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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 05:55

Il est probable que la première édition de ce livre, écrit par Jean-Bernard Pouy avec la collaboration de Stéfanie Delestré, ait surtout été remarquée par les amateurs de littérature policière. Heureuse initiative de le proposer en format poche chez Points (dès le 24 mars 2016 ). Ceux qui l'ont côtoyé dans des festivals et salons du polar savent que l'écrivain Pouy est aussi un lecteur assidu. S'il "connaît ses classiques", il est ouvert aux titres récents, actuels, de qualité. S'il fait, par exemple, l'éloge de “Manhattan Grand angle" (2007) de Shannon Burke, c'est qu'il a su y déceler toute l'âme du roman noir.

Qu’écrit un passionné comme lui s’il doit évoquer l’un des maîtres du genre, Raymond Chandler ? Il ne se lance pas dans une rhétorique verbeuse, ni dans une analyse nébuleuse. Il exprime avec simplicité sa lecture : Dans Chandler, la langue débridée reprend ses droits. Marlowe est un causeur impénitent, il insiste toujours, se moque parfois, même quand il s’en prend plein la tête. On ne la lui fait pas, il est totalement incorruptible, car définitivement désabusé. Il marche d’abord à l’intuition, mais supporte mal qu’on lui mente ou qu’on l’emmène en bateau, ce qui arrive bien sûr souvent. C’est grâce à cette obstination qu’il parvient à ses fins. Il ne s’agit pas, là non plus, d’un retour du psychologisme. C’est surtout à travers les mots que le détective trouve les failles des gens qu’il côtoie ou interroge. En cela, l’écrivain est d’une incroyable modernité.

C’est avec clarté que Jean-Bernard Pouy présente aux lecteurs son approche personnelle de ce genre littéraire, sujet à maintes et maintes explicitations, explications et définitions. Ni un catalogue des meilleurs titres, ni une étude tellement pointue qu’elle en deviendrait rébarbative. Pouy revendique sa partialité comme ses oublis, citant avec passion les auteurs l’ayant marqué. Tel un infatigable pèlerin, voilà des années que J.B.Pouy porte la bonne parole du roman noir à travers conférences et débats. Ce présent essai est une sorte de synthèse de ses exposés en public.

Jean-Bernard Pouy : Une brève histoire du Roman Noir (Éd.Points, 2016)

Sophocle et M.G.Lewis furent des précurseurs. Féval, Gaboriau, et peut-être Zola, ont autant créé les codes de ce genre littéraire que John Steinbeck ou W.R.Burnett. Puis arriva la génération décisive de Dashiell Hammett et de Chandler, de James Cain et d'Horace Mc Coy, qui figurent au Panthéon des pionniers. Leurs successeurs sont nombreux, différents et opposés sans doute, mais animés du même esprit.

C’est de réalisme social, des tares de nos sociétés comme des imperfections humaines, dont nous parle le roman noir. Univers où l’on croise des détectives égarés dans une labyrinthique affaire, des traumatisés par les guerres ou leur expérience de la vie, de doux dingues assez malins pour duper tout le monde, des désespérés en route vers l'enfer, et toute une galerie de héros maudits dont nous partageons le destin le temps d'un livre.

On vibre autant grâce à Giorgio Scerbanenco, Manuel Vazquez Montalban, Leonardo Padura, Manchette, Ken Bruen, Didier Daeninckx, Donald Westlake, Pascal Garnier, Jean Amila, Caryl Férey, et tant d’autres : les historiques aiguilleurs du genre, les forcenés, les pessimistes, les allumés, les étoiles filantes, les intellos, les auteurs actuels. On ne s’étonnera pas que J.B.Pouy prenne un plaisir particulier à lire les plus déjantés d’entre eux…

Il conclut avec une nouvelle : “Sauvons un arbre, tuons un romancier !” Un tueur à gages est chargé de supprimer un romancier besogneux, dont la prose est caricaturale. L’assassin, qui l'attend chez lui, ne connaît pas d'états d'âmes. Mais sait-on jamais ?

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21 mars 2016 1 21 /03 /mars /2016 06:30

Les Izards, c'est un quartier du nord de Toulouse. Celui où a grandi Mohamed Merah. Un ensemble urbain de plus en plus ghettoïsé, devenu plaque tournante du trafic de drogue dans la région. Noureddine Ben Arfa dirige un réseau sévissant dans quelques-unes des tours du quartier. Avec sa bande, ils s'approvisionnent de façon innovante : des rottweilers auxquels on a fait ingurgiter des sachets de drogue passent la frontière hors des points de contrôle, avant d'être récupérés. C'est ce qui permet à Noureddine Ben Arfa de développer son commerce illégal. Comme il joue les indics pour le Renseignement Intérieur et les Stups, il est à peu près tranquille. D'autant qu'il évite de leur parler du chenil clandestin qu'il abrite dans un ancien entrepôt, et de l'intensification de ses activités de deal.

