de Rose et ceux de Marie voudraient dissuader leurs filles de tourner autour de lui. De son côté, Gaspard Dupin se méfie de Séraphin, dont le comportement lui semble empreint de folie. Il est vrai que le jeune Monge le surveille. En l'absence de Dupin, son fils Patrice a invité Séraphin à déjeuner, avec sa sœur et leur mère sourde. Le soir-même, alors que Gaspard Dupin rentre à sa propriété, il est victime d'une noyade. Il est bientôt établi que ce n'est pas accidentel. Séraphin n'a pas occasionné ce décès. C'est Patrice qui est arrêté et emprisonné, bien qu'également innocent. Célestat Dormeur et Didon Sépulcre sont de plus en plus sur leurs gardes…

Pierre Magnan : La maison assassinée (Éd.Denoël, 1984 – Folio)

Pierre Magnan (1922-2012) se fit connaître dans le domaine du roman policier à partir de 1977 avec la série des enquêtes du commissaire Laviolette. “Le sang des Atrides”, premier titre ayant pour héros ce policier provençal, fut récompensé par le Prix du Quai des Orfèvres 1978. C'est avec “La maison assassinée”, que Pierre Magnan rencontre en 1984 un immense succès : plus de cent mille exemplaires vendus. Couronné par le Prix Mystère de la critique 1985 et le prix RTL Grand Public, ce roman a la faveur des lecteurs, avant même d'être adapté au cinéma par Georges Lautner, avec Patrick Bruel dans le rôle de Séraphin Monge, en 1988.

Cette réussite s'explique par plusieurs facteurs. Pierre Magnan a déjà une certaine expérience en tant qu'auteur, quand il écrit ce livre. On le constate par la fluidité de la narration et, bien que le scénario soit riche en personnages, on les situe aisément. À cela s'ajoute l'aspect régional : Pierre Magnan évoque des paysages qui lui sont familiers, des décors qu'il fréquente depuis toujours. Il les imaginent quelques décennies plus tôt, les décrivant tels qu'ils étaient autour de 1920, recréant l'ambiance d'alors. Bien documenté, il évoque aussi les us et coutumes locales du passé provençal.

La vengeance est un thème éternel dans la Littérature policière. Elle prend ici une forme intrigante. Autre bel atout : les romans placés dans le contexte de la Grande Guerre et de ses suites n'étaient pas si nombreux dans les années 1970-1980 : on peut citer “Jules Matrat” (1975) de Charles Exbrayat, ou “Le boucher des Hurlus” (1982) de Jean Amila. Mais on se servait plus souvent de la 2e Guerre Mondiale, plus récente, que du premier conflit du 20e siècle. Nul doute que cette originalité put contribuer au succès de ce livre.

C'est probablement le personnage central, Séraphin Monge, qui apporte une force supplémentaire à cette histoire. On sent que c'est un garçon pétri de douleur, plutôt que de rancune. Tourner la page est essentiel pour lui, la destruction de cette maison où fut assassinée sa famille reste au fond insatisfaisante. N'importe quel psy nous dirait que "ne pas savoir" empêche d'avancer. Ainsi, Séraphin est dans l'impossibilité de s'engager vis-à-vis des jeunes femmes qui le courtisent, ni de vraiment sympathiser avec Patrice. Pudeur ou froideur ? Il se situe entre ces deux sentiments, peut-être. Costaud et fragile à la fois, son portrait nuancé le rend parfaitement humain.

Voilà un chef d'œuvre de Pierre Magnan à redécouvrir, d'autant qu'il est régulièrement réédité chez Folio policier.

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8 juillet 2016 5 08 /07 /juillet /2016 04:55

Bien qu'étant prélat, Estéban Lehydeux n'est pas du genre cureton qui respecte les saints préceptes de sa religion. Il a plutôt l'allure d'un Belmondo dans "Léon Morin, prêtre" que de Paul Préboist dans "Mon curé se tape les nudistes". Le beau gosse à l'esprit baroudeur, en somme. Certes, les vocations ecclésiastiques se faisant rares, Estéban est chargé d'une paroisse. Au besoin, lors des obsèques d'une de ses ouailles, il ne se prive pas de moquer publiquement la cupidité des neveux et nièces de la pieuse défunte, d'ailleurs. Pourtant, la mission principale de ce curé, le sacerdoce qui l'anime, ce sont ses fonctions d'exorciste. Il y a encore des enragés faisant des crises de Foi jusqu'au délire hystérique, pour lesquels on a besoin de ses services. Dans ce rôle-là, il se fait appeler Requiem.

Quitte à devoir s'excuser de temps à autre auprès de "Notre Père qui êtes aux cieux", son patron, Requiem use et abuse de certains péchés capitaux. Il s'alcoolise à outrance dès que le Bon Dieu n'a plus l’œil sur lui, par exemple. Et si se présente une jeune femme bien roulée et libre de mœurs, il ne tarde pas à devenir intime avec la donzelle. Ce qui est le cas pour Martine Rutebeuf, dont l'activité professionnelle consiste à tourner des films X en utilisant les moyens d'Internet. Elle ne s'en cache quasiment pas, la diablesse, tant c'est devenu ordinaire. Ce qui l'est nettement moins, c'est la proposition qu'on lui adresse en tout anonymat : un très gros paquet de fric pour participer à un tournage pédophile. Elle en fait part à Requiem, ne sachant en l'occurrence comment réagir.

