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Après “Le juge de paix”, déjà évoqué sur Action-Suspense, Jean-Max Tixier nous propose un nouveau suspense dans la collection Polars de France, “Le crime était déjà écrit”. Dans ce roman, Tixier installe une subtile ambiance, mais nous parle aussi de l’édition et des états d’âmes des écrivains.
Dans les années 1990. Quinquagénaire, Michel Ravel est un romancier à succès vivant en Provence. Il est marié à Catherine depuis vingt ans. Ces derniers temps,
Michel ne se sent plus du tout inspiré. Cette déprimante incapacité d’écrire
entraîne des conséquences financières. Même si son éditeur est patient et compréhensif, Michel a habitué son épouse à un certain luxe.
Étonnant parcours que celui de Catherine, avant leur rencontre. Issue d’une famille bourgeoise, elle fit partie durant sa jeunesse révoltée d’un groupuscule politique aux idéaux imprécis. Ces militants s’associèrent naïvement à de solides truands, qui ne tardèrent pas à les berner. C’est ainsi que Catherine rencontra Stefano, le chef de ces malfaiteurs, un Sicilien de la Mafia. Elle sut conquérir le truand, avec lequel elle vécut une période de passion amoureuse. Mais, par ailleurs, Stefano fut mêlé à des faits criminels graves. Avec la bénédiction d’un parrain mafieux sicilien, il entreprit de se venger de l’homme d’affaires marseillais Marcel Mariani, qui lui devait de l’argent. Après un attentat contre les entrepôts de celui-ci, on retrouva Mariani assassiné chez lui. Bien que l’enquête policière sur ce règlement de compte ait été peu active, il était prudent que Stefano quitte Marseille pour se réfugier en Sicile.
Le pire pour Michel, c’est que son éditeur risque désormais de privilégier son rival littéraire, Stephen Barth. Les deux auteurs connu un sérieux différend, chacun accusant l’autre de plagiat, Stephen allant jusqu’à menacer de mort Michel. Pour l’aider, l’éditeur propose à Michel de réécrire les mémoires d’une personnalité. Cela n’intéresse guère le romancier, mais ça peut calmer son état dépressif, lui rendre le goût d’écrire. Entre temps, Catherine a eu une autre idée. Elle possède un dossier ayant appartenu à Stefano, relatant en détail l’affaire Mariani. Avec son talent, Michel serait en mesure d’en tirer un roman puissant. On peut craindre une réaction du caïd mafieux Mattalonni, ami de Mariani. Il suffit de changer les noms et références, pour éviter d’éventuelles représailles.
Catherine soumet le projet à son mari. D’abord un peu sceptique, c’est après une nouvelle altercation violente avec Stephen Barth, qu’il décide de saisir cette opportunité. Plein d’optimisme, il s’adonne à fond à la transposition romanesque de cette histoire. En six mois, il termine son manuscrit. Pourtant, c’est sans doute un livre dangereux à bien des égards. En l’absence de Catherine, Michel va être victime d’un meurtre. Le manuscrit et le dossier ont disparu. Le policier Lacombe piétine bientôt dans ses investigations…
Il ne s’agit donc pas d’un ordinaire roman d’enquête, avec énigme et solution. On devine aisément que Catherine, sorte de femme fatale ambiguë autant qu’intelligente, est le pivot de cette affaire. Avec un rôle qu’elle-même fait évoluer. Surtout, c’est dans l’ambiance que le récit trouve ici son originalité, ainsi que l’auteur le montre à travers son héros, Michel : “Il prétendait qu’un roman, c’est d’abord une atmosphère. Lorsque celle-ci est bien décrite, que le lecteur la sent en quelque sorte physiquement, le drame prend plus d’intensité.” Il s’amuse à égratigner le petit monde de l’édition et des littérateurs, avec des rivalité d’écrivains mais aussi des éditeurs sérieux. Un peu d’amertume envers l’aspect crapuleux de Marseille, “gangrenée jusqu’à la moelle”. Ville du fric, du crime et des magouilles, “elle arrosait d’argent sale toutes les ambitions et toutes les vanités.” On le voit, l’intrigue criminelle n’est pas le seul atout favorable de ce très bon roman.