Sergine Ollard est une grande blonde de trente-huit ans, célibataire, vétérinaire dans une clinique des Izards. Où elle impose son caractère fort à ses associés et aux employés de ce cabinet animalier. Une nuit de week-end, une collégienne de quatorze ans lui demande de l'aide pour soigner un chien malade. Samia est la jeune sœur de Noureddine, d'ici peu promise à un mariage au bled. La vétérinaire accepte de s'occuper du rottweiler, souffrant d'une occlusion intestinale. Sergine comprend rapidement ce qu'on lui a fait avaler. Elle ne veut surtout pas que Samia soit impliquée dans ce problème. La vétérinaire ne peut hélas pas compter sur son ancien petit-ami Philippe, et doit se débrouiller. Deux jeunes Arabes interviennent peu après à la clinique pour reprendre le chien en soins.

Sergine pense qu'il s'agit de la bande de Noureddine. En réalité, ce sont les frères Nejib et Hamid Omane. S'ils ne tardent pas à tuer le rottweiler pour s'approprier la drogue, c'est pour le financement du terrorisme. Nejib est de retour du jihad en Syrie, et il a convaincu son cadet Hamid de préparer ensemble un attentat, sous l'égide d'un émir local. Habité de multiples doutes, le jeune Hamid n'est pas sûr qu'entamer une guerre des gangs contre la bande de Noureddine facilite leur projet explosif. S'il devait se retrouver seul au moment de l'action, aurait-il assez de détermination pour aller jusqu'au bout ? Côté Noureddine, on a compris qu'il fallait d'urgence déménager le chenil et planquer le stock de drogue dans un lieu sans danger, avant que la police puisse réagir.

Mariée à un instituteur, Nathalie Decrest est la plus gradée de la brigade de police censée s'occuper des Izards. Réaliste face à un quartier où les flics sont peu appréciés, elle fait son job aussi bien que possible. Même quand les Stups ou le Renseignement Intérieur font pression sur elle pour qu'aucun souci ne soit causé à Noureddine Ben Arfa. Ses collègues ont aussi un œil sur Nejib et Hamid Omane, sans lui en parler. La vétérinaire a été en contact avec la policière Decrest, mais ne lui a pas tout révélé. D'ailleurs, Sergine ne sait comment agir sans risquer d'aggraver le cas de Samia. Quand la bande de Noureddine envoie un avertissement aux frères Omane, ça peut précipiter le chaos dans ce quartier…

Benoît Séverac : Le chien arabe (La Manufacture de Livres, 2016)

C'est avec une vraie lucidité que Benoît Séverac aborde un grand thème d'actualité : le terrorisme islamique en France, et ses rapports avec le banditisme. Il est toujours très facile de désigner des fautifs, d'accabler les autorités ou les forces de l'ordre qui n'auraient pas pris conscience assez tôt de ce dérapage qu'on nomme "radicalisation". La génération endoctrinée, qui se laisse désormais tenter par le jihadisme, est née dans des familles pratiquant leur religion de manière conventionnelle ou traditionnelle. C'est la propagande qui conduit ces jeunes, qui ont eu souvent plus tôt l'expérience des trafics, vers un combat à la fois confus et meurtrier. Ils sont manipulés, contrôlés par de malfaisants guides, afin de semer la peur sur le territoire français ainsi que dans de nombreux pays.

Voilà ce que Séverac illustre par l'exemple dans cette histoire très dense. À travers le personnage de Sergine, la vétérinaire, il pose l'autre question essentielle : que faire face à ces situations, quelle peut être la position des citoyens ? De nature déterminée, la jeune femme espère protéger la petite Samia, orienter tant soit peu les enquêteurs, mais elle se trouve au cœur d'un contexte extrêmement compliqué, qui la dépasse fatalement. La fiction est au plus près de faits plausibles dans ce récit mouvementé. Les initiés pourront reconnaître quelques noms parmi les protagonistes, en guise de clins d'œil, mais l'humour ne peut évidemment guère apparaître autour d'un tel sujet. Un roman noir puissant, car il s'inscrit dans un des aspects les plus sombres de la sociologie actuelle.

