Parmi les premiers titres de 2013 en format poche, “La place du mort” de Pascal Garnier (Points) nous permet de redécouvrir le talent de cet auteur.
Quadragénaire parisien, Fabien Delorme est le fils d’un couple séparé tôt. “Il était issu de deux
fantômes, avec l’absence de l’une et le silence de l’autre pour tout lien de parenté. Chacun d’eux robinsonnait son petit bout d’existence, voilà tout.” Cela explique que son propre couple avec Sylvie n’ait pas longtemps été guidé par la passion. Et peut-être aussi, qu’ils n’aient pas voulu d’enfants. Par contre,
ils sont restés proches de Gilles, copain divorcé de Fabien, et de Laure, grande amie de Sylvie. Ce week-end de trois jours, ils l’ont encore passé chacun de son côté. Fabien était chez son père,
en Normandie. Au retour rue Lamarck, un message sur le répondeur émane de l’hôpital de Dijon. Sylvie a trouvé la mort dans un accident de voiture. Il se rend sur place, reconnaît le corps. Il
avoue au policier qui l’interroge qu’il ignore ce que Sylvie faisait dans cette région. Elle s’y trouvait avec un certain Martial Arnoult, son amant, mort également dans l’accident.
Veuf et cocu, une situation qui plonge Fabien dans une dépression alcoolisée. Il sera absent aux obsèques de Sylvie. Il s’installe chez son ami Gilles, s’occupant ponctuellement de l’enfant en bas âge de celui-ci, fainéantant volontiers avec son copain Gilles. Pourtant, Fabien garde une vague idée en tête. Il connaît l’adresse de Martine Arnoult, la veuve de l’amant, âgée d’une petite trentaine d’années. “L’autre m’a piqué ma femme, je vais piquer celle de l’autre.” Fabien commence à surveiller l’immeuble de la rue Charlot où habite Martine. Il la prend en filature, alors qu’elle est généralement accompagnée d’une quinquagénaire, Madeleine. Il va même visiter clandestinement l’appartement de Martine en son absence. Les deux femmes ont prévu des vacances à Majorque. Ayant modifié légèrement son aspect physique, Fabien s’offre le même séjour touristique.
Le hasard lui permet de lier connaissance avec le duo de femmes. Fabien sent que Madeleine est particulièrement vigilante, le soumettant à une sorte “d’examen de passage”. Il sera difficile d’écarter Martine de Madeleine, dont il apprend bientôt quel est son lien avec sa cible. Néanmoins, à la faveur d’un incident qui bloque Madeleine, Fabien et Martine deviennent intimes. Probablement insuffisant pour éloigner définitivement la jeune femme de sa protectrice. Si, de retour à Paris, Martine et Fabien se revoient, il sent bien que leur relation ne doit pas durer : “Il se promit de ne jamais refoutre les pieds” chez Martine. Malgré tout, quand ils sont invités dans la propriété campagnarde de Madeleine, Fabien accepte d’y aller avec Martine. C’est là que les évènements vont s’accélérer…
Il y a des histoires nécessitant un scénario alambiqué, spectaculaire, pour plaire aux lecteurs. Et d’autres intrigues comme celle-ci, simples et quotidiennes, qui ne sont pas moins percutantes. Avec un héros admettant la banalité de sa vie, qui considère l’existence avec une certaine désinvolture. Une paire d’amis, un duo de femmes complètent le casting, outre le père de Fabien. Séduire Martine, c’est plus une idée puérile qu’une vengeance de cocu. On se doute que l’expérience n’en restera pas à des situations ordinaires. Une accumulation d’épreuves l’attend.
Il ne faut donc pas se fier au format, car c’est un suspense d’une belle densité que concocta Pascal Garnier (1949-2010). Fluidité du récit, descriptions aussi brèves que précises : “L’orchestre se composait d’un organiste chauve portant un costume éreinté, d’une chanteuse blond platine moulée dans un fourreau lamé qui tenait plus de la couverture de survie que de la robe, et d’un bassiste avachi et avare de notes.” Cette tonalité limpide, empreinte d’une ironie nuancée, est fort séduisante. Et la seconde moitié du livre nous montre qu’il s’agit effectivement d’un roman criminel très réussi.
-“La place du mort” est disponible dès le 3 janvier 2013-
De Pascal Garnier : "Lune captive dans un oeil mort" - "La théorie du panda". L'oncle Paul évoque aussi des romans de cet auteur, ICI, et LA, ou encore ICI.