Si Jésus a dit "laissez venir à moi les petits enfants" c'était pour leur édification religieuse, pas pour des pratiques sexuelles déviantes. Vu le profil "gros calibre" du violeur qui serait le partenaire de Martine, ça s'annonce carrément dégueulasse. Requiem décide de piéger les salopards qui organisent la chose. Tandis que, sous son contrôle, Martine donne son accord, Requiem explore les plus salaces arcanes de l'Internet pornographique. On trouve toutes sortes de chtarbés du sexe sur les réseaux. Dès le lendemain, l'acompte prévu est livré chez Martine. Ça signifie donc qu'ils possèdent son adresse, c'est inquiétant. Déjà qu'il est probable qu'après le tournage, on éliminera un témoin gênant y ayant participé. Elle est vraiment en danger, Martine. D'ailleurs, la suite risque de vite le démontrer.

L'exorciste Requiem peut compter sur son ami le commissaire Régis Labavure. Un grand admirateur de Maigret, on s'en aperçoit en pénétrant dans son bureau. Mais le curé de choc ne peut pas tout lui avouer sur cette affaire. Surtout quand il est contraint d'éliminer un des adversaires, membre de la bande de sadiques. Se sachant repéré, Requiem va transformer son aspect physique, façon Bruce Willis en John McClane dans "Die hard". Il se peut qu'il trouve une piste au club de remise en forme Beauty-Body, si Satan l'habite…

Stanislas Petrosky : Je m'appelle Requiem et je t'… (Éd.Lajouanie, 2016)

L'enquêteur de base, le flic-standard, fait correctement son boulot, mais manque souvent de punch. Même le détective amateur, qui se hasarde à investiguer, craint parfois de prendre des initiatives. Heureusement, il y a encore de véritables héros, n'ayant pas peur d'affronter les méchants. Des coriaces, des rusés, prêts à s'immiscer chez l'ennemi, après avoir fait quelques galipettes avec la "femme fatale" de l'aventure qui nous est racontée. Requiem est de cette trempe, pas froid aux yeux, le muscle percutant. Un sacré fonceur capable de traquer les pervers autant que de bousculer le rituel catholique. Du suspense et de l'action, avec une belle dose d'humour, voilà qui nous promet un polar distrayant. Contrat rempli, le but est atteint : l'auteur nous offre un très bon moment de lecture.

Michel Audiard fut l'inoubliable grand maître des dialogues de films. Frédéric Dard, quand il écrivait ses San-Antonio, faisait preuve d'une admirable fantaisie, afin que chacun de ses romans soit un vrai feu d'artifice. Il est légitime que ces virtuoses soient toujours vénérés par quantité de personnes, y compris parmi les romanciers. Toutefois, attention à ne pas trop jouer sur l'imitation. Par exemple, San-Antonio haranguait volontiers son lecteur au cours du récit, plaçant un jeu de mot hilarant ou ironisant selon son humeur. C'est aussi le cas de Requiem, héros de cette intrigue. Qui se retrouve dans des situations comparables à celles "vécues" par San-Antonio.

Que cela ne nous empêche pas d'apprécier les allusions (“Ça court les rues, les grands cons. — Ouais ! Mais celui-là c'est un gabarit exceptionnel. Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre-étalon. Il serait à Sèvres.” - Audiard). Ni de savourer ce joyeux polar.

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7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 04:55

Producteurs de cinéma, Georges et Christine Cannonges ont réuni quelques personnes dans leur propriété de Seine-et-Marne, pour finaliser un projet de film. Dont le sujet est l'histoire du boxeur Jo Marcus, présent parmi les invités. Jo étant connu d'un large public populaire, cela contribuera certainement au succès du film. Qui sera réalisé par le cinéaste italien Ugo Ferraccio, venu avec sa séduisante épouse Antonella. La cote de ce réalisateur est en baisse, certes, mais il s'agit d'un projet plus modeste que ceux des grosses sociétés de production. Bella Bardem, star montante, jouera le principal rôle féminin, tandis que Roger Belmont incarnera Jo Marcus. Pour l'acteur, doté d'une belle prestance, c'est enfin l'occasion de montrer son talent, peut-être la dernière.

Parmi les présents, il y a aussi Jacqueline, la jeune secrétaire de Georges Cannonges, qui affiche un air strict. Et Sophie, que Roger Belmont surnomme La Teigne, la sœur aigrie de Christine. Dans le couple de producteur, c'est Christine qui possède une certaine fortune. Georges s'est montré habile à faire fructifier son argent. Toutefois, pour le projet en cours, il a besoin d'un partenaire à 50 % : Serge Hartmann. Ce dernier est arrivé, mais c'est son associé bègue Van Hoorbeeke qui doit apporter la somme, en billets de banque. Belmont reste sceptique sur la conclusion de ce projet de film : “Des fantoches, voilà ce que nous étions. Des marionnettes dansant un ballet ridicule au sein d'un monde sans consistance où nous bâtissions, sur des marécages, de sordides châteaux en Espagne.”