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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 05:55

Paris, fin décembre 1933. Le commissaire Louis Gardel, trente-huit ans de métier, est un des policiers ayant servi de modèle à Jules Maigret. Même s'il reste en bons termes avec Georges Simenon, il tient néanmoins à se démarquer du héros créé par le romancier, qui vit désormais à Porquerolles. Gardel a engagé sa voisine Malou, âgée de vingt-sept ans, afin de servir de nounou à son petit-fils Paul, qu'il élève. Il est "fiancé" à la quadragénaire Marie-Jeanne Billetdoux, qui s'occupe activement d'œuvres sociales pour des jeunes filles. Mais rien n'indique qu'ils se marieront. Au 36, Gardel est apprécié de ses adjoints, autant que par le commissaire Guillaume ou par Xavier Guichard, le chef de la police. Il y a moins de sympathie entre lui et le préfet Jean Chiappe, trop proche de l'extrême-droite.

Charles Bernier-Fayard, propriétaire du journal politique L'Impartial, vient d'être assassiné dans son bureau, le 27 décembre au soir. En ces temps où la presse est très virulente, ce journal est plus honnête que les autres. Bernier-Fayard suivait de près l'affaire Stavisky, l'escroc étant en fuite, comme il se soit. Ce que confirment la secrétaire et le rédacteur en chef de L'Impartial. Selon ce dernier, son patron possédait un document qui ferait l'effet d'une bombe : la "liste Héraclès" comporte les noms d'une trentaine de notables s'étant compromis dans les combines de Stavisky. Il est possible que des haut-gradés de la police y figurent. Mme Weiss, la femme de ménage juive, ne peut guère aider les enquêteurs. Gardel se renseigne auprès du notaire de la victime, qui avait rendez-vous avec lui.

Clara Bernier-Fayard, la veuve, est typiquement le genre de femme qui horripile Gardel. Pas de sentiment à attendre d'elle, habituée à gaspiller l'argent. Son alibi est flou. Son fils Émile, qui doit bientôt rentrer d'un voyage en Italie, s'endette beaucoup. Âgé de vingt-sept ans, sous le pseudo de Titus, cet admirateur des Camelots du Roi, d'Hitler et de Mussolini, écrit pour des journaux fustigeant les Juifs, la police, les homosexuels, et toute forme de démocratie. Xavier Guichard espère que Gardel retrouvera la "liste Héraclès" afin que cessent les sales rumeurs à son sujet. Le préfet Chiappe veut lui aussi ladite liste, soit pour être blanchi, soit à des fins moins honorables. Peut-être a-t-elle été volée lors d'un cambriolage chez l'actrice Marie Duport, la maîtresse de Charles Bernier-Fayard ?

Son ex-collègue Pachot ne cache pas à Gardel les blocages qu'il a subis lorsqu'il enquêta sur Stavisky, ce qui assura longtemps une impunité à l'escroc. Début janvier 1934, Gardel identifie les cambrioleurs de Marie Duport, deux sbires de Stavisky. C'est en mettant la pression sur l'ancien comptable de l'escroc, Norvin, que le policier peut avancer : celui-ci admet avoir transmis la fameuse "liste Héraclès" à Bernier-Fayard. Il ignore où est passé ce document explosif. La veuve manquant finalement d'alibi, elle risque fort d'apparaître comme coupable. La presse d'extrême-droite est plus agressive que jamais quand l'affaire Stavisky est relancée…

Gilles Schlesser : La liste Héraclès (Éd.Parigramme, 2016)

Il est incontestable que Gilles Schlesser est l'un des écrivains les plus doués pour évoquer quelques épisodes de l'histoire parisienne. Certes, il est parfaitement documenté. Mais ce qui charme dans ses romans, c'est sa manière de restituer "avec naturel" l'ambiance qu'il décrit. Avec lui, on plonge sans effort dans le Paris d'époque, et on suit immédiatement son enquêteur dans ses recherches. Nous voici donc dans ces turbulentes années 1930, où se succèdent de nombreux scandales financiers. Des affaires exploitées par les groupuscules fascisants, antisémites et ultra-violents, royalistes et d'extrême-droite. Le cas Stavisky, sans doute le plus spectaculaire d'alors, s'accompagnait de ragots visant les hautes sphères de l’État. Existait-il des preuves, telle la "liste Héraclès" ? C'est plausible.

