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Laura Wilson et Lauren Kelly, suspenses en poche

 

Voici deux suspenses à la fois intenses et subtils, écrits par des romancières aussi inspirées que talentueuses. Ils sont disponibles chez Le Livre de Poche.

Lauren Kelly : "Cœur volé"

Agée de dix ans en 1988, Merilee Graf fut très marquée par la disparition de Lilac Jimson, élève de sa classe. Fillette vive « à l’air de gitane », issue d’une famille modeste et métissée, Lilac n’était pas l’amie de Merilee, d’un niveau social supérieur. Le père de Merilee était Dennis Graf, ancien maire de Mount Olive, homme d’affaires et philanthrope. Sa mère comptait peu pour le clan Graf. Merilee n’aimait pas la raciste tante Cameron. Associé de son père, l’oncle Jedah l’intriguait. Malgré les recherches, auxquelles participa Dennis Graf qui offrit une forte prime, la petite Lilac ne fut jamais retrouvée. Des rumeurs stupides circulèrent.

Seize ans plus tard, Merilee revient à Mount Olive. Victime d’une attaque cardiaque, son père est en sursis à l’hôpital. Parmi les visites qu’il reçoit, il y a celle de Roosevelt Jimson. Graf aida le frère de Lilac a devenir policier. Ce beau Noir fut brièvement intime avec Merilee. Il reste obsédé par la disparition de sa sœur. Après le décès de son père, Merilee pense qu’on a volé un petit cœur de verre qui lui servait de loupe. C’est elle, « la reine des cadeaux », qui lui avait offert ce simple objet. Elle insiste pour le retrouver. Merilee est « l’Héritière » de la fortune paternelle. Ce qui inclut la grande maison familiale, dont elle ne garde pas que de bons souvenirs. Merilee n’a jamais eu de vrais amis. Sa solitude lui pèse. Elle voudrait se rapprocher des Jimson, surtout de Roosevelt. Mais cet instable se montre encore distant. Seul l’oncle Jedah, pour qui elle éprouve autant d’attirance que de répulsion, s’avère amical et protecteur. Il propose de racheter la maison des Graf, qui n’intéresse pas sa nièce. Ils passent quelques soirées ensemble. Ce jouisseur qu’est Jedah cultive le goût de Merilee pour l’alcool, dont elle abuse.

Connue aussi des amateurs de suspense, sous le pseudo de Rosamond Smith, Lauren Kelly n’est autre que Joyce Carol Oates, femme de lettres américaine née en 1938. Proche de la réalité sociale de son pays, son œuvre est reconnue dans le monde entier. Qualité d’écriture, psychologie des personnages, intrigue faussement simple, construction du récit : tout est ici maîtrisé avec soin, mais sans aucun formatage. Ce remarquable roman n’est pas dénué d’un subtil humour. L’auteur souligne l’hypocrisie (face aux gens « de couleur ») et les trop faciles rumeurs. Merilee est une mal-aimée solitaire, cherchant à occulter les déceptions ayant marqué toute sa jeune vie. Sa fragilité, son besoin d’affection et de confiance, la rendent très attachante. Elle baigne dans une ambiance énigmatique qui donne sa saveur au récit.

Laura Wilson : "Un millier de mensonges"

Amy Vaughan est une journaliste de 34 ans. Après le décès de sa mère, elle trouve chez celle-ci un cahier intime écrit par Maureen Shand. Amy ne connaît pas cette cousine Mo. Elle se renseigne sur la famille Shand, et découvre leur dramatique histoire. Leslie Shand, le père, était un véritable monstre. Il martyrisa son épouse Iris, fit vivre un enfer à leurs filles Sheila et Mo. Comme dicté par Shand, le journal de Mo édulcore cette horrible réalité. Employé par le fermier Bill Drake, Shand masquait sa vraie nature. Dix-huit ans plus tôt, Sheila avait l’âge actuel d’Amy quand elle abattit son tyran de père. Suite à tant de souffrance, elle ne fut pas condamnée.

Déjà un peu faible d’esprit, Mo fut internée. Leur mère Iris vit depuis longtemps en maison de retraite. Quand Amy lui rend visite, la vieille dame usée reste muette. Le premier contact entre Sheila Shand et Amy est assez tendu, ambigu. L’ancien fermier Bill Drake n’apprécie pas qu’Amy interroge sa protégée Sheila sur ce passé qui la tourmente encore. La découverte d’un squelette et d’un cadavre de bébé, non loin de chez elle, perturbe Sheila. Elle s’efforce de n’en rien montrer. Amy se demande où est maintenant Mo. Par deux fois, on s’attaque à la maison d’Amy, qui se sent confusément menacée. Elle peut compter sur l’aide se son voisin jardinier Charlie. Contrairement à ce que croyait Amy, le squelette n’est pas celui de Mo. Si le journal intime de Mo paraît complaisant, les cahiers de sa mère Iris sont le reflet réaliste des violences qu’elles ont subi.

Laura Wilson base ce récit sur les violences conjugales ou familiales. Avec justesse, elle évite à la fois un voyeurisme malsain et, à l’opposé, un apitoiement mélodramatique. Elle montre les étranges liens entre victimes et bourreau : bien qu’adultes socialement insérées, Sheila et Mo restent vivre auprès de leurs parents ; de même, le fusil menaçant du père est parfois accessible, sans qu’elles s’en emparent. Et puis, près de vingt ans plus tard, ces femmes gardent de graves secrets… qui sont le moteur de cette excellente intrigue. Reste donc un sujet ambitieux, traité avec belle finesse. Un suspense psychologique de très belle qualité.

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