Malgré l'orage qui gronde cette nuit-là, Georges et les invités batifolent dévêtus autour de la piscine. C'est alors qu'arrive Van Hoorbeeke, qui trouve spirituel de semer une pagaille vestimentaire dans le groupe. À peine l'a-t-on aperçu que Van Hoorbeeke disparaît. Tout le monde le cherche durant le reste de la nuit, mais on ne découvre que sa voiture, vide. À vrai dire, c'est le pactole qu'il apportait dans sa serviette que tous veulent retrouver. On ne tarde pas à s'accuser mutuellement. Il est possible que l'un d'eux se soit grimé en Van Hoorbeeke pour perturber la situation. Belmont et la secrétaire Jackie se rapprochent un peu, s'interrogeant tous deux sur le financement du film, tenant davantage de la combine que d'une opération sérieuse. On n'est pas dans les hautes sphères du cinéma, ici.

Georges encourage Belmont à coucher avec Christine, afin que lui-même puisse sauter la belle Antonella Ferraccio. Le cadavre de Van Hoorbeeke est bientôt repéré au fond du vieux puits de la propriété. Pas question d'alerter la police, car chacun mesure le scandale qui s'ensuivrait. D'ailleurs, l'essentiel est de récupérer la grosse somme en billets qu'il transportait. Il ne suffit pas de retrouver la serviette, en réalité. Une autre victime, par noyade nocturne dans la piscine, sera à déplorer…

G.Morris : Arnaque-party (Fleuve Noir, 1982)

Petit hommage supplémentaire à Gilles-Maurice Dumoulin, décédé le 10 juin 2016 à l'âge de quatre-vingt-douze ans. Traducteur émérite, scénariste des San-Antonio au cinéma, il écrivit plus de deux cent romans policiers et d'espionnage, ou d'anticipation, dont la série signée Vic St Val. Publié au tout début des années 1980, “Arnaque-party” est typique de ses romans à suspense. L'action étant immédiatement lancée, le lecteur est entraîné par le rythme narratif. Le mystère naît des circonstances décrites, tout naturellement. Quant aux personnages, ce sont leurs faits et gestes qui nous renseignent sur eux.

Le petit univers évoqué, ce n'est pas la crème de la production de films : “Le cinéma est un drôle de racket. Il y a producteurs et producteurs. Au meilleur bout, les maisons chevronnées dont la parole vaut un contrat. Au plus mauvais bout, les Serge Hartmann, qui n'ont encore jamais rien fait dans ce domaine, mais qui décident un beau matin de produire un long métrage…” Ces combinards, assez nombreux jusqu'aux années 1970, étaient en voie de disparition avec l'évolution du métier, au temps de ce roman. Ici existe une "unité de lieu", la propriété des Cannonges : pour autant, les scènes sont variées, sans risquer le côté théâtral. Ça reste dans le registre du polar de comédie, avec des moments très drôles, bien sûr. Néanmoins, Gilles-Maurice Dumoulin exploite une véritable intrigue criminelle, puisque l'on compte des victimes et un assassin. N'oublions pas les auteurs de cette génération, relisons leurs livres : ils possédaient un savoir-faire certain.

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6 juillet 2016 3 06 /07 /juillet /2016 04:55

Au Japon, en 2001. Âgé de vingt-sept ans, Jun'ichi Mikami sort de prison. Il fut condamné à deux ans de détention pour le meurtre involontaire de Kyôsuke Samura, un jeune de son âge. Il retourne vivre chez ses bienveillants parents dans la région de Tokyo. C'est par son frère cadet Akio que Jun'ichi réalise la situation actuelle : ses parents se sont ruinés pour dédommager M.Samura, le père de sa victime.

Surveillant-chef à la prison de Matsuyama, Shôji Nangô a quarante-sept ans, dont vingt-huit dans la pénitentiaire. Sa famille battant de l'aile, il envisage de démissionner pour créer une boulangerie, afin d'y remédier. Projet qui nécessite du financement : or, il vient d'être contacté par l'avocat Sugiura pour mener à bien une mission particulière. Celui-ci sert d'intermédiaire à un client anonyme.

Shôji Nangô est convaincu que Jun'ichi Mikami peut retrouver le droit chemin, s'il l'associe à l'enquête en question. Tous deux recevront un gros pactole s'ils y parviennent. Quand le surveillant-chef le contacte, Jun'ichi y voit l'opportunité de rembourser ses parents. Ainsi, son conseiller d'insertion constatera ses efforts. Et il sera peut-être plus facile à Jun'ichi de s'excuser auprès de M.Samura, le père de celui qu'il a tué, comme le veut le procédure. Toutefois, l'affaire qu'ils devront résoudre remonte à dix ans. Il sera donc compliqué pour Nangô et Jun'ichi de démontrer l'innocence de l'homme qui a été condamné à mort, et qui attend depuis sept ans son exécution. Celle-ci est programmée trois mois plus tard.

