C’est aux éditions Noir Délire que Jean-Pierre Ferrière nous propose son nouveau titre, “Dérapages”. Intéressons-nous à la principale histoire de ce livre, qui comporte aussi quatre autres nouvelles…
Françoise Delmas est âgée de quarante-deux ans. Elle mène une vie monotone. Son mari Roger s’occupe du bistrot Les Camélias, dans le 15e arrondissement de Paris.
Françoise y tient la caisse, en soirée. Ils ont une fille de dix-huit ans, Julie. Rien ne semble pouvoir modifier la destinée sans fantaisie de Françoise. Un soir au bar, une altercation oppose
la jeune Catherine Bouvier à Jean-Marc, amant violent ayant oublié de lui dire qu’il était père de famille. L’incident énerve Roger et amuse Françoise. Celle-ci prend le parti de cette cliente
éméchée, et décide de la raccompagner chez elle, rue Mademoiselle.
La perspective d’accompagner sa belle-mère dans quelques jours au Père-Lachaise pour un pèlerinage annuel n’enchante gère Françoise. Les extravagances de Catherine, et les fréquentes sorties avec sa jeune amie, lui apportent bien davantage de distractions. Elle finit par s’installer au domicile de Catherine, provisoirement. Julie explique à son père que sa mère, trop confinée dans leur univers jusqu'à là, a certainement besoin de respirer. Elle apporte un peu d’argent à Françoise, pour en profiter. La vie de Catherine Bouvier n’est pas sans cacher quelques mystères. Rencontres avec des hommes distingués, tel le nommé Maxime, pour lesquelles Françoise se rend complice en la remplaçant.
Quand elles apprennent la disparition de Jean-Marc, l’amant virulent, Catherine et Françoise partent à sa recherche du côté de Honfleur. C’est chez la mère de celui-ci qu’elles espèrent trouver des indices. Françoise garde encore le contact avec sa famille, Mais il est plus excitant pour Catherine et elle de s’occuper du restaurant d’un ami homo, dans le Marais. Et quand se présente l’opportunité de voyager, d’abord jusqu’à Saint-Tropez avant un projet vers New York, les deux amies ne s’en privent pas. C’est l’occasion pour Françoise d’aventures inattendues. Cette nouvelle vie, si différente de celle qu’elle a connu, elle n’a pas de raison de la laisser lui échapper…
Outre Françoise et Catherine, d’autres femmes aux destins perturbés sont les héroïnes des quatre textes suivants de ce livre. Constance, dans “Retour à la nuit tombée”, Murielle dans “Quelque chose m’est arrivé dans le métro”, Florence dans “Le passé décomposé” et Valentine dans “Larmes du crime”. Entre passé et présent, amours et drames, elles sont aussi confrontées aux aléas qui peuvent faire basculer un vie, peut-être dans la noirceur.
Jean-Pierre Ferrière écrit des romans depuis cinquante-cinq ans. Il a connu de multiples succès, autant comme auteur qu’en tant que scénariste. C’est dire qu’il n’a plus rien à prouver. Il espère seulement donner une chance à ses titres les plus récents. Et montrer une autre facette de son talent, grâce à ces nouvelles. D’ailleurs, “Dérapages” est plutôt un roman court, illustrant ce glissement vers des situations incertaines, un de ses thèmes favoris. Qu’on ne cherche pas des scènes-choc, un hyper-réalisme tapageur. Chez l’intemporel Jean-Pierre Ferrière, la psychologie se suggère, les faits arrivent sans fracas.
Et les femmes sont toujours au cœur de ces moments dont on ne peut deviner l’issue. Par exemple, un incident avorté dans le métro, plus la curiosité de la victime, cela nous donne une nouvelle d’une belle finesse. Une pièce de théâtre, dans laquelle joua une ancienne actrice, peut entraîner des révélations à posteriori très troublantes. La subtilité n’est pas un vain mot dans l’œuvre de cet auteur. Une longue histoire, quatre autre plus courtes : cinq occasions de savourer le talent intact d’un de nos excellents romanciers populaires.