Loupo est un braqueur actuel. Solitaire dans l'âme, même s'il opère avec son ami Kangou, sur les tuyaux de leur copain Le Chat. Loupo fréquente peu le milieu des truands, dont il sait se faire respecter, au besoin. Avec Kangou, qui pilote les motos volées à chaque coup, ils pillent les banques de Paris et de sa région. S'il est surnommé Le Flingueur, c'est parce que Loupo tire à chaque braquage pour impressionner employés et clients. Il a amassé un joli tas de fric, auquel il ne touche pas. Marié à la belle Maria, père de famille, Kangou se shoote un peu et perd pas mal de fric au jeu. Néanmoins, Loupo peut avoir une confiance totale en lui. Le Chat leur a promis un vrai gros braquage pour très bientôt, mais il faut patienter avec des coups moins fructueux.
Loupo n'est pas de ceux qui bénéficieraient de circonstances atténuantes devant la Justice. Certes, abandonné par sa mère, il connut l'orphelinat, l'Assistance Publique d’Évry, ce qui attisa certainement sa révolte intérieure. Tôt, avec quelques-uns de ses potes, Loupo s'engagea dans la délinquance, apprentissage qui n'est jamais sans conséquences. C'est ainsi qu'ils perdirent leur ami Smalto. Ce qui n'arrêta pas Loupo dans sa marche en avant, vers des braquages toujours plus juteux, autant que risqués. Le dernier en date va mal tourner. Comme toujours, Loupo tire pour affoler les gens présents dans la banque. Par accident, il touche un môme, dont il ne sait s'il est mort ou blessé. En plus, il n'y a quasiment pas de fric dans cette agence, car on les a prévenus.
Très vite, Loupo culpabilise au maximum, envisage le suicide, mais songe plutôt à se rendre après avoir laissé son pactole à Kangou. Quant à savoir qui les a balancés, volontairement ou pas, c'est le petit ami du Chat, l'Ange blond. Avant de se livrer aux flics, c'est une affaire que Loupo doit régler. Le gang qu'il a en face de lui est dangereux, mais il a des arguments-choc et pas grand chose à perdre. S'il était capable de s'attacher à la jeune Nora, sincèrement amoureuse de lui, peut-être agirait-il autrement. Même quand il a l'occasion de rencontrer la mère du môme qu'il a atteint, la culpabilité ronge Loupo. Il se sent tel un monstre. Les flics ont pisté Nora, mais Loupo parvient à s'échapper par les toits, non sans difficultés. Après avoir trouvé refuge chez Kangou et sa famille, le gros coup attendu se prépare...
Quand une histoire est racontée par le héros, à la première personne, ça donne du rythme et ça permet des images explicites puisque personnelles : “C'est pour ça que je m'y sens chez moi, la nuit. Seulement la nuit. J'ai les sens qui guettent, qui attendent. Je me rappelle tous les coups qu'on faisait, les petits cambriolages de pavillons, les casses d'entrepôts. Parfois la nuit était glacée, mordante et agressive...”
Ce mode narratif incite le lecteur à chercher l'angle positif, même si celui qui nous parle n'est pas un saint. C'est là que Loupo ne correspond pas à cette approche. C'est un type froid, déjà “en sursis” bien avant cet épisode de sa vie. Il ne souhaite ni admiration, ni pitié. Ses moments d'apitoiement sur lui-même (“Je suis un monstre. Je le savais. Je le savais.”) ne sont pas destinés à nous émouvoir. Il n'éprouve pas de plaisir à s'enrichir par les braquages. Il a juste besoin de cette adrénaline qui afflue pendant quelques minutes, de l'excitation du casse, aussi brève soit-elle. Voilà la seule drogue de ce loup solitaire.
L'auteur fait référence à Léo Malet et André Héléna, pionniers du roman noir à la française. Il est vrai que la délinquance glissant vers la criminalité est intemporelle. La violence devient vite l'unique réponse des gens traqués. En réalité, Loupo fait parfois penser aux personnages désabusés de David Goodis, conscients qu'ils seront rattrapés par la fatalité. Ils ont connu trop de déboires pour solliciter la sympathie. Cette notion n'existe pas dans le monde des animaux, or Loupo se veut animal. Il va déranger le lecteur, ne l'ignore pas. C'est pour cette raison-là que, malgré de petites faiblesses, ce polar trouve une certaine force.