Pour la justice, le cas était limpide : Ryô Kihara venait d'assassiner un couple de retraités chez eux, quand il fut victime d'un accident de moto à quelques centaines de mètres du lieu du crime. Le choc provoqua une amnésie chez Ryô Kihara, qui aggrava le jugement car il ne pouvait éprouver de regrets, ignorant s'il était ou non un meurtrier. Depuis peu, sa mémoire est ravivée par l'image d'un escalier associé au double assassinat. Pas assez pour une révision de son dossier, mais ça constitue un point de départ pour Nangô et le jeune Jun'ichi. Hélas, le fils du couple de victimes se montre véhément, ne les autorisant pas à entrer dans la maison à l'abandon, afin de vérifier si un escalier s'y trouve. Nangô se passera de l'avis du fils, et va explorer clandestinement ladite maison.

Parmi les relations du retraité assassiné, Nangô trouve le nom de Kyôsuke Samura, celui que tua involontairement Jun'ichi. Pas exactement un indice, car le défunt fut conseiller d'insertion : il s'occupa du fils Samura après qu'il eût des ennuis avec la justice, mais de beaucoup d'autres également. Pendant trois semaines, Nangô et Jun'ichi crapahutent sur la montagne voisine, cherchant vainement le fameux escalier. Le client secret de l'avocat Sugiura préfère que Nangô enquête seul, mais le surveillant-chef garde son assistant.

Jun'ichi émet d'ailleurs une hypothèse très logique : quelqu'un qui risquait la révocation de sa libération conditionnelle a pu éliminer le vieux conseiller d'insertion et son épouse, afin de faire disparaître son dossier. Dans les archives judiciaires, Nangô découvre le nom d'un possible suspect. Il rend visite en prison à ce Toshizô Ohara, repris de justice incarcéré. Tandis qu'approche la date de l'exécution de Ryô Kihara, si ce n'est peut-être pas la bonne piste, le raisonnement reste assez juste. Nangô et Jun'ichi approchent du but…

Kazuaki Takano : Treize marches (Presses de la Cité, 2016)

Prouver l'innocence d'un condamné à mort, tel est le moteur de cette intrigue. Ce qui fait partie des thèmes classiques de la littérature policière. Moins les détectives amateurs ont d'indices favorables au départ, plus l'enquête s'avère ardue et donc palpitante. Quand on les sent motivés autant par un aspect moral que financier, comme le duo de cette affaire, ça suppose une histoire riche en péripéties. Cette facette du roman tient ses promesses, car le lecteur reste conscient du temps qui s'écoule, et des difficultés rencontrées. En outre, les héros sont parfaitement assortis : un jeune qui fugua avec sa petit amie alors qu'il était adolescent, et qui débuta sa vie adulte par un crime involontaire ; face à un homme mûr, s'interrogeant sur ses choix de vie, sur un possible avenir plus serein.

Néanmoins, l'essentiel n'est pas dans les investigations de Jun'ichi et Nangô, aussi bien racontées soient-elles. C'est tout le système judiciaire japonais que décrit Kazuaki Takano, en soulignant ses énormes failles. Dramatique, car on voit que les jugements s'avèrent très inégaux, excluant largement l'objectivité. Sachant que la peine de mort existe encore au Japon, on mesure le risque d'erreur. Et ceci malgré les jalons bureaucratiques (les fameuses "treize marches") censés étudier les recours, revoir les contextes et les faits. Par pure hypocrisie, la société japonaise semble refuser de s'interroger publiquement sur ces sujets, peine de mort et signification des peines de prisons. Pour les Occidentaux, ce qui surprend, c'est que la justice nippone place le "repentir" avant toute autre considération.

Exprimer des remords en apparence sincères – mais le sont-ils ? – serait suffisant pour atténuer la douleur des proches de victimes, donc cela permettrait de limiter les sanctions visant les coupables. Grâce à Nangô qui a participé à deux exécutions, on comprend les incohérences dans le traitement des dossiers : le surveillant-chef n'est pas neutre, mais il estime que tous les éléments doivent être pesés et la culpabilité absolument certaine. Quant à la réinsertion des délinquants, suivie par des conseillers bénévoles, on se pose là aussi quelques questions. L'approche sociologique autour de la justice est l'atout majeur de ce livre, ajoutant une force indéniable au suspense proprement-dit. Sans conteste, un roman de qualité supérieure.