Si la toile de fond, c'est donc l'affaire Stavisky, il est aussi beaucoup question de Simenon et de son héros dans ce roman. Gardel ne cache pas sa perplexité concernant son collègue de fiction, le commissaire Maigret : “…certains traits de son caractère m'indisposent”. Ils n'ont ni la même vie, ni les mêmes méthodes, c'est exact. Quant à Georges Simenon, il est présent dans le récit : il invite Gardel à déjeuner. À ce stade de sa carrière, le créateur de Maigret lui semble “parvenu et vaniteux”, même s'il n'a pas d'antipathie envers lui. À travers interrogatoires et rencontres, Gilles Schlesser nous livre d'autres portraits nuancés finement. Tous les personnages nous paraissent "authentiques". Document secret à retrouver et identification de l'assassin vont de pair dans cet excellent suspense.

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18 mars 2016 5 18 /03 /mars /2016 05:55

Cette première enquête du commissaire Bordelli fut un des Coups de cœur d'Action-Suspense en 2015. Tandis qu'un deuxième titre de cette série est publié aux Éditions Philippe Rey, il n'est pas trop tard pour se familiariser avec ce policier grâce à la réédition en poche chez 10-18…
 

À Florence, durant l'été 1963. Le commissaire Bordelli est un célibataire âgé de cinquante-trois ans. Cet ancien combattant se montre bienveillant avec les gens modestes, fussent-ils des petits délinquants. Il circule en Coccinelle, apprécie les bons plats de son restaurant habituel, aime bien la mûre prostituée Rosa actuellement en vacances. Bordelli a noté les qualités du jeune policier Piras, dix-huit ans, originaire de Sardaigne. Pendant la guerre, le père de celui-ci fut le plus proche ami soldat de Bordelli. Malgré la chaleur, le commissaire va devoir enquêter sur une mort suspecte. Une riche vieille dame nommée Rebecca Peretti Strassen semble avoir succombé chez elle à une crise d'asthme. Toutefois, certains indices obligent à douter de cette version, tel ce flacon de médicament trop bien vissé.

Diotivede, le médecin légiste âgé de soixante-dix ans, partage les soupçons de son ami policier. On ne peut guère se fier au témoignage des voisines. Le docteur Bacci, médecin traitant de la dame, précise que Rebecca Peretti Strassen était allergique à un pollen tropical. Après avoir entendu la déposition de Maria, dame de compagnie de la victime, le commissaire fait la connaissance de Dante, le frère de la défunte. C'est un inventeur farfelu aux allures de savant fou, ce qui n'est pas pour déplaire à Bordelli. Pas plus que sa sœur, Dante ne fait confiance à leurs deux neveux, Anselmo et Giulio Morozzi. Ils risquent une grosse surprise à l'ouverture du testament de leur vieille tante Rebecca.

Les frères Morozzi étaient en vacances au bord de la mer, à Marina di Massa. Tandis que l'autopsie renforce les soupçons de meurtre, les neveux sont interrogés au commissariat. Ils ont tous les deux un alibi en commun, une soirée de fête où beaucoup les ont vus. La bienveillance de Bordelli ne s'appliquera pas à ce duo-là. D'ailleurs, avec le jeune Piras, il ne tarde pas à aller vérifier sur place si l'alibi des neveux est valable, ce qui semble le cas. Ils ne dénichent pas exactement une piste, plutôt une interrogation supplémentaire. De son côté, le légiste confirme qu'il n'y a pas d'erreur possible sur l'heure de la mort. Pénétrer dans la demeure de la victime, c'est explicable, mais comment a-t-on pu profiter de son allergie ?…

Format poche, chez 10-18 : "Le commissaire Bordelli" de Marco Vichi

Un commissaire de police italien dans une intrigue se passe il y a cinquante ans, s'agirait-il d'un énième clone de Jules Maigret, du même genre d'enquête ? Certes, c'est une affaire criminelle classique, mais les caractéristiques du héros sont sensiblement différentes. Le tolérant Bordelli ne croit pas en la prospérité économique affichée en Italie, dans ces années-là. La misère est encore bien présente : “Je suis fou parce que je refuse de condamner les pauvres gens et parce que je déteste ce pays ivre de rêves qui croit en la Fiat 1100.” On nous cite encore l'exemple de ce fonctionnaire rencontré par Bordelli, dont personne n'ouvrait les rapports depuis des années. Et puis, ces politiciens ex-serviteurs du fascisme, s'étant recasés dans la Démocratie chrétienne.

