Aux éditions Marabout, dans “Les jeunes filles et la mort” de Michael Genelin, nous faisons connaissance avec une téméraire enquêtrice de Slovaquie. Peuplé de cinq millions et demi d’habitant, ce pays (indépendant de la Tchéquie depuis 1993) est membre de l’Union Européenne. Policière émérite, Jana Matinova est en poste dans la capitale, Bratislava. Au temps du régime communiste, elle fut mariée à Dano, un comédien de théâtre. Ils eurent une fille, Katka. N’ayant pas craint de défier la police secrète, Dano finit par entrer dans la clandestinité après avoir divorcé.
La carrière de Jana dans la police se fit sous la protection du commissaire Trokan, son supérieur, époux d’une femme au caractère désagréable. Jana parvint à faire sortir Katka de Slovaquie, l’expédiant aux Etats-Unis. Désormais mariée à Jeremy Conrad, diplomate américain, Katka reste en froid avec sa mère. Parents de la petite Daniela, ils vivent à Nice.
Fort peu aidée par son incompétent adjoint Seges, Jana Matinova enquête sur l’accident suspect d’un minibus. Le choc et l’incendie ont causé sept mort. Il y avait six jeunes femmes à bord. Ces prostituées venaient d’Ukraine, sauf une Slovaque que Jana connaissait. L’homme les accompagnant possédait plusieurs identités. L’incendie du véhicule est anormalement tenace, preuve qu’il a été provoqué. Dans l’appartement de l’inconnu du minibus, Jana et Seges trouvent un calepin codé, un peu trop mis en évidence. On découvre le cadavre d’une femme dans le Danube, abattue avant d’avoir été jetée dans le fleuve. Originaire d’Ukraine, elle fut mêlée à un réseau de proxénétisme. Ayant insisté, Jana est autorisée à poursuivre l’enquête à Kiev, où elle a des contacts.
Grâce à ses amis Mikhail et Adriana, elle négocie les infos d’un flic qui possède un night-club. L’inconnu du bus serait un certain Koba. Toutefois, ce n’est pas la première fois que ce type cruel et puissant disparaît. Il resurgit toujours, défiant les polices des pays de l’Est. D’ailleurs, c’est sans doute lui qui provoque peu après l’explosion détruisant le night-club.
De retour à Bratislava, Jana est bien décidée à poursuivre ses investigations, à retrouver ce Koba. Elle doit d’abord se rendre à Strasbourg où, au Conseil de l’Europe, va se tenir une conférence sur le trafic des êtres humains. La déléguée irlandaise Moira Simmons a souhaité y associer la Slovaquie, point de passage de ces trafics-là. Celle-ci avoue à Jana ses motifs personnels de lutter contre l’exploitation des êtres humains.
À Strasbourg, Jana renoue avec son gendre Jeremy, qui suit les débats au nom des Etats-Unis. Délégué français de l’ONU que Jana avait rencontré, Foch a été torturé et poignardé. On suppose que l’ombre de Koba plane sur ce meurtre. Le policier russe Levitin est en France autant pour la conférence, que pour tenter de retrouver la trace de sa sœur Sasha. Elle a disparu alors qu’elle était impliquée dans des milieux mafieux. Pour Jana, outre son chef Trokan et ses amis de Kiev, Levitin est certainement le seul allié fiable. Ensemble, ils se rendent à Nice, sur la piste de l’impitoyable Koba. Il n’est pourtant pas leur seul adversaire…
Une enquêtrice slovaque, voilà qui n’est pas courrant, disons-le. Cette première aventure de Jana Matinova possède de multiples qualités. Américain connaissant plutôt bien le contexte européen, Michael Genelin évite l’accumulation de clichés sur nos régions. Certes, Nice est un décor facile, mais sympathique. Strasbourg et même Ribeauvillé, en Alsace, rivalisent ici avec Bratislava et Kiev. Surtout, on nous rappelle que la Slovaquie est un pays qui, en effet, a besoin du soutien de l’Europe et de l’ONU pour assurer son avenir. À travers les déboires du couple Jana-Dano, on évoque également le passé communiste, pesant lourdement sur la vie des citoyens de l’Est.
Le vécu de l’héroïne et sa compétence lui offrent une véritable personnalité, entre froideur professionnelle, relation de confiance ou proximité humaniste selon les cas. Quant à Koba, l’homme au teint bronzé, sa silhouette menaçante accompagne le récit, en filigrane. On nous donne aussi de bonnes occasions de sourire. Grâce au bienveillant commissaire Trokan, affublé d’une hystérique épouse; ou en ironisant sur le policier Seges, qui n’a aucun instinct d’enquêteur. Un scénario fluide, une intrigue riche en péripéties, pour un excellent moment de lecture !