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4 juillet 2016 1 04 /07 /juillet /2016 04:55

Insidieusement, des voix suggèrent de ne pas accorder tant d'importance à l'Histoire. Le devoir de mémoire ne serait que foutaises. Trop de temps perdu en commémorations ! Le rôle des Résistants n'aurait pas été si bénéfique que ça. Celui des communistes n'a-t-il pas été exagéré ? Les effets du nazisme étaient négligeables, anecdotiques : “En France, l'occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine” a déclaré un politicien. On dédramatise ce lointain passé. On l'enterre dans l'oubli puisque la page est tournée depuis belle lurette. Par exemple, continuer à glorifier ce ramassis d'excités d'origines douteuses, ceux de la célèbre "Affiche rouge", des métèques communistes, c'est aberrant ! De tels propos insanes circulent encore dans des sphères qui se proclament patriotiques.

À l'opposé de cette négation de l'Histoire, Patrick Fort a choisi de se substituer à l'un des membres du réseau de Missak Manouchian, de parler à la place de Celestino Alfonso. C'est le 17 novembre 1943 que débute ce récit, à l'heure de l'arrestation de ce groupe de FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisan/Main d’Œuvre Immigrée). Voilà trois mois que Manouchian et ses amis sont pistés de près par les autorités policières. Sans doute ont-ils été trahis par un des leurs. Le cloisonnement au sein du groupe, les pseudonymes masquant leurs identités, cela n'a pas suffi à protéger leur activité clandestine. Fiché comme communiste, ancien des Brigades Internationales durant la guerre d'Espagne, Celestino n'a jamais rien révélé à son épouse Adoracio, ni à leur fils Juanito. Le secret s'imposait.

Patrick Fort : Après nous (Éd.Arcane 17, 2016)

Habitant Ivry-sur-Seine depuis qu'ils ont quitté l'Espagne devenue franquiste, sa famille et lui n'oublient pas leur village natal, Ituero de Azaba. Néanmoins, Celestino et les siens sont désormais Français. En ces sombres années de guerre, des étrangers tels que lui ont éprouvé le besoin de s'engager toujours davantage, de combattre l'occupant. Bravoure qui contraste avec la passivité d'une grande part de la population. Tandis que d'autres se complaisent dans la Collaboration, Celestino fait partie de ceux qui exécutent le dignitaire nazi Julius Ritter, ami personnel d'Hitler. Il participe à l'attaque d'un autobus d'Allemands et à plusieurs autres attentats contre les ennemis de la France. Aucun d'eux ne se prend pour un héros, l'idéologie politique n'a que peu de place : ils luttent pour la liberté.

Dès son arrestation, Célestino est sans illusion sur son sort. “Je vais devoir trouver en moi la force de me battre et de me taire. Devenir amnésique pour repousser cet inévitable qui m'attend.” Après avoir laissé mijoter leurs suspects, les enquêteurs usent des méthodes les plus violentes pour interroger ces "terroristes". Passages à tabac et chantage sur les familles, tout ça ne fait pas céder Celestino et ses comparses. Ils nient, n'ayant plus rien à perdre, leur mort étant inéluctable. Ce n'est pas tant la mascarade de procès, le jugement les condamnant d'avance, qui sont ignobles. C'est plutôt ce jour de février 1944 où, dans une cour de la prison de Fresnes, Manouchian et ses amis sont filmés, photographiés. Le but est de les présenter tels des fauves, des criminels, de servir la propagande pétainiste et nazie.

Dans sa cellule, rares sont les contacts avec le monde extérieur. Celestino dresse un bilan de son parcours, de ses motivations, des images qu'il emportera. “J'ai rejoint la lutte armée comme une évidence… Nous étions en guerre et notre ennemi était clairement identifié. Je n'ai pas tué des hommes, mais des fascistes qui voulaient nous asservir. J'ai dégommé des salopards qui ne possédaient pas une once de compassion…” De l'écoute et de la compassion, un homme en fera preuve en ces moments terribles : l’aumônier Franz Stock. Mais que peuvent quelques Allemands contre la terreur que fait régner le Reich ? Le 21 février 1944, au Mont-Valérien, sont abattus vingt-cinq hommes, dont Celestino. Nous devons respecter la mémoire de ces combattants de l'ombre.

Ce roman, puisque c'est Patrick Fort qui se met dans la peau du narrateur, se base sur des faits authentiques. Il restitue le probable état d'esprit de Celestino et des autres membres autour de Manouchian. Leur courage, leur détermination ? Bien sûr. Peut-être aussi leur sentiment que la fatalité n'empêchera pas qu'ils vont laisser une trace dans l'Histoire. Pour qu'elle ne s'efface jamais, des ouvrages comme celui-ci sont indispensables.

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2 juillet 2016 6 02 /07 /juillet /2016 04:55

Vers 1990, Sophie Delalande imagina naïvement que sa relation avec Sylvain Dufayet était une grande histoire d'amour. Alors âgée de vingt-cinq ans, fonctionnaire au ministère de l’Éducation Nationale, Sophie était une jeune femme "moyenne", plutôt quelconque. Que Sylvain, jeune homme séduisant et désinvolte, ne se soit intéressé à elle que pour vivre à ses crochets, squattant son appartement de la rue des Martyrs, cela ne vint pas à l'esprit de Sophie. Pourtant, dès qu'elle lui annonça être enceinte, Sylvain disparut vite de sa vie. Une rupture qu'elle surmonta sans trop de problèmes : à la naissance de sa fille Hortense, Sophie fut bien entourée par sa famille habitant en province.

