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Paolo Roversi : La ville rouge (Éd.10-18, 2013)

Le braquage spectaculaire qui se produit à Milan le 27 février 1958 va marquer les esprits. Si le journaliste Dino Buzzati regrette que l'opinion publique ne soit pas tellement hostile aux truands, son collègue Mario Basile est très inspiré par ces malfaiteurs audacieux. Alors qu'à la même époque, c'est la fin des maisons closes, le jeune Antonio Santi est alors à peine âgé de quatorze ans. Élevé dans une honnête famille modeste, le garçon croit en sa vocation, devenir policier. Il admire le commissaire Nicolosi, qui n'a pas tardé à mettre en prison la bande du braquage de février. Malgré sa famille, Antonio Santi va s'engager dans la police. Après avoir fait ses classes à Rome, il rejoint bientôt le service de Nicolosi. “C'est l'incarnation parfaite du flic bourru. Réservé, couvert de cicatrices invisibles, il paie cher sa passion pour son travail et l'abandon de ses proches” explique-t-on à Antonio, qui se sent investi par la même mission que son supérieur.

En ce tout début de la décennie 1960, l'Italie ne manque pas de truands en tous genres. Tel ce Leandro Lampis, qui s'est surnommé l'Américain. Truand sans envergure, son début de carrière n'est guère glorieux. Mais en multipliant les braquages pour subvenir aux besoins de sa femme Chantal, il gagne une certaine popularité. Le journaliste Mario Basile finit par lui attribuer un nouveau surnom, le Soliste à la mitraillette. Suite à un gros hold-up dans une bijouterie, l'équipe de Nicolosi et d'Antonio Santi est rapidement sur la piste du Clan des Marseillais. Il suffit de bousculer les moins solides parmi ces gangsters, pour arrêter la bande franco-italienne avant qu'elle ne récidive. De son côté, Lampis est un éternel fuyard. Les policiers le traquent, harcèlent sa femme Chantal, mais il continue ses braquages. Il finira quand même par quitter l'Italie. Après un temps à Nice, Lampis rejoint Paris. Il y commet des hold-up toujours fructueux, mais bien plus risqués pour sa santé.

Roberto Vandelli est un peu moins âgé que son voisin d'enfance Antonio Santi. Très tôt, il a choisi la voie de la délinquance. À Beccaria, la prison pour mineur, le psy pourrait sentir qu'il s'agit d'un vrai dur. D'ailleurs, Roberto s'en échappe dès que possible. Âgé de dix-sept ans, il devient chef d'une bande, et réalise son premier braquage sérieux. À la même époque, il prend pour compagne la jeune Nina, qui n'a pas froid aux yeux, non plus. Il ne tarde pas à se faire un nom dans la pègre. En ce milieu des années 60, c'est au truand Pietro Cavalieri que s'intéressent Nicolosi et ses hommes. Cette bande a bientôt acquis de l'expérience. Le hold-up prend maintenant une tournure soi-disant politique pour Cavalieri, qui affirme “rançonner les banques”. En effet, la contestation commence à gagner la rue en Italie. D'imposantes manifestations étudiantes sont réprimées. Pour les flics, la chasse aux truands reste l'essentiel. Ayant épousé Carla, Antonio Santi va mériter ses galons de commissaire. Roberto Vandelli, truand de plus en plus aguerri, sera une de ses cibles...

Paolo Roversi : La ville rouge (Éd.10-18, 2013)

C'est une magnifique histoire criminelle de l'Italie que nous raconte là Paolo Roversi. Ville ouvrière du nord du pays, autant que symbole d'une certaine richesse, Milan est aussi une des plus violentes en ces années soixante. Ce que le commissaire Nicolosi résume ainsi : “Milan est une ville où l'on vit et tue. C'est tout ce que tu as besoin de savoir pour devenir un excellent flic... J'oubliais une chose, la plus importante : en Italie, personne n'est innocent. Quand tu as compris ça, le reste suit.” Ce qui est parfaitement illustré par les affaires auxquelles le jeune flic Antonio va être associé. Néanmoins, il ne s'agit pas seulement de retracer son parcours et celui, à l'opposé, du froid et dur Roberto.

Certes, ils sont les fils conducteurs de cette traversée de l'époque. Pourtant, c'est le climat général qui donne toute sa force à cette sombre reconstitution. Ambiance plus légère, quand sont évoqués les musiques de cette décennie, ainsi que les concerts des Beatles puis, deux ans plus tard, des Rolling Stones. Mais réalité plus lourde dès qu'il s'agit des mouvements sociaux et, bien sûr, du monde violent de la pègre. Les nostalgiques s'en souviennent peut-être tel d'un Âge d'or. C'est oublier que, en France comme en Italie, se multipliaient les hold-up et les gros cambriolages, que le très actif banditisme armé faisait régner l'insécurité. Cette génération de truands passait pour héroïques aux yeux d'une partie de la population. Ce que l'auteur relativise. Intrépides, sans doute, ces malfaiteurs étaient surtout sans pitié. Grâce à une remarquable fluidité narrative, ce fascinant roman noir de Paolo Roversi restitue avec une belle justesse le contexte quotidien de ce temps-là.

