Les éditions Ex Nihilo publient un ouvrage destiné aux passionnés de culture polar: “Roman policier, fragment d’histoire” de Régis Messac. Il s’agit de chroniques sur de nombreux romans publiés dans les années 1930. Mais sans doute est-il nécessaire de rappeler qui fut Régis Messac (1893-1945). Il devient enseignant en 1922, exerçant comme professeur à Montpellier dès 1929. Cette année-là, il soutient sa thèse de doctorat, Le Detective novel et l’influence de la pensée scientifique. “Éditée par Honoré Champion, cette célèbre étude trouve un large écho auprès des amateurs de romans policiers et devient un outil indispensable à toute recherche sur les origines du genre. Régis Messac publie la même année, à la librairie parisienne Picart, une autre étude importante : Influences françaises dans l’œuvre d’Edgar Poe.” précise Claude Mesplède dans son “Dictionnaire des Littératures Policières” (Éd. Joseph K).
Régis Messac fut certainement le premier à considérer que la Littérature policière existait en tant que telle, sans être un sous-genre littéraire. Pour lui, le roman populaire se doit d’être de qualité. Aussi ne se trompe-t-il pas quand il fait l’éloge d’un certain Dashiell Hammett : “Dans Le faucon de Malte, tout le monde est immoral, crûment, froidement immoral. Une seule chose compte : l’argent, les dollars. Le détective lui-même, Spade, le héros de ce récit, ne vaut pas mieux que les autres, les criminels qu’il poursuit. D’ailleurs, il le sait et ne s’en cache pas…” Messac évoque aussi La clé de verre et L’introuvable, du même Hammett. Il s’agace de la propagande (selon lui) contenue dans les enquêtes du Père Brown, de G.K. Chesterton. Il salue la mémoire d’Earl Derr Biggers (décédé en 1933), dont le héros Charlie Chan est un policier chinois d’Honolulu. Il chronique encore quelques autres romanciers étrangers.
Parmi les auteurs français dont il parle, beaucoup ont disparu de nos mémoires. Néanmoins, il est intéressant de retrouver à travers ces textes les thèmes qui étaient abordés. Les schématiques affaires d’espionnages ne sont que rarement dignes d’y perdre son temps et son argent, selon lui. Ce qui importe, c’est que même dans un petit roman de mystère, l’intrigue soit solide. Dans ce cas, Messac peut se montrer bienveillant : “L’auteur jongle avec les vieux thèmes, mais avec une désinvolture espiègle qui les rajeunit. Pas beaucoup de vraie nouveauté, mais de la fraîcheur, de l’allégresse. L’auteur a dû beaucoup s’amuser à écrire son livre. On ne s’ennuie pas à le lire.” Mais, qu’on ne le déçoive pas : “Début impressionnant et dans le meilleur style (…) Mais quand on en vient à débrouiller l’énigme, le lecteur est déçu. L’auteur n’a rien de mieux à lui offrir que les intrigues de conspirateurs masqués (…) Vieille histoire qui n’est même plus bonne pour les opérettes.” ou encore “[ce roman] n’appartient pas au genre policier, mais au genre ennuyeux.”
Régis Messac évoque plusieurs romans de Georges Simenon (et s’amuse de son pseudo, Georges Sim). Ces textes nous remettent en mémoire des auteurs de qualité, hélas oubliés, tels Claude Aveline et Noël Vindry. Et quelques autres, bien plus mineurs, probablement. Messac n’aime pas le Grand Prix du Roman d’aventures, créé par l’ancêtre de la collection Le Masque. C’est pour cela qu’il commence par se méprendre sur le talent de Pierre Very. Même s’il garde une certaine réserve, il lui reconnaît ensuite une originalité (comme dans M.Marcel des Pompes Funèbres).
Rassemblant de nombreuses informations sur la Littérature de l’époque, à travers un panel représentatif de romans, cet ouvrage documentaire s’avère passionnant pour tous ceux qui s’intéressent à l’évolution de ce genre littéraire. Loin d’une étude rébarbative, ou d'opinions émanant d'un dilettante, c'est un excellent recueil de chroniques.