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18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 11:26

 

Thompson-1J’ai récemment chroniqué "Le démon dans ma peau", de Jim Thompson. Plusieurs habitués se sont interrogés sur les futures traductions concernant ce romancier, qui figure au Panthéon des auteurs de romans noirs.

Notre ami traducteur Pierre Bondil répond à leurs questions :

« Bonjour

Je confirme que quatre des romans de Jim Thompson sont passés chez Rivages et qu'ils devraient paraître en deux lots, le premier au plus tôt en juin 2012 (mais quand on attend depuis des années une traduction intégrale débarrassée de l'argot série noire, ce n'est plus "une aussi longue absence"). Les cinq autres (il y en avait neuf en série noire) suivront très vraisemblablement.

Il s'agit de retraductions intégrales et non de replâtrages (contrairement à ce qui a été fait chez Gallimard jusqu'à présent, pour les Chandler ou pour Chester Himes, par exemple). En ce qui me concerne, comme pour Hammett, ce sera une traduction car je ne relirai (je ne relis) pas la traduction antérieure, tant pis si à l'occasion je perds des solutions meilleures que les miennes, au moins je ne suis pas influencé et ne risque pas le plagiat.

Je suis en ce moment sur "The Getaway" ("Le lien conjugal") et Jean-Paul Gratias travaille en parallèle sur "The Killer Inside Me" ("Le Démon dans ma peau"). Le mien est à la troisième personne du singulier, d'où le choix du passé simple en français, le sien à la première personne d'où le choix du présent de narration. Peut-être reviendrons-nous sur ces choix en cours de route. En ce qui me concerne je suis pour l'instant très surpris et déstabilisé par le nombre de mots très longs, la présence envahissante d'adverbes (avec la terminaison en -ment, en français, ça ne va pas passer) et la grande recherche de vocabulaire.

On verra bien, mais je n'avais plus traduit de Thompson depuis vingt-cinq ans ("Libération sous condition", "Recoil", n°1 Rivages/Noir, et "Un Nid de crotales", "The Trangressors", n°12) et ce n'est pas le souvenir que j'en avais gardé. De toute façon, je suis heureux d'être à nouveau en compagnie du grand Jim. Un jour, je reverrai peut-être ces deux textes vieux de vingt-cinq ans...»

Un grand merci à Pierre Bondil pour ces précisions.