En toile de fond, le contexte reste important : La guerre est toujours dans les esprits, datant d'il y a vingt ans. Bordelli l'a vécue, y pense souvent, et en parle entre amis. Au quotidien, le commissaire est ouvert aux rencontres. Typique des années 1960, amusant à nos yeux, Bordelli commence à s'inquiéter de la nocivité du DDT, insecticide que l'on croyait la panacée… Et l'enquête ? Elle progresse, sans précipitation mais sans lenteur non plus. Un commissaire fort sympathique et humain, dans de savoureuses investigations.

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17 mars 2016 4 17 /03 /mars /2016 05:55

Léo Hernàndez est un truand impliqué, avec son complice José, dans un trafic de drogues au profit d'un certain Marchand, et du Patron de ce réseau. La dernière transaction s'est mal passée : des flics bien renseignés sont intervenus. Léo et José ont réussi à fuir, mais la drogue est perdue. Quand il est convoqué chez le Patron, l'affaire que se voit confier Léo est celle de la dernière chance. Une mission impossible, pense-t-il d'abord. Car il doit financer l'achat d'un nouveau lot de stupéfiants. Son ami José ayant été supprimé, Léo récupère chez lui le butin de son complice. Non sans tuer accidentellement un témoin gênant. Ensuite, sous une fausse identité, il organise son voyage vers le lieu prévu de l'échange, entre un château du Pays de Galles et un cimetière londonien.

David et Agnès forment un couple de chirurgiens parisiens. Aux vacances de Toussaint, ils se rendent en Grande-Bretagne, avec leur fille adolescente Pauline, et le petit-ami de celle-ci, Dylan Fournier. Pour David, visiter le château gallois de Grwych, c'est comme un pèlerinage à la mémoire de son père : durant la guerre, l'endroit abrita des enfants juifs. C'est ici que se déroule la première partie de la mission de Léo Hernàndez. Superstitieux, il n'apprécie guère ces lieux où se manifesteraient encore des fantômes. Lorsque disparaît son précieux carnet, où il note bien des éléments sur ses trafics, Léo ignore que la jeune Pauline est kleptomane. Chacun de leur côté, Léo et la famille de David poursuivent leurs petites vacances en séjournant à Londres.

Selon le plan initial, c'est au cimetière de Highgate que la drogue est livrée à Léo. Avec leurs tendances gothiques, Pauline et Dylan sont aussi attirés par ce cimetière historique. Léo comprend bientôt que c'est la jeune fille qui lui a dérobé son fameux carnet. Prenant des renseignements sur cette famille de Français, il obtient leur adresse à Paris, dans le 12e. Léo est prêt à toutes les initiatives afin de récupérer le carnet en question. Il doit par ailleurs se méfier de ses commanditaires, car Marchand et le Patron veulent l'éliminer.

La Brigade des Stups n'est pas inactive pendant ce temps-là. Néanmoins, leur indic José et sa compagne ayant été assassinés, ils imaginent d'abord que Léo a subi le même sort. Inquiète pour sa fille Pauline, qui a déjà dû affronter un épisode malheureux par le passé, Agnès contacte son ami policier, l'ex-commissaire-divisionnaire Victor Maupas. Retraité, il trouve là une belle opportunité de se remettre dans le bain. Son enquête l'amène d'abord à interroger Pauline, avant de faire un détour par le Pays de Galles. Recherché autant par les Stups que par ses employeurs truands, Léo parvient à passer entre les mailles du filet, avant de se trouver une planque. L'ancien policier Maupas contacte son collègue Piron, des Stups, tout en explorant un aspect de la vie privée de David. Le carnet secret de Léo reste la clé qui l'aidera à déverrouiller ce dossier…

Olivier Kourilsky : L’Étrange Halloween de M.Léo (Éd.Glyphe, 2016)

L'histoire nous entraîne au Pays de Galles, à la découverte du château de Grwych, et dans un étonnant cimetière de Londres. Toutefois, c'est à Paris que se déroule l'essentiel de ce roman. Quand banditisme et milieux honorables se côtoient, s'entre-mêlent, la rencontre risque très certainement de faire des étincelles. Surtout si un ancien flic émérite vient y mettre son grain de sel, fouinant en suivant son instinct d'enquêteur chevronné.

C'est une intrigue dans la bonne tradition du roman policier, que nous a concocté Olivier Kourilsky pour son huitième roman. Une intrigue mouvementée, riche en mystère et en coups tordus, comme les aiment tous les amateurs de polars. Entre les tribulations du truand Léo, l'instabilité de la jeune Pauline, et la vie de famille de ses parents, enquête et action sont au rendez-vous. La succession rapide des scènes, suivant chaque protagoniste, offre un excellent tempo au récit dans de courts chapitres. Un atout à ne pas négliger, ce rythme contribuant au plaisir de lecture. Voilà un fort agréable suspense, à découvrir.