Par la suite, la jeune mère se montra "exclusive" en élevant Hortense quasiment sans quiconque. Seule son amie Isabelle parut digne de confiance à Sophie. Sylvain se manifesta plus de deux ans après leur séparation, mais elle lui refusa tout contact avec Hortense. Il insista, rôda autour d'elles. Quand Sylvain fut interrogé par la police, il nia tout harcèlement. Et pourtant, le 11 mars 1993, il kidnappa leur fille Hortense, âgée de moins de trois ans. On ne les retrouva jamais. La mère et la sœur cadette de Sylvain furent interrogées. Elles ne savaient pas grand-chose de la vie privée de leur fils et frère. Selon elles, il n'avait rien d'un monstre égoïste capable d'enlever son enfant et de se cacher. Sophie éprouva de la rancœur haineuse contre Emmanuelle Dufayet, la mère, qu'elle pensait menteuse.

Le commissaire Dupouy ne prit pas l'affaire de kidnapping à la légère. Ce policier mena une enquête sérieuse, mais sans succès. Plus tard, Sophie se heurta à des juges traitant le dossier, pas assez actifs selon elle. Au début, elle fut soutenue par un comité composé de collègues, qu'elle finit par rejeter. Les années passant, elle s'adressa à un détective privé – qui prétendit avoir une piste en Martinique, passa dans une émission de télé, fut escroquée par un voyant. Seule son amie Isabelle restait de bon conseil, certains de ses proches se disant que cette dernière jouait un rôle obscur vis-à-vis de Sophie.

Vingt-deux ans après la disparition d'Hortense, le hasard provoque un miracle : c'est sans hésitation que Sophie reconnaît Hortense dans la rue. Malgré ce soudain et troublant bonheur qui l'habite, elle sait qu'elle ne doit rien brusquer. Déjà, Sophie a compris que sa fille est employée dans un restaurant du quartier. Elle commence par observer la jeune femme. Elle se prénomme Emmanuelle. Comme la mère de Sylvain, c'est donc un indice probant. Elle a beaucoup voyagé avec son père pendant son enfance et sa jeunesse, ce qui correspond également. Elle reste très liée avec Antoine Durand, son père, même s'il cherche à ce qu'elle et lui prennent chacun leur indépendance.

Emmanuelle (ou Hortense) sympathise bientôt avec cette cliente quinquagénaire vivant rue des Martyrs, non loin du restaurant. C'est à la fois l'aspect fragile de Sophie et son caractère déterminé, qui lui inspirent une certaine attirance. N'ayant pas connu sa mère, Emmanuelle se confie volontiers lorsque Sophie l'invite chez elle. Toutefois, une obsession qui dure depuis plus de vingt ans peut engendrer les conditions d'un drame…

Jacques Expert : Hortense (Sonatine Éd., 2016)

C'est le genre de livres qui suscitent des opinions diverses, variées, contrastées. Celles et ceux qui apprécient le suspense psychologique aimeront certainement. Ils se diront que le personnage de Sophie est non seulement crédible, mais quasi-calqué sur des cas réels de femmes privées de leur enfant. Qu'un kidnapping, une disparition, perturbent durablement une mère, c'est l'évidence. On peut compter sur Jacques Expert pour entretenir questions et doutes au fil du récit. Tout en évitant d'inutiles ambiances pesantes, la tonalité étant plutôt fluide et claire, au contraire.

Si la parole est le plus souvent laissée à Sophie (qui ne nous cache rien des détails), on nous présente aussi la version d'Emmanuelle, ainsi que des témoignages de gens qui ont été mêlés (parfois brièvement) à l'affaire. Ces dépositions "recadrent" les faits bruts, apportant un équilibre par rapport à la sympathie que peut nous inspirer la malheureuse Sophie. Grâce au savoir-faire de l'auteur et à tous ces ingrédients bien exploités, il ne reste plus qu'à savourer le résultat : un polar solide, de bon aloi !

Bien qu'il s'agisse d'un roman très agréable, deux points sont à nuancer. D'abord, l'histoire n'est pas vraiment innovante. Souvenons-nous des romans de Boileau-Narcejac et autres écrivains français ou étrangers cultivant de manière identique, parfois plus subtilement, la psychologie et ses mystères. Les lecteurs ayant en mémoire de précédents livres aux sujets similaires risquent d'être moins convaincus. Par ailleurs, on est en droit de s'agacer d'un excès de parisianisme. Certes, il vaut mieux parler de ce que l'on connaît, et il est possible que Jacques Expert ignore que toute une population ne vit pas dans l'hypercentre de la capitale. Que ces petits reproches, infiniment légers et souriants, n'empêchent pas le public d'apprécier ce bon roman.