Thompson-2

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commentaires

J
J'aime aussi Charles Williams. Je me rappelle avoir dévoré "The Catfish Tangle" (paru aussi sous le titre "River Girl"). Quand j'ai jeté un coup d'oeil à la version S.N. ("Bye-bye bayou!"),<br /> l'ampleur des coupes m'a consterné. Heureusement, ce titre-là de Williams est tombé dans le domaine public, ce qui a permis à Rivages de le faire retraduire. On le trouve sous le titre "La fille<br /> des marais".
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C
<br /> <br /> Il est exact que dans "Bye bye bayou", excellente histoire, on devine certaines coupes et raccourcis assez flagrants. Il faudra que je compare avec "La fille des<br /> marais", ce que je n'ai encore jamais fait (bien qu'ayant les deux titres).<br /> <br /> <br /> A bientôt. Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonjour et merci pour votre réaction.<br /> Permettez-moi de vous donner un exemple de ce que la S.N. se permettait de couper chez Thompson et d'autres auteurs.<br /> Dans "Le démon dans ma peau", le chapitre 13 commence ainsi :<br /> « Tout paraissait normal. »<br /> <br /> Dans le roman de Thompson, cette phrase est précédée par 3 paragraphes que je vous livre ici même :<br /> <br /> « Il m’arrive, parfois, de traîner en ville, adossé à la devanture d’un magasin, mon chapeau repoussé en arrière, une botte passée derrière la cheville de l’autre jambe — ma foi, vous m’avez sans<br /> doute vu si vos pas vous ont mené dans cette direction —, et de rester comme ça, avec la tête d’un gars gentil, sympa, stupide, un type qui n’oserait jamais pisser dans son pantalon si celui-ci<br /> prenait feu. Et pendant tout le temps où je reste là, intérieurement, je hurle de rire — rien qu’en regardant passer les gens.<br /> Vous voyez ce que je veux dire — les couples, les hommes et leurs épouses que vous voyez se promener côte à côte. Les femmes grandes et grosses, les maris petits et chétifs. Les épouses minuscules<br /> et les grands costauds bedonnants. Les conjointes à mâchoires de cheval, les petits maris aux mentons fuyants. Les phénomènes aux jambes arquées, les prodiges aux genoux cagneux. Les… Je ris —<br /> intérieurement, bien sûr — jusqu’à en avoir mal au ventre. C’est presque aussi comique que de débarquer dans un banquet de la Chambre de commerce au moment où un bonhomme se lève, se racle la gorge<br /> deux ou trois fois, et déclare : « Messieurs, on ne peut attendre de la vie qu’elle nous apporte davantage que les sacrifices que nous consentons pour elle… » (Quel est l’intérêt d’énoncer ce genre<br /> de platitude ?) Et je crois que ces gens que je regarde — ces êtres mal assortis — ne sont pas un sujet de dérision. En réalité, ils sont tragiques.<br /> Ils ne sont pas stupides, pas plus que la moyenne, en tout cas. Ils ne se sont pas liés les uns aux autres pour faire ricaner les plaisantins comme moi. La vérité, il me semble, c’est que la vie<br /> leur a joué un sale tour de la pire espèce. Il y a eu un instant de leur existence, l’espace de quelques minutes peut-être, où toutes leurs différences ont semblé s’effacer — alors, chacun a été<br /> exactement ce que l’autre désirait : lorsqu’ils se sont regardés au bon moment, au bon endroit et dans les meilleures circonstances. Et tout fut parfait. Ils ont partagé ce moment — ces quelques<br /> minutes — et ils n’en ont jamais connu d’autre. Mais tant qu’il a duré… »
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C
<br /> <br /> Bonjour Jean-Paul<br /> <br /> <br /> En effet, Thompson se contente de décrire la vie "normale" d'une petite ville américaine, pas de quoi perdre trente lignes ou trois paragraphes avec ça !  Coupons, élaguons !<br /> <br /> <br /> La Série Noire a trop largement abusé de ces raccourcis. Je veux croire que d'autres collections le faisaient moins systématiquement. Dans "Concerto pour l'étrangleur" de William Irish<br /> (traduction F.de Bardy, 1956, coll.Un Mystère), on trouve ce passage :<br /> <br /> <br /> "Le quai de la gare était vide. Une vague lanterne à chaque extrémité, sous le toit vitré, projetait un faible rond de lumière jaunâtre. Prescott faisait les cent pas depuis sept à huit minutes.<br /> Sa valise était par terre sur le bord du quai. Il s'arrêtait, allumait une cigarette, la jetait presque en même temps que l'allumette. Puis il recommençait son va-et-vient..."  (p.176). Je<br /> présume que ce serait devenu chez Série Noire : "Prescott attendait en fumant nerveusement sur le quai de la gare". 1/2 ligne au lieu de quatre.<br /> <br /> <br /> Moi qui vénère (aussi) Charles Williams, j'ose espérer qu'il ne subissait pas autant de coupes. Mais je suppose qu'il n'y échappait pas, comme les autres.<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonjour,<br /> Je viens de lire l'article de mon ami Pierre Bondil et j'y ajoute mon grain de sel. J'ai rendu chez Rivages ma retraduction de "The Killer Inside Me" et je vous livre un constat accablant : la<br /> première édition française ("Le démon dans ma peau"), souvent rééditée, et récemment pour la sortie du film (septembre 2010), est sauvagement amputée. Il manque précisément 24% du texte original.<br /> C'est à dire qu'avec la mise en page du Série Noire n° 1057, il faudrait rajouter 71 pages pour le texte intégral.
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C
<br /> <br /> Bonjour Jean-Paul. Permettez-moi de vous appeler Jean-Paul, puisque je me sens familier avec quelqu'un dont j'ai lu bon nombre de traductions.<br /> <br /> <br /> Il est vrai qu'à la lecture, on sent déjà un ou deux passages manquants - à cause de douteuses transitions. Ce qui ne nuit pas strictement au déroulé de l'histoire<br /> (on suppose que Marcel Duhamel et les traducteurs d'alors y veillaient). Mais, en bonne logique, autant que le lecteur français dispose de la version intégrale, la plus proche du texte<br /> original.<br /> <br /> <br /> 71 pages de différence, près d'un quart du texte, c'est effectivement énorme !<br /> <br /> <br /> On attend avec (im)patience cet automne pour découvrir la version définitive... Merci.<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
D
bien bien