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16 mars 2016 3 16 /03 /mars /2016 05:55

Château-Les Églantiers est un lieu-dit sur la commune de Coumeyrac. Ce territoire isolé reste mal couvert par la téléphonie actuelle. Autour de son église du 12e siècle, Château-Les Églantiers est une ancienne halte sur la route de Compostelle. “Une guérisseuse réputée ─ une sorte de sainte ─ y bénissait les pèlerins.” Le jeune curé Berdoulle n'a plus tellement de paroissiens, aujourd'hui. À part la fringante Suzette, fille de la défunte bonne du regretté curé précédent, il ne fédère pas foule. Une secte réunissant des Portugais s'est développée par ici, grâce au culte imaginé par Henri Podeval.

En outre, Château-Les Églantiers fut autrefois un haut-lieu de la confiserie. Même si l'entreprise de Philippe Vanderlan, maire et châtelain du cru, fabrique encore des bonbons, ça n'a plus le prestige du passé. Avec ses amis Lionel Esquirol et Cyprien Darmagnacq, le maire espère relancer l'activité locale. Grand lecteur de romans policiers, ayant tâté de la criminologie, Philippe Vanderlan a essayé de créer un festival théâtral, avec des pièces à suspense. L'idée n'a pas séduit grand monde. Pour l'opération qu'il prépare avec ses deux adjoints, il a engagé une attachée de presse issue du milieu cinématographique, Martine Secret-Duval. Celle-ci y voit une aubaine car elle en a sa claque des sphères parisiennes.

Son cousin cameraman Zéphir la rejoindra pour filmer la procession dédié à la Sainte de Château-Les Églantiers. La fête se passera autour de la statue érigée devant l'église, représentant un gros bonbon dégoulinant. Un petit évènement à médiatiser, mais Philippe Vanderlan a prévu de corser cette célébration. Anonymement, il a fait venir le délinquant Seb Dafi-Dakir avec ses deux complices, le Bègue et Maurice. Ceux-ci espèrent dérober un tableau de valeur. Certes, il s'agit d'un trio de tocards, mais aussi nuls soient-ils, ces trois-là peuvent faire preuve de dangerosité. Surtout Maurice, le plus excitable de la bande.

Mathilde est la fille de Philippe Vanderlan. Hermione est la meilleure amie de la jeune fille, originaire du même hameau. Australienne, Samantha est la petite copine de Mathilde, qui n'aime que les filles depuis sa première expérience d'ado avec Suzette. Hermione, qui flirta avec son amie Mathilde, est quelque peu jalouse de Samantha. Le père de la jeune Australienne s'inquiète pour sa progéniture. Aussi a-t-il pris à son service le détective Maxime, chargé de la surveiller. Les trois jeunes femmes ayant décidé de passer le week-end à Château-Les Églantiers, sans en prévenir le châtelain, Maxime suit le mouvement. Non sans avoir remarqué le charme de Martine Secret-Duval, lors du trajet en train.

Ce qui précède, l'écrivain-bibliothécaire Origène Pildefer l'avait prédit dans son nouveau roman. Un manuscrit refusé par les éditeurs, comme ses précédents livres. Mais il est convaincu que son œuvre influence la réalité. Ces gens et ces situations, il les a décrits dans sa fiction. Il va donc suivre les protagonistes sur le terrain, tout en essayant de rester en contact avec les membres de l'atelier d'écriture qu'il anime. En espérant, bien que s'annonce une météo tempétueuse, que le dénouement sera moins sombre que dans son roman…

Vincent Ravalec : Bonbon désespéré (Éditions du Rocher, 2016)

Ne cherchons pas à situer géographiquement Château-Les Églantiers, l'essentiel est que ça se situe dans les confins oubliés de notre terroir. Par contre, afin d'obtenir un regain de notoriété, ce lieu-dit cherche à s'inspirer de Bugarach. Ce village du Sud, cher à tous les adorateurs de fées, de lutins, d'elfes et de farfadets, n'est-il pas habité par une énergie extraordinaire, tellurique, cosmique ? “Bugarach permettait des reprogrammations de chakras, des annulations karmiques, des entrebâillements divinatoires… Et surtout, surtout, Bugarach allait être épargnée par l'Apocalypse proche.” Une arnaque à reproduire partout où il ne se passe rien, comme dans les environs de Coumeyrac. Du surnaturel, une procession et un petit fait divers, tout cela filmé, c'est le succès médiatique assuré.