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N
Bonjour Claude,<br /> Je t'en ai peut-être déjà parlé, mais en polar italien, il faudrait vraiment que tu lises &quot;Tu es le mal&quot; de Roberto Costantini, paru en septembre dernier aux Presses de la Cité. C'est l'un de mes gros coups de coeur de cette année, un suspense magistral orchestré à Rome sur deux périodes : le début des années 80, avec un jeune commissaire Balistreri au passé trouble et qui n'arrive pas à résoudre le meurtre, le soir où l'Italie remporte la coupe du monde de foot, de la jeune et belle Elisa Sordi, l'assistante d'un cardinal haut placé. Après cette première partie, on retrouve les mêmes personnages plus de 20 ans plus tard, et notamment un Balistreri déprimé et rongé par les remords et les erreurs qu'il a commis étant jeunes. En 2006, L'Italie remporte une nouvelle fois la coupe du monde de foot et ce soir-là, c'est la mère de Elisa qui se suicide en se jetant de son balcon. Ce suicide ainsi qu'un nouveau meurtre lui rappelant étrangement celui de la jeune femme 24 ans plus tôt le décident à rouvrir le dossier. Et c'est le début d'une enquête qui va le mener très loin dans les arcanes du pouvoir en Italie, avec toute une galerie de personnages plus troubles et ambigus les uns que les autres, et que le talent de l'auteur rend incroyablement vivants et fascinants. La communauté Rom est désignée par des indices trop évidents comme abritant le meurtrier en série, d'autant plus qu'un campement illégal en plein Rome est l'occasion pour les politiciens de faire dans le cynisme... Les fausses pistes et les suspects se multiplient, Balistreri devient terriblement attachant, un très beau portrait encore une fois. Bref, c'est vraiment un très grand polar, passionnant de bout en bout, plein de surprises et de suspense, avec une atmosphère tendue et particulièrement prenante, une tension dramatique qui va crescendo avec, encore une fois, des personnages plus vrais que nature et fascinant. Il n'y est pas seulement question de retrouver un coupable, mais il y a aussi, sans ralentir le rythme, une remarquable histoire d'amitié, une histoire d'amour avortée. C'est un récit d'une richesse rare, réellement dense et foisonnant, et pourtant d'une totale fluidité. Un magnifique thriller italien qui ouvre d'ailleurs normalement une trilogie déjà parue avec succès en Italie, mais dont on risque malheureusement de ne pas pouvoir lire la suite en France, l'éditeur ne se fiant malheureusement qu'aux ventes...<br /> Toujours est-il que je te le recommande vivement, Holden de Unwalkers l'a lu lui aussi et en a fait une très belle chronique à l'époque. Dommage qu'ils soit sorti en pleine rentré littéraire, avec pas moins de deux autres nouveautés parues en plus dans la même collection pour le seul mois de septembre 2012 !!! N'importe quoi... Et après, ils s'étonnent qu'il n'y ait pas assez de ventes ! Arf, ça m'agace, tellement j'aimerais pouvoir lire la suite...<br /> En tout cas, du coup je me suis mis au polar italien, et j'ai justement profité de sa sortie poche pour me procurer cette Ville rouge de Paolo Reversi, que je lirai prochainement !<br /> Bonne journée à toi.
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C
Bonjour Norbert<br /> Il va falloir que je remette la main sur ce roman de Roberto Costantini, bien alléchant d'après ce que tu en dis...<br /> Tu mets le doigt sur le problème du choix. Quelque peu privilégié (je ne m'en cache pas), je suis parfois obligé de zapper des auteurs. Parce que trop de romans sortent dans une même période, même s'il s'agit de bonnes collections ou de titres qui semblent faire l'unanimité. Mais aussi, parce que j'ai besoin, comme tout lecteur, d'une diversité perso. Il me serait impossible de ne lire que des romans hyper noirs en permanence. Et il y a tant de polars de belle qualité...!<br /> Choix subjectif, si l'on veut. Quand même basé sur une certaine expérience. Ce qui fait que, souvent dès les premières pages, je &quot;sens&quot; le roman possédant un degré un peu (ou très) supérieur en qualité. D'ailleurs, ce fut le cas avec &quot;La ville rouge&quot;. Je ne l'avais pas remarqué à sa sortie, donc je l'ai abordé sans préjugés. Je peux affirmer que je n'ai pas été déçu.<br /> Puisque nous parlons &quot;rééditions poche&quot;, je consacre demain dimanche une chronique à une sélection de titre poche à venir en septembre, qui sont particulièrement à retenir.<br /> Amitiés.<br /> PS/ Oui, Sam Millar est le meilleur titre de l'année.