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Certainement un des plus célèbres incipit de la littérature française :
“En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne.
C’était un vieillard d’environ soixante-quinze ans. Il occupait le siège de Digne depuis 1806. Quoi que ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce que nous avons à raconter, il
n’est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour être exact en tout, d’indiquer ici les bruits et les propos qui avaient couru sur son compte au moment où il était arrivé au diocèse. Vrai ou faux,
ce que l’on dit des hommes tient souvent autant de place dans leur vie et surtout dans leur destinée que ce qu’ils font…”
Dans les trois mille pages qui suivent, le lecteur va côtoyer Jean Valjean, Fantine, sa fille Cosette, le couple Thénardier, leurs filles Éponine et Azelma, leur frère cadet Gavroche, le policier Javert, le révolté Enjolras, le père Fauchelevent, le romantique Marius, son grand-père M.Gillenormand, et bon nombre d’autres personnages. Ce roman magistral entraîne le lecteur dans le quotidien de la France jusqu’en 1833, à la suite d’un ancien bagnard devenu M.Madeleine à Montreuil-sur-Mer, éternellement pourchassé, recueillant à Montfermeil l’orpheline maltraitée Cosette, devant plus tard se cacher à l’abri d’un couvent, l’intrigue nous menant jusqu’aux barricades révolutionnaires, et même dans les glauques sous-sols parisiens.
Si beaucoup n’en gardent pas forcément de bons souvenirs, nous avons tous globalement cette histoire en mémoire. Victor Hugo, grand classique : l’étude scolaire et partielle de cette œuvre ne favorise pas une lecture plus détaillée. On a tort de ne pas chercher à redécouvrir ce magnifique roman. Pour ma part, c’est vers l’âge de trente ans que m’est venu l’envie de relire “Les Misérables”, en vrai lecteur et non pour étudier ce livre. Cette fois, prenant le temps d’apprécier autant le style que l’intrigue, j’y ai trouvé un réel plaisir. Des passages, tel celui de l’Éléphant de la Bastille avec Gavroche et le jeune Montparnasse, prenaient bien davantage de sens dans un contexte plus complet qu’à première lecture. L’état d’esprit général, dans cette France encore héritière de la Révolution et de l’Empire, m’apparut mieux compréhensible. Quant au sort des protagonistes, pour l'essentiel issus de milieux modestes voire très pauvres, il me sembla plus clair. Oui, une relecture de ce livre avec une maturité d’adulte lui offre un autre charme.
Publié au printemps 1862, “Les Misérables” a cent cinquante ans. Il est désormais disponible en format Point2, en deux tomes. Ça me parait une bonne initiative, et surtout une excellente occasion de se replonger dans les mésaventures de Jean Valjean et des héros créés par Victor Hugo. Est-ce qu’on s’éloigne tellement du polar ? Il y a bien un repris de justice en fuite et un policier tenace à ses trousses. Mais c’est évidemment par son témoignage, humaniste, historique et social, que ce pilier de la littérature se rapproche du roman noir. Ne nous contentons pas des quelques films ou comédies musicales adaptées de ce livre. N’hésitons pas à relire “Les Misérables”, œuvre assurément plus passionnante qu’on ne l’a cru quand nous étions scolaires.