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C’est un nouvel épisode dans le pur esprit poulpesque que nous propose Serguei Dounovetz, avec “Sarko et Vanzetti” (Éd.Baleine). Dans cette affaire, malgré l’abus de bières locales, Le Poulpe n’a pas l’intention de perdre le Nord.
Si Gabriel Lecouvreur possède une conscience sociale affûtée, c’est en grande partie à l’anarcho-syndicaliste Vanzetti qu’il le doit. Le Poulpe apprend que celui-ci vient d’être arrêté pour le meurtre d’un vigile. La victime a été retrouvée égorgée dans le bureau du patron de la SARKOPHAGE, où des documents importants ont été dérobés. Cette usine d’armement est en grève depuis environ deux mois. Elle va être délocalisée à l’autre bout du monde. Les ouvriers exigent une indemnité de 30000 Euros pour tous. Le conflit s’enlise, les CRS surveillent, la direction ne cède rien. Le patron n’est autre que Félix Lache, porte-parole du parti politique majoritaire, le PMU. C’est son témoignage accusateur contre Vanzetti, qui a conduit le bouillant militant en prison. Certes, Vanzetti a bien un alibi, mais il ne veut compromettre personne. Alors que le policier Vergeat rôde autour de l’usine, Le Poulpe doit absolument disculper son vieil ami Vanzetti.
Se faisant passer pour un journaliste, Gabriel rencontre les grévistes. Une
poignée d’entre eux, conscients de jouer leur survie, font figure d’irréductibles. “Le seule chose que je sais, c’est que ces mecs vont récupérer mon job et qu’après j’aurai plus qu’à crever la
gueule ouverte” conclut l’un d’eux. Gabriel ne doute pas que l’accusation contre Vanzetti vise à briser leur unité. Il sympathise avec Redouane, jeune Kabyle laïc et philosophe, qui ne dédaigne
pas les trafics habituels de sa cité Jean Ferrat. Gabriel se rapproche aussi de l’alibi de Vanzetti, la serveuse Paquita, 19 ans. Quand Le Poulpe est violemment agressé par trois costauds au
service de Félix Lache, Redouane intervient pour l’aider. Et c’est la belle Paquita qui joue à l’infirmière câline avec Gabriel. Par la force des choses, Le Poulpe va rester fidèle à sa coiffeuse
blonde et rose, Chéryl. De son côté, en son absence, celle-ci ne se prive pas d’expériences sexuelles originales.
Par l’intermédiaire de Redouane, Gabriel obtient le témoignage d’un Tchétchène sans papier qui dit avoir assisté au meurtre du vigile. L’exécuteur serait le boss d’un gang très actif dans le secteur. À l’usine, le climat tendu sent l’insurrection. Les ouvriers ont pris le patron en otage. Gabriel négocie un tête-à-tête avec lui. “Le tocard en costard, qui se trouvait à quelques mètres de ses tentacules, avait tenté la veille de le faire disparaître de la surface de la terre à coup de manches de pioches maniés par trois nervis maladroits. Sa première réaction, fort naturelle, aurait été de lui rendre la pareille, jusqu’à ce que mort s’ensuive…” Le Poulpe se contente d’un geste plus mesuré. Son ami Pedro lui ayant fourni un flingue, Gabriel essaie avec l’ami Redouane de démêler les embrouilles du clan tchétchène. Dans cette affaire, le Kabyle défend son propre intérêt. Même si Le Poulpe parvient à faire pression sur Félix Lache, il ne serait pas contre un feu d’artifice final…
Il est évident que Serguei Dounovetz fait partie des auteurs qui partagent les valeurs de Gabriel Lecouvreur. Être témoin des réalités sociopolitiques de notre époque, être acteur en tentant d’apporter des amorces de solutions, c’est bien le rôle du Poulpe. “Avec leur répression tous azimuts, leur racket généralisé sur les points, les radars, l’alcool au volant, sans parler des clopes, c’est un véritable carnage social qui a été mis en place. Ces cons de moralistes aux relents maurassiens, de vertueux quand ça les arrange, sous prétexte de sauver la Sécu, sont en train chaque jour de mettre un peu plus le pays à genoux” estime-t-il. Son point de vue sur les mauvais prétextes qui expliqueraient une impossible intégration maghrébine est aussi plutôt juste. De Vergeat au Polikarpov, tous les éléments de son univers sont réunis ici. La bière coule à flot, au fil de cette aventure. Soulignons en particulier, la maladresse de Gabriel dans sa relation avec Chéryl, souriantes parenthèses. Les péripéties agitées abondent dans cet excellent épisode. Cliquez ici sur le "Portrait chinois" de Serguei Dounovetz