Frederick Forsyth : L'Afghan

Dans l'actualité internationale, la mort de Ben Laden offre l'occasion de revenir sur un roman d'action traitant du terrorisme islamique : "L'Afghan" de Frederick Forsyth fut publié en 2007 chez Albin Michel, puis chez Le Livre de Poche...

"Al-Isra", le voyage symbolique du Prophète, désigne un projet terroriste d’Al-Qaïda. Les services secrets anglo-américains analysent cette information. Pour en savoir plus, il leur faut un espion capable d’infiltrer l’organisation de Ben Laden. Cet homme, c’est le colonel anglais Mike Martin. Aujourd’hui retraité, ce baroudeur a appartenu à l’élite de l’armée. Des Malouines à l’Afghanistan, il a participé à toutes les guerres.

Martin doit se substituer à Izmat Khan, prisonnier à Guantanamo depuis cinq ans. Ce patriote afghan se battit au côté du commandant Massoud. Le jihad d’Al-Qaïda n’était pas son combat. Mais un jour, un missile américain détruisit son village et sa population. Izmat Khan rejoignit les Talibans, se comportant en héros jusqu’à la fin.

Après une préparation incluant les moindres détails, Mike Martin prend la place de l’Afghan que l’on renvoie dans son pays. Le vrai Izmat Khan est détenu dans un chalet isolé aux Etats-Unis. "Evadé" dès son arrivée, Martin joue au fugitif, du Pakistan aux Emirats Arabes. Le Dr Al-Khattab vérifie l’identité du prétendu Izmat Khan, dont la réputation reste héroïque. Ben Laden lui-même confirme une anecdote authentifiant Izmat Khan. Il recommande de l’associer au projet "Al-Isra". Martin en ignore encore la nature.

Un navire de commerce parfaitement en règle a été affrété par un membre d’Al-Qaïda. Un autre bateau est piraté : maquillé, il remplace le premier, navigant en toute légalité. Martin réussit à alerter les services secrets. Ceux-ci pensent qu’un pétrolier détourné risque d’exploser sur le canal de Suez ou de Panama, ou qu’un grand port occidental est visé. Malgré une enquête internationale, rien ne prouve que l’hypothèse soit juste.

C’est sur le paquebot Queen-Mary II, entre New York et Southampton, que se déroule le G 8. Le navire des terroristes transporte un carburant qui, en explosant, détruirait tout à cinq miles autour. Martin comprend que l’objectif de cette bombe flottante est le paquebot... 

Frederick Forsyth est un maître du roman d’espionnage. A travers le parcours de ses deux héros, il retrace la complexe situation géopolitique depuis un quart de siècle. C’est l’optique d’un Anglais, mais l’explication clarifie le contexte des années 2000. Puis vient l’action, l’infiltration dans les réseaux obscurs de la nébuleuse d’Al-Qaida. Bien que l’opération terroriste en cours soit décrite, le suspense demeure intense. L’auteur est aussi précis sur la technologie des services secrets, dont l’efficacité n’interrompt pas le processus lancé par l’ennemi. Solide, documenté, mouvementé, un roman d'action efficace.

Comments

[Serge 31]

Salut Claude.
Merci à toi (et à Paul) pour ces réminiscences régulières du Fleuve Noir d'antan. Les espionnages de Rank avaient un sous-titre, "Le monde en marche". Tout un programme! Mais je préférais les
Coplan, du moins ceux écrits jusqu'à la fin des années 70. Bien sûr Arnaud, toutes époques confondues, dominait le lot. Les tentatives plus isolées de Jean Mazarin et Julien Sauvage méritent aussi
le détour. Bien sûr, ces romans n'avaient pas le souffle (et ne le revendiquaient d'ailleurs pas) des thrillers à la Forsyth, mais, souvent, quel plaisir de lecture... Et, naturellement, une pensée
émue au regretté Gourdon.
Amitiés.

[Claude LE NOCHER]

Salut Serge,


Bien qu'un peu bousculé par la quantité de nouveautés parues depuis ce début d'année, je compte bien reparler de notre cher Fleuve Noir d'antan dans les semaines à
venir. Quand tu évoque le "souffle des thrillers", il est vrai que c'est avec une économie de moyens et d'effets que les auteurs bâtissaient alors leurs intrigues. Et pourtant, le scénario était
passionnant, agité, bien construit. Coplan, Le Commander, et tant de ces héros ne quittent guère notre mémoire. Tout comme l'admirable Gourdon.


Amitiés.

[Pradier]

Un roman décevant de Forsyth qui a sorti de fantastiques thrillers d'espionnage. On l'impression parfois que certains auteurs perdent de la fraîcheur et répondent aux clauses de leur contrat et
font le job sans mettre la vibration d'anciens romans, on l'a vu avec Mankel, Connelly et bien d'autres.
On se demande parfois si vous avez vraiment lu les livres dont vous parlez, l'Afghan est visiblement un livre bradé aux exigences de production.

[Claude LE NOCHER]

Bonjour... Que F.Forsyth ait écrit des romans plus à votre goût, "de fantastiques thrillers d'espionnage", je peux le comprendre. Que le scénario (que vous
estimez "bradé aux exigences de production") ne vous plaise pas, c'est votre avis que je respecte...


Par contre, les précisions que je donne toujours sur la ligne de l'histoire suffisent à indiquer que je ne parle que de romans lus en intégralité. Je pensais même
que cette question ne se posait plus depuis longtemps. J'ai bien aimé ce roman d'action, comme il m'arrive d'apprécier des romans noirs ou d'enquête, selon mon humeur.


Pour sourire, si vous m'avez confondu avec des blogs qui, eux, survolent les intrigues ou se contentent des 4e de couvertures, je vous pardonne.


Amitiés.

[Oncle Paul]

Bonjour Claude
F. Forsyth et d'autres auteurs se nourrissent de l'actualité pour écrire leurs romans d'espionnage/thriller. Et cela demande beaucoup de documentation. Cela me fait penser à nos auteurs des
collections Espionnage, du Fleuve Noir en particulier, qui piochaient dans les troubles mondiaux. Arnaud bien sûr mais aussi Claude Rank. Voir à ce propos Benghazi, au diable, du dit Rank, et si
j'avais le temps je le relirai bien pour me remémorer l'intrigue et voir si elle est en adéquation avec notre époque, quarante ans plus tard.
Amitiés

[Claude LE NOCHER]

Salut Paul,


En ce temps-là, la Guerre Froide permettait d'imaginer les intrigues d'espionnage les plus rocambolesques, mais en se servant de la situation géopolitique d'alors.
La plupart des auteurs restaient plutôt dans un schéma Est-Ouest. G.J.Arnaud a, lui, souvent utilisé les dégâts collatéraux, les dérapages fachistes ou sectaires, les trafics, liés à
l'espionnage. G.Morris-Dumoulin faisait du roman d'aventure avec prétexte espionnage. L'analyse de fond était souvent mince dans toutes ces histoires, mais parfois les auteurs n'étaient
sûrement pas loin de la réalité de leur époque. Aujourd'hui, on mêle effectivement des recettes thriller au pur espionnage. Je me demande si ce n'est pas plus "visuel" que "roman", autrement dit
plutôt destiné au cinéma d'action.


Amitiés.