On l'aura compris, c'est une comédie polar que nous raconte ici Vincent Ravalec, auteur de “Cantique de la racaille” (1994, récompensé par le Prix de Flore). Ne se contentant pas d'une narration linéaire, qui eût pu être déjà sympathique, Ravalec y ajoute du “style”, conformément à la définition qu'il donne dans les premières pages de ce livre. Avec une forme particulière de “mise en abyme”. Au fil des scènes, on saute d'un personnage à l'autre, puis aux suivants. Ceux-ci sont nombreux, il l'avoue. Ils sont tellement différents et typés, que l'on n'éprouve aucune difficulté à les identifier, à les placer dans le puzzle. Et tout ça alimente une délicieuse intrigue à suspense, aux multiples péripéties. Un roman d'une certaine originalité, qui mérite un large lectorat.

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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 16:45
L’enquête Polar SNCF de retour au salon Livre Paris

Après le succès de sa première édition qui a séduit pas moins de 2000 participants, SNCF organise cette année encore une enquête grandeur nature dans les allées de Livre Paris.

Le samedi 19 et le dimanche 20 mars, les visiteurs du Salon du Livre de Paris (rebaptisé "Livre Paris") – munis d’un livret d’enquête distribué à l’entrée du Salon ou téléchargeable sur sncf.com – pourront partir à la rencontre des différents témoins, écouter les témoignages des suspects et récolter les indices pour tenter de percer le mystère de la succession de Madame Yvonne : parmi les cinq candidats potentiels, qui est le petit-fils de Madame Yvonne, unique héritier de son immense fortune ? Qui ment pour tenter de toucher le pactole ? Qui transmet en toute bonne foi de fausses informations ? Qui cherche juste à retrouver ses racines ?

Une fois le mystère résolu, les enquêteurs auront eux aussi leur récompense : un livre issu de la sélection du Prix SNCF du polar / Roman 2016. Un jeu conçu pour toute la famille, en participation individuelle ou par équipe, sans réservation préalable. Samedi 19 et dimanche 20 mars, aux horaires d’ouverture du Salon.

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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 05:55

Gordon Ferris : La cabane des pendus

Écosse, 1946. Natif de Kilmarnock, Douglas Brodie est aujourd’hui âgé de trente-quatre ans. Avant la guerre, il fut inspecteur de police à Glasgow. C’est au combat qu’il gagna le grade de major dans les Seaforth Highlanders. Démobilisé, il vécut une période alcoolisée, avant d’être engagé comme reporter pour un journal de Londres. Il est de retour à Glasgow, suite à l’appel de son ami de jeunesse Hugh Donovan. Leur rivalité d’antan, autour de la belle Fiona, est mise de côté car l’affaire est grave. Sérieusement brûlé durant la guerre, Hugh fut soigné mais garde le visage détruit. Il ressent toujours de vives douleurs, qui l’ont incité à prendre de la drogue. Quelques mois plus tôt, Hugh s’est réinstallé dans un quartier modeste de Glasgow. C’est par hasard qu’il a retrouvé Fiona, maintenant veuve, et son fils Rory. Il lui arrivait de s’occuper du gamin. Rory disparut soudainement. Son corps fut découvert quelques jours plus tard.

Même si l’enquête de police fut imparfaite, quatre autres précédentes disparitions d’enfants restant énigmatiques, les indices accablaient Hugh. Assommé par la drogue et l’alcool, il était incapable de donner sa version. Il avoua dans des conditions mal définies, se rétracta. Son avocate Samatha Campbell souligna au procès les détails approximatifs ou inexacts. Elle ne fut pas loin de lui sauver la mise, mais on le condamna quand même à mort. Hugh doit être très prochainement exécuté par pendaison.

