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Sara Gran : La ville des morts (Éd.Points, 2016)

Âgée de trente-cinq ans, Claire DeWitt est native de Brooklyn. Elle avait onze-douze ans quand elle se passionna pour la résolution de mystères. Sa bible fut le seul livre du détective français Jacques Silette, “Détection”. Un ouvrage obscur, qui dit tout et son contraire, mais qui guide toujours les enquêtes de Claire DeWitt, devenue détective privé. Jacques Silette, dont la fille Belle fut kidnappée et jamais retrouvée, était lui-même énigmatique. Une des copines ados de Claire disparut elle aussi sans laisser de traces. Quittant sa famille dès qu'elle eut dix-sept ans, le parcours de Claire fut cahoteux, avec casier judiciaire et curieux tatouages.

À La Nouvelle-Orléans, elle poursuivit sa formation de détective privé, grâce à Constance Darling. Qui ne vivait que pour les investigations, interprétait aussi sûrement les signes ésotériques que les indices. Constance mêlait augures extra-lucides et philosophie asiatique. Comme son ex-ami Mick Pendell, reconverti prof de criminologie en Louisiane, Claire apprit beaucoup avec Constance Darling. Fumer quelques joints l'aide parfois à se concentrer. En Californie, Claire a été perturbée par une récente enquête. Elle a dû suivre une cure, genre retour à la vie naturelle. Quand on la contacte pour une enquête à La Nouvelle-Orléans, Claire apparaît de nouveau en forme.

Ce n'est pas la ville la plus sécurisante qui soit, elle ne l'a pas oublié. Les crimes y sont rarement résolus, les accusés sont généralement vite libérés. Pourtant, “un suspect dans une affaire d'homicide à la Nouvelle-Orléans avait davantage de chance de se retrouver lui-même à la morgue plutôt qu'au tribunal.” On est en janvier 2007, un an et demi après l'ouragan Katrina. Partout subsistent des séquelles de la tempête qui sema la mort et détruisit des quartiers modestes, où les trafics ont déjà repris. C'est durant la catastrophe Katrina que semble avoir disparu Vic Willing, qui habitait au bout de Bourbon Street.

Ce riche magistrat était honnête et généreux, un peu hautain sans doute par sa fonction de District Attorney. Claire inspecte son appartement, sa bibliothèque et son bureau. “Vic n'avait sûrement pas été tué chez lui. Pas de sang, pas de balle, aucun détail suspect.” Elle prend des empreintes, et remarque un perroquet vert aux alentours. Les empreintes sont celles de Andray Fairview, jeune délinquant afro-américain qui vient d'être incarcéré à l'Orleans Parish Prison, au cœur de la ville. Quand Claire l'y rencontre, il nie avoir tué Vic Willing. Fairview aurait sympathisé avec le magistrat, qui avait une passion pour les oiseaux. Claire note une incongruité : Fairview possède un exemplaire de “Détection”, le livre de Jacques Silette. Le criminologue Mick Pendell parvient à faire sortir le délinquant de prison. Peu après, Fairview, son ami Terrell (dit Dreadlocks) et Claire sont la cible de tirs dans des rues mal famées…

Sara Gran : La ville des morts (Éd.Points, 2016)

Avec “Dope” et “Viens plus près”, Sara Gran imposait une tonalité aussi personnelle qu'originale. Serait-ce ici une banale enquête d'une détective privée qu'elle nous propose ? Certes non, il y a toujours ce refus de la bien-pensance qui la caractérise. Tous les "privés" ont un vécu, ayant traversé tant d'expériences qui ont été des épreuves. Dans le cas de Claire DeWitt, on sent très vite que son hyper-sensibilité s'est amalgamée avec sa volonté de devenir enquêtrice. Pourtant, son parcours n'a rien de larmoyant. Au contraire, l'ironie est perceptible dans son regard sur les autres, sur tout ce qui l'entoure. Ses retrouvailles avec son ancien ami Mick Pendell en sont un bon exemple. Ce sourire décalé est présent tout au long de l'aventure.

Il est aisé de comprendre que Katrina a marqué les Américains. À la fois par le manque de "réponses" rapides et flagrantes pour venir en aide aux populations. Aussi, parce que cette partie de la Louisiane a toujours été éloignée des règles en vigueur aux États-Unis. Sara Grant ne cache pas que police et justice, Blancs et Noirs, se sont toujours mutuellement accusés de tous les maux. Comme un statu-quo permettant à chacun d'évoluer au mépris de toute paix sociale, fric et trafic dominant tout.

Jacques Silette, détective français exemplaire pour Claire DeWitt ? Ça fait penser au chevalier Dupin, l'enquêteur d'Edgar Allan Poe. Adapté par Sara Gran, c'est un théoricien de l'investigation criminelle un peu fumeux, dont on peut interpréter les conseils de maintes façons. Un des personnages-clé de l'histoire. Claire est une dure-à-cuire. Du moins dans l'image qu'elle veut afficher... Chapitres courts, non-conformisme, témoignage sur une ville hors norme, multiplication de péripéties, voilà ce qui rend réjouissant cet excellent suspense de Sara Gran.

- Disponible chez Points dès le 7 janvier 2016 -

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