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Jean Teulé est l'auteur de “Fleur de tonnerre”, publié aux Éditions Julliard en
ce printemps 2013. Il s'inspire de l'histoire vraie d'Hélène Jégado, qui assassina des dizaines de ses contemporains sans raison apparente. Elle fut exécutée le 26 février 1852, sur le Champ de
mars de Rennes. Nul doute que l'excellent Jean Teulé interprète cette affaire, avec sa caractéristique tonalité enjouée. Toutefois, il n'est pas le premier à évoquer cette criminelle quelque peu
hors normes. En 2006, Peter Meazey publia “La Jégado, l'empoisonneuse bretonne” aux
Éditions Astoure. Conteur lui aussi fort talentueux,
l'auteur y retrace sans dramatiser cette série meurtrière (trois douzaines de victimes en dix-huit ans, quand même). Il nous adresse un sourire complice, soulignant la naïveté des uns,
l’incompétence des autres. Son analyse de la société de l’époque apparaît très juste. Il nous fait comprendre que la “monstruosité” de l’accusée n’explique pas tout. Vivante et exacte, cette
reconstitution de Peter Meazey est absolument passionnante.
Hélène Jégado mérite de figurer parmi les grandes criminelles de l’Histoire judiciaire. Elle naît en 1803 dans le Morbihan. Durant de longues années, elle est cuisinière dans des presbytères, ou employée chez des bourgeois. Ce n’est qu’en 1851, à Rennes, que la justice s’intéresse finalement à Hélène Jégado. Pourtant, dès l’âge de trente ans, les morts suspectes se multiplient sur son parcours. Deux premières séries d’empoisonnements chez des curés font des victimes. On craint le choléra, sans soupçonner Hélène. On la qualifie de “miraculée qui porte la poisse”.
Dans chaque bourgade où elle passe, on devrait s’étonner d’autant de décès. Si la rumeur populaire s’inquiète, on ne s’en préoccupe ni chez les notables bourgeois, ni chez les autorités. Après quelques méfaits dans un couvent et d’autres morts suspectes, on se méfie quand même d’Hélène Jégado. En 1841, elle s’installe à Rennes. Les crimes commis avant cette date vont bénéficier de la prescription. Cette femme sale et alcoolique, qui vole du linge et du vin chez ses employeurs, va être l’auteur de nouveaux meurtres. Elle feint de bien s’occuper, avec piété, des gens qu’elle empoisonne.
Après avoir fait plusieurs victimes dans le personnel d’une auberge rennaise, c’est chez un homme de loi qu’elle sévit. Cette fois, Hélène est d’abord accusée de vol domestique, avant que des morts suspectes soient démontrées. On note l’aveuglement des médecins ayant soigné ses victimes. On ignore encore d’où venait l’arsenic.
Il est inévitable que le procès soit théâtral. Les réponses véhémentes de l’horrible mégère la rendent antipathique. Le dossier est complet, les experts sont formels, les témoignages l’accablent. Intelligente et hypocrite, l’accusée n’exprime aucun repentir. L’avocat plaide l’anormalité de sa cliente, “anomalie de la nature” indigne d’être jugée. Hélène Jégado est condamnée à mort, exécutée quelques semaines plus tard…