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30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 04:55

Aujourd'hui en Algérie, le commissaire Kémal Fadil est en poste dans le quartier de la Marine, à Oran. Voilà vingt-deux ans qu'il exerce le métier de policier. Pour ses enquêtes, il peut compter sur son ami Mustapha Kadri, dit Moss, légiste compétent dans des domaines divers. Léla Fadil habite avec son fils Kémal. Veuve, cette fumeuse de cigares cubains est infirme depuis 1978, sortant peu dans son fauteuil roulant. Au début des années 1960, jolie femme cultivée, Léla eut l'occasion de servir de traductrice à Ernesto Guevara. Sans doute, la rencontre la plus marquante de sa vie. Depuis quelques temps, elle encourage les amours de son fils avec la jeune femme dont il semble épris.

À Oran, on modernise un ghetto longtemps laissé en ruines, dans le district de la Marine. Au 23 rue des Bougainvillées, on retrouve dans une cave les squelettes de deux personnes, un adulte et un enfant. Ils furent enterrés là il y a plusieurs décennies. On peut supposer que le gamin était d'origine européenne. Si les moyens scientifiques de la police algérienne sont limités, Moss fait tout son possible. Les autorités s'empressent de donner une version trafiquée, concernant ces squelettes. Mais le directeur de la police tolère que Kémal mène une enquête officieuse. Les initiales AC n'offrent qu'une mince piste. Toutefois, le policier obtient quelques noms d'anciens habitants.

Le vieux El Corti est un des derniers témoins ayant vécu rue des Bougainvillées dans les années 1960. Grâce à des courriers et des images d’Épinal remontant aux années 1950, Kémal retrouve l'identité probable du gamin décédé dans cette cave. À l'époque où fut kidnappé et séquestré ce fils de riche industriel, il ne restait sûrement pas beaucoup de flics pour enquêter sur l'affaire. La décolonisation était en marche, la présence française n'était plus qu'une question de semaines. À part un article de journal d'alors, parlant de l'enlèvement, Kémal ne dispose guère d'éléments. Il devra faire appel à son ami Franck, policier à Marseille, pour que les archives françaises le renseignent davantage.

Au début de la décennie 1950, Arthur Guillot est un Breton qui s'est installé en Algérie. Il occupe un poste de bureaucrate, et habite à Oran. Il met un certain temps à s'acclimater, préférant aller voir les prostituées que de se faire localement des relations. Néanmoins, il va être séduit par Éliane Roméro, âgée de vingt ans, la fille d'un propriétaire terrien aisé dont la famille est solidement implantée en Algérie. Guillot n'est pas insensible à la fortune du père, même s'il a un rival, le jeune Dumont, qui appartient comme Éliane à la bonne société de la région de Roseville. Le marivaudage de Guillot avec la jeune fille va tourner court. Il garde une allure de Français mal intégré, qui lui cause du tort. Aidé par les frères Molinas, deux petits malfrats, il espère prendre sa revanche en profitant des évènements…

Ahmed Tiab : Le Français de Roseville (Éd.L'Aube noire, 2016)

Ce roman est le premier titre d'une série mettant en scène le policier algérien Kémal Fadil. En bonne logique, on y fait connaissance avec son entourage, et on nous donne quelques détails sur ses origines familiales ainsi que sur son prénom plus turc qu'arabe. Chronologiquement, cette affaire intervient après celle qui sera racontée dans “Le désert ou la mer”. On nous en relate assez d'éléments pour situer les faits intervenus auparavant, aucun problème. L'enquête proprement dite tourne autour de crimes anciens, dont Kémal doit reconstituer les circonstances. Bien que né après la décolonisation, il n'est pas sans connaître l'histoire de son pays. Que l'on aurait tort de résumer au combat FLN contre OAS, car pendant tout conflit, la vie des gens continue, les traditions perdurent.

Ahmed Tiab ne se contente d'une intrigue à suspense. C'est un portrait de l'Algérie d'hier et de son évolution jusqu'à aujourd'hui qu'il nous dessine. Il illustre les dernières années de présence française, le départ pas financièrement perdant de certains coloniaux, ainsi que des changements parfois négatifs voulus par le nouveau pouvoir : “Les autorités, qui avaient décidé que l'arabe classique serait l'unique liant linguistique entre les citoyens et l'administration, alors qu'en réalité, peu de personnes en Algérie maîtrisent cette langue déclarée nationale. Chaque région avait développé depuis plusieurs générations son propre dialecte, souvent éloigné de la langue officielle, et qui se distinguait des autres en fonction de proximités géographiques, humaines et culturelles.”

Dans le polar noir, une grande importance est généralement accordée à la sociologie. Un contexte réaliste, et des personnages soigneusement décrits, permettent d'aller bien plus loin qu'une simple enquête policière. Originaire d'Oran, Ahmed Tiab nous fait partager son regard pertinent sur l'Algérie, ce qui offre une qualité incontestable à ce très bon roman.