Logeant chez l’avocate, Douglas Brodie admet la probable innocence de son ami. Le prêtre catholique Cassidy ne se prononce pas mais soutien moralement Hugh. Brodie ne tarde pas à être confronté aux sbires des caïds du secteur, les frères Slattery. Ce sont certainement eux qui fournissaient sa drogue à Hugh. Au poste de police de Tobago Street, où il était affecté autrefois, Brodie fait face à des flics fort peu coopératifs, s’accrochant à leur version. De son côté, il ne s’explique toujours pas pourquoi une machination viserait Hugh. Son enquête le mène sur l’île d’Aran. Au retour sur le ferry, Brodie frôle la noyade après avoir été agressé. Le revolver Webley Mark VI du père de l’avocate Samatha Campbell sera bien utile à Brodie…

Les romans explorant les périodes de transitions consécutives aux guerres ne sont pas si nombreux. Glasgow et l’Écosse n’ont pas été énormément touchées par les destructions. Sa population modeste s’est appauvrie pendant cette guerre, la faisant ressembler à une bande de néandertaliens. Un terreau propice au banditisme, aux trafics, à la criminalité. En face, une police mal réorganisée, prête à fabriquer des preuves pour conserver sa crédibilité. Avec également, des héros de la guerre peu récompensés de leurs exploits. Un aspect essentiel de leur marginalisation : ils ont moins de quarante ans, et sont déjà plutôt inscrits dans le passé. La société de 1946 n’a pas encore retrouvé son équilibre. Tel est le contexte qui prime sur la stricte enquête de Brodie. Entre Irlandais expatriés, héros disgraciés, et justice incertaine, la noirceur de ce temps-là imprègne ce sombre suspense. Loin d’une banale enquête balisée, linéaire, une histoire franchement prenante.

(Disponible dès le 17 mars 2016)

Formats poches, chez Points : Gordon Ferris et Christophe Molmy

Christophe Molmy : Les Loups blessés

Approchant de la cinquantaine, le commissaire Renan Pessac est chef du Service central de répression du banditisme. Il supervise diverses enquêtes, notamment celles confiées à l'équipe de Philippe Lelouedec, qui n'a pas grande estime pour son supérieur. Pessac garde un indic personnel très fiable, le Grand, et obtient parfois des infos grâce à la prostituée Tania, amie de cœur plus que de sexe. Un braquage de convoyeurs de fonds a fait deux victimes parmi les employés. Ça ne manquait pas de professionnalisme, mais l'affaire n'a rapporté que soixante mille Euros. Si les policiers disposent de peu d'éléments, ils pensent que ce sont deux semi-amateurs et un pro qui ont attaqué ce transport de fonds.

En effet, le jeune Doumé Astolfi s'est associé à Imed et Nordine Belkiche, deux frères du Val-de-Marne. Nordine, l'aîné, fait plutôt dans le trafic de drogue, blanchissant ses gains en achetant et exploitant des commerces dans leur cité. Plus fougueux, son cadet Imed est partisan d'actions d'éclat, et aime claquer du fric. Nordine n'apprécie pas tellement ce Corse, qui organisa le braquage. Doumé est le frère de Matteo Astolfi, un caïd du grand banditisme. Il affiche une vie tranquille auprès de sa compagne Carole et de leur fils Roch. Après l'avoir sermonné, il a expédié Doumé en Espagne, du côté de Malaga, en compagnie de son adjoint Sergio. Un braquage avec deux morts, il vaut mieux se faire oublier.

Tandis que Matteo, bien renseigné, prépare un nouveau coup bien plus fructueux contre un fourgon de transport de fonds, les frères Belkiche ont également un projet en cours, à Savigny-sur-Orge. Par son indic le Grand, Pessac est mis sur la piste d'un fournisseur d'armes appelé Angelco. S'il en sait davantage, le Grand conserve des billes. C'est grâce à Tania que Pessac obtient le nom d'Imed Belkiche. Un dispositif de surveillance et de filature est bientôt en place par l'équipe de Lelouedec, autour d'Imed. À Marseille, Matteo, Doumé, Sergio et leur complice l'Acrobate braquent sans bavure un convoi de fonds…

Christophe Molmy est commissaire divisionnaire, chef de la brigade de recherche et d’intervention (BRI, surnommée l'Antigang). C'est donc un flic de carrière qui est l'auteur de ce roman, son premier titre. Dans ces conditions, il faut bien sûr s'attendre à un polar trépidant qui s'inspire d'un univers criminel brutal. Sans doute l'auteur n'ignore-t-il pas qu'il y a quelque chose d'intemporel dans le grand banditisme. Les petits voyous, d'origine maghrébine ou non, cherchent toujours à montrer leur valeur en montant des coups qu'ils ne maîtrisent pas forcément. Et les expérimentés caïds, de Corse ou d'ailleurs, espèrent encore impressionner par des braquages spectaculaires et très rentables. Il est vrai que les transports de fonds restent le maillon faible de la sécurité bancaire, cible des truands les plus déterminés. Une tension certaine règne, tant du côté des policiers que chez les malfaiteurs. Un suspense classique et solide, dans la bonne tradition du polar.

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