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C
<br /> <br /> Quelle sobriété, Holden !<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Oui, incontestablement..
Répondre
C
<br /> <br /> J'ajoute à la réponse de Pierre Bondil que, selon Patrick Raynal, Marcel Duhamel n'aimait pas les romans de Jim Thompson. Heureusement, il était assez<br /> intelligent pour comprendre leur qualité. Quitte à massacrer (ou laisser massacrer) les traductions, comme nous le savons.<br /> <br /> <br /> Amitiés à tous deux.<br /> <br /> <br /> <br />
P
À moins d'être aveugle (à cause des oeillères associées au préjugé du genre) ou un bien piètre lecteur, quiconque lit Jim Thompson en anglais voit tout de suite qu'il s'agit d'un des très grands<br /> romanciers américains. Alors bien sûr, l'ayant découvert et traduit, la Série Noire l'a révélé. Mais en même temps elle l'a massacré, et ce n'est que grâce à la vision de l'Amérique (et de l'être<br /> humain) qu'impose Thompson (ou Goodis, ou Cornell Woolrich alias William Irish), et assurément pas en raison de son style, car il est, lui, passé à la trappe, que ses écrits ont survécu à pareil<br /> traitement. Qu'est un écrivain sans son style, le fond sans la forme, les mots assemblés sans leur musique, les phrases sans leur rythme ? Que reste-t-il de l'identité et de l'originalité d'un<br /> écrivain à qui on a plaqué la voix d'un autre, une voix collective formatée et appliquée à tous les auteurs d'une époque et d'un "genre" ? Les Horace McCoy et autres James Cain n'ont-ils pas<br /> rapporté suffisamment d'argent à la maison Gallimard pour qu'elle finance une nouvelle traduction ? Si la réponse est non, je considère qu'il est juste, aujourd'hui, qu'elle perde ces auteurs.<br /> Pierre
Répondre
C
<br /> <br /> Merci de cette réponse, Pierre.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Peut-être parviendrons nous à considerer Jim Thompson comme un grand romancier classique, et finalement, si on le considère comme un maitre du polar, n'est-ce pas un peu grâce à ces traductions<br /> formatées?
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C
<br /> <br /> Cédons la parole à Pierre Bondil, pour répondre à l'ami Eric...<br /> <br /> <br /> <br />
P
Bonjour à tous, avec toute mon admiration pour le travail que vous faites sur vos blogs respectifs. Thompson et certains autres (James M. Cain) ont une telle puissance évocatrice et sont si proches<br /> de la réalité de leur époque qu'ils ont survécu à l'inquisition pratiquée à la mode de la rue Sébastien-Bottin (et ailleurs comme le rappelle si bien Claude), celle qui sévissait à la grande époque<br /> de la Série Noire (car ils ont découvert les textes et les auteurs, loués soient-ils : ce qui n'est pas louable, en revanche, c'est d'avoir exploité pendant des décennies un texte dont on sait<br /> qu'il est volontairement infidèle, et de continuer à le faire aujourd'hui). Cain a été découvert, par exemple, mais il est plus que contestable de trouver dans le premier paragraphe de "Le Facteur<br /> sonne toujours deux fois" une surtraduction stupide et un monstrueux contre-sens ! Entre autres.<br /> Très amicalement.<br /> Pierre
Répondre
C
<br /> <br /> Merci Pierre pour cette réaction complémentaire.<br /> <br /> <br /> Sans vouloir parler au nom d'autres blogueurs, beaucoup d'entre nous ont une principale motivation : partager notre passion du polar et du roman noir. Et, quand<br /> c'est possible, faire découvrir/faire émerger des "talents actuels". Pour ma part, ma "culture polar" incluant aussi bien Dashiell Hammett que Frédéric Dard, c'est dire que le panel d'auteurs est<br /> large. J'éprouve autant de plaisir à récemment évoquer "Le boucher de Chicago" de Robert Bloch, même si ce n'est pas un roman majeur, qu'à consacrer cinq articles à Marin Ledun (Trophée 813 cette<br /> année) en deux ans. Vous êtes toujours le bienvenue ici, Pierre...<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
O
Bonjour Claude<br /> Tu ne pouvais dire mieux concernant Thompson, Duhamel et la Série Noire qui pourtant étaient des références. Maintenant il ne nous reste plus qu'à attendre les traductions nouvelles de Pierre<br /> Bondil et Jean-Paul Gratias.<br /> Amitiés
Répondre
C
<br /> <br /> Salut Paul<br /> <br /> <br /> Je copie ci-dessous une réponse que j'ai faite à Pierre Bondil, dans un autre commentaire (concernant "La bête de miséricorde" de Fredric Brown). L'anecdote<br /> s'applique ici aussi :<br /> <br /> <br /> "On incrimine toujours Marcel Duhamel, mais il ne fut pas le seul massacreur de traductions.<br /> <br /> <br /> Le regretté Brice Pelman m'a jadis raconté que Pierre Nord était intraitable : les traductions de sa collection "L'aventure criminelle" chez Fayard devaient tenir en<br /> 220 pages maxi. Or, les romans d'un Andrew Garve ou d'un Bruno Fischer étaient nettement plus "copieux" que ça. Comme l'opération se faisait en deux temps, Nicolette l'épouse de Brice<br /> Pelman/Pierre Darcis assurant la stricte traduction, il s'arrangeait pour ne pas "perdre" trop de passages. Sachant que, dans le même temps, il fallait tant soit peu améliorer le niveau de<br /> ces romans bien foutus mais au style assez plat, c'était évidemment d'une grande difficulté."<br /> <br /> <br /> Je suis très heureux que Pierre Bondil nous informe de ces traductions... à venir !<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
Y
Il a laissé aussi un com' sur mon blog qui m'a vraiment fait plaisir car les trad de Thompson par Duhamel, c'est un crime de n'avoir que ça à disposition !
Répondre
C
<br /> <br /> Bonjour Ys<br /> <br /> <br /> J'ai trouvé dommage de laisser le message de Pierre Bondil, qui nous donne des infos fort intéressantes, dans l'ombre des commentaires. Ainsi, que tout le monde en<br /> profite !<br /> <br /> <br /> Le formatage version Marcel Duhamel fut souvent désespérant. Non pas sur les auteurs communs (car quelques daubes sont quand même au catalogue Série Noire), mais<br /> lorsqu'il s'agit de romanciers majeurs. A ce titre, oui, ces traductions nouvelles sont bienvenues.<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

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