 

— “Le Français de Roseville” est sélectionné pour le Grand Prix de Littérature Policière 2016 —

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29 juin 2016 3 29 /06 /juin /2016 04:55

Sam Dryden habite à El Sedero, en Californie. Jeune veuf, cet ancien militaire fit partie de la Delta Force, unités d'action. Il intégra ensuite un programme secret baptisé Furet où, pendant six ans, il fut un baroudeur top-niveau. Désormais, il essaie de reconstruire sa vie sur la côte ouest. Cette nuit-là, l'insomniaque Dryden court sur la plage, lorsqu'il croise Rachel Grant, douze ans. Plutôt squelettique, marquée d'ecchymoses, elle est pourchassée par des hommes armés. Dans un premier temps, Dryden parvient à écarter le danger. Mais son identité et son adresse sont rapidement connus par ceux qui traquent Rachel.

Le commanditaire est Martin Gaul, homme d'affaires dont la société privée développe des expériences à but militaire pour le gouvernement américain. Il possède des relations au plus haut niveau de l’État. Surtout, le réseau de satellites Miranda lui permet de suivre les fuyards où qu'ils soient, tant cette technologie est sophistiquée. Sur le terrain, il peut alors déployer des troupes entraînées. Les satellites se concentrent sur le secteur d'El Sedero : Rachel ne doit pas leur échapper, l'objectif étant de supprimer cet enfant. Il compte sur le secrétaire à la Sécurité Intérieure, Dennis Marsh, pour que rien n'entrave l'opération.

La particularité de Rachel est qu'elle est capable de percevoir les pensées des autres gens, au-delà d'une simple transmission de pensée. Depuis deux mois, Rachel était prisonnière dans un immeuble de bureau anonyme de la ville. Droguée par traitement médical, elle fut interrogée sur son étrange secret. Apeurée, elle ne se souvient plus de ce qui précède cet internement, mais sa mémoire peut revenir d'ici une bonne semaine. Il a retenu le nom de Gaul, dont Dryden pense qu'il appartient aux sphères gouvernementales. D'abord, l'ex-militaire parvient à se débarrasser du groupe de tueurs à leurs trousses, accidentant leur van. Puis, provoquant un mouvement de panique, Dryden et Rachel disparaissent.

Ayant récupéré des papiers d'identité, du fric et une arme, planqués de longue date, Dryden se cache avec Rachel à l'abri d'un bungalow en forêt, dans le Sequoia National Park. Mais une alerte nationale a déjà été lancée par Martin Gaul contre Dryden. Quand un policier en tenue intervient au seuil de leur cabane, c'est qu'ils sont repérés par les satellites de Gaul. Là encore, faire preuve d'astuce s'impose pour brouiller leur piste, et échapper à la nasse en s'emparant de l'hélicoptère de l'équipe de Gaul. Rachel ayant été blessée par balle, le duo trouve de l'aide chez une femme médecin de Fresno, où ils ont atterri.

Dryden s'aperçoit que les médias l'accablent, montrant sans arrêt sa photo. Il trouve une piste du côté de l'Utah, une antenne-relais qui doit faire partie des expériences menées par la société de Gaul. En effet, ce dernier dispose en divers points de "contrôleurs", qui suivent leurs cobayes humains, agissant sur leurs cerveaux. Rachel se souvient du nom de Holly Ferrell, médecin à Amarillo, au Texas. Mais la vie de cette femme est ultra-sécurisée. À Chicago, Dryden et Rachel trouvent refuge chez Audrey et Sandra, qui subirent le même sort que la jeune fuyarde. Face à un adversaire tel que Gaul, Sam Dryden n'a que peu de chances de démontrer le complot masquant les expériences secrètes qu'il a découvertes…

Patrick Lee : Runner (Albin Michel, 2016)

Quand on entame la lecture de ce genre de thrillers, on se dit que les courses-poursuites agitées, on connaît bien ça, que l'on adhérera probablement pas cette fois. Une gamine en danger et un soldat chevronné formant un duo improbable, ce sera moins spectaculaire et pas si trépidant qu'annoncé. Sauf qu'ici, d'entrée de jeu, Patrick Lee montre la puissance de celui que le duo doit affronter et contrer. Le baroudeur va donc devoir se surpasser afin d'y parvenir. L'ingéniosité devient alors l'atout principal du héros, sa force et ses réflexes n'étant plus à prouver. En outre, la petite Rachel possède elle aussi une arme : le pouvoir de capter les pensées de tierces personnes. Si sa mémoire reste défaillante, quelques indices apparaissent néanmoins, qui aideront Dryden à progresser.

Derrière cette affaire, on comprend bientôt que c'est de conditionnement humain dont il s'agit. Le cas d'un certain Owen Carter, déficient mental qui obéit à la voix d'un M.Gravier, sert d'exemple de cette emprise sur les cerveaux. Le secret autour de Rachel est encore plus "énorme" et, finalement, assez plausible. C'est ainsi que nous suivons avec excitation l'aventure de ces personnages isolés, bravant la machination visant à les broyer. Haute tension pour un suspense convaincant, super captivant.

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