Le nouveau roman de Jean-François Coatmeur, “Une écharde au cœur” (Albin Michel, 2010), vient de paraître dans la collection Spécial-Suspense. Inutile d’ajouter des superlatifs élogieux quand on évoque cet auteur magistral, "hors catégorie" puisque son talent est universellement reconnu. Voici un modeste résumé, pour une intrigue bien plus riche qu'on ne pourrait l'exprimer.
Disculpé par un non-lieu, le quadragénaire Gwen Malinec est libre après deux ans et demi de prison. Il reste en contact
avec sa compagne Nicole, qui s’occupe de leur fille Justine. Il est préférable que Gwen ne revoit pas Antoine, 17 ans, fils adoptif de Nicole, à cause de qui il fut incarcéré. C’est dans la
maison de sa défunte mère, à Pouldavid près de Douarnenez, que Gwen va s’installer avec son chien Argo. Alors qu’il approche de sa destination, une ombre fantomatique surgit dans la nuit. Ayant
été agressée alors qu’elle se baignait dans une crique voisine, une jeune femme cherche du secours. Gwen accepte d’héberger Mara, 28 ans. Sa première version des faits apparaît douteuse. En
effet, elle oublie volontairement de préciser qu’elle se trouvait cette nuit-là avec son amant Yvan. Gendre d’un puissant élu local, celui-ci n’est pas intervenu. Croyant que Mara s’est noyée, il laisse toutefois un
ultime message sur son répondeur.
Ayant été averti qu’Antoine a fait une fugue, Gwen pousse Mara à lui confier la vraie version de sa mésaventure. Elle possède peu de renseignements sur Yvan, sauf qu’il est vaguement prof de dessin. Ce n’est pas lui qui l’a agressé dans l’eau, Mara en est certaine. Elle finit par admettre avoir été contactée par un inconnu, afin de piéger son amant. À la fois, elle fut contrainte d’accepter car on menaçait son fils hospitalisé, et elle ne pouvait refuser la jolie somme promise. Ce qui n’explique pas pourquoi c’est elle qui a été victime d’une agression. Par son ancien instituteur, Gwen envisage l’éventualité qu’Yvan soit un de ses ex-copains de classe. Mais il ne trouve aucune trace de lui dans les annuaires. Si Yvan n’apprécie guère ses beaux-parents, il s’entend bien avec sa belle-sœur. Celle-ci laisse entendre qu’Anne-Claire, l’épouse d’Yvan, pourrait être intime avec Ludo, le chauffeur de son beau-père. Un indice semble confirmer la chose.
Septuagénaire, Guillaume fut le voisin et l’ami de Gwen. Aujourd’hui en maison de retraite, il réclame avec insistance que Gwen et Nicole lui rendent visite. Son état frisant le délire inquiète le couple, qui ne comprend pas sa manière de les rejeter. On est toujours sans nouvelle du jeune Antoine. À l’occasion d’une fête familiale, Yvan marque sa différence avec l’état d’esprit bourgeois des parents de son épouse. De retour à Pouldavid, Gwen cherche à rencontrer le beau-père d’Yvan, absent à cause des élections qui approchent. Gwen renoue avec spn copain d’enfance Yvan, lui révélant tout ce qu’il sait au sujet de Mara. À l’abri chez Gwen, elle ne risque sans doute rien. Pourtant, Gwen sent une menace autour d’eux. Néanmoins, il ne se méfie pas assez quand, par un subterfuge, on l’éloigne de sa maison…
Il ne viendrait à l’idée de personne de contester la qualité supérieure d’un roman de Jean-François Coatmeur. Ses suspenses se savourent pour plusieurs raisons. La densité de l’intrigue constitue évidemment le premier atout. Il le démontre une fois de plus ici. Grâce à des personnages complexes aux secrets inexprimés, grâce à des situations gardant une large part d’ombre, le lecteur avance sur un chemin incertain. L’auteur est le seul maître du labyrinthe où il nous a entraînés. Toutefois, il ne suffit pas d’être bon scénariste, la littérature policière n’en manque pas. Ce qui envoûte chez Coatmeur, c’est la précision de l’écriture, la volupté du vocabulaire, la phrase qui décrit en quelques mots, le soin du détail essentiel ou furtif, le décor subtilement installé, la scène qui situe aisément tel protagoniste. Tout ceci, qui nous permet de visualiser l’histoire, ne comporte pas la moindre lourdeur. Au contraire, le récit intense reste fluide en permanence. C’est un réel bonheur de lecture, tout simplement. Soulignons que “Une écharde au cœur” se passe principalement à Pouldavid, où Coatmeur est né en 1925.