"David S.Khara, un nom à retenir !" Cette formule peut sembler facile, pourtant c’est le cas de cet auteur. Publié par les libraires rennais des éditions Critic, son roman “Le projet Bleiberg” a connu un énorme succès, une véritable adhésion des lecteurs. Aujourd’hui, David S.Khara participe à l’écriture d’un projet cinéma, auprès d’un metteur en scène confirmé, Alain Berbérian (réalisateur de “Six-Pack”, d’après le roman de J.H.Oppel). Le 19 mai 2011, David S.Khara publie chez Michel Lafon une version réécrite et affinée de son tout premier roman, “Les vestiges de l’aube”. En avant-première, il a accepté de répondre à quelques questions.
Revenons d’abord sur le succès auprès du public pour votre roman “Le projet Bleiberg”. Le soutien de Gérard Collard et de divers chroniqueurs, un bon bouche-à-oreille surtout via Internet, et un peu chance : est-ce l’explication de ces ventes ?
David S.Khara : La conjonction des éléments que vous citez explique en effet le succès de “Bleiberg”, même si j’ai depuis longtemps renoncé à essayer de comprendre les mécaniques de ce succès…(Rires). Il est évident que Gérard Collard et Marina Carrère d’Encausse ont joué un rôle capital. Ce que j’aime particulièrement dans cette aventure, c’est que “Bleiberg” doit son succès aux libraires et aux lecteurs. Le budget marketing du livre doit approcher les trois cents euros. On ne pourra pas accuser Critic [l’éditeur] d’avoir donné dans le matraquage publicitaire !
Je ne me risquerai pas à décortiquer ce succès, mais il démontre que dans le monde de l’édition, les surprises sont possibles et même un petit éditeur et un auteur inconnu peuvent émerger. C’est là le vrai encouragement qu’il faut voir dans cette aventure.
Votre actualité de mai 2011, c’est de nouveau “Les vestiges de l’aube”. Quand nous en avons discuté, j’ai bien cru comprendre que votre premier roman écrit vous tenait particulièrement à cœur ?
David S.Khara : En effet, j’ai pour Werner et Barry une affection toute particulière qui s’explique très simplement. J’ai créé “Les vestiges” sur une période de cinq ans, et les deux héros n’ont cessé de m’accompagner tout au long de ces années.
Mais je pourrais aujourd’hui vous dire la même chose concernant Eytan Morg. J’aime mes personnages, autant pour leurs défauts que leurs qualités. D’ailleurs, c’est peut-être une autre raison du succès du “Projet Bleiberg”. De très nombreux lecteurs m’ont fait part de leur attachement aux protagonistes. Inutile de vous dire à quel point cela me fait plaisir !
“Les vestiges de l’aube” reste mon premier roman. Il a signé mon entrée dans un monde dont j’ignorais tout et m’a permis de faire de fantastiques rencontres. Je pourrais citer pas mal de monde, auteurs, lecteurs, libraires, mais la liste serait trop longue. Je ne parlerai donc ici que de Philippe Ward [créateur de la collection Rivière Blanche] qui m’a appris ce qu’être écrivain signifiait et qui m’a fait travailler et progresser. De ce point de vue, je lui dois tout.
Alors, oui, “Les vestiges de l’aube” aura toujours un écho particulier.
Comment votre roman se retrouve-t-il maintenant publié chez Michel Lafon ? Il va bénéficier désormais d’une plus large diffusion, vous l’espériez ?
David S.Khara : Honnêtement ? Non ! (Rires) Je ne m’attendais déjà pas au succès de “Bleiberg”, ni même de la première version des “vestiges de l’aube”; alors recevoir un appel de Michel Lafon en personne était pour le moins inattendu… Nous nous sommes rencontré à Rennes et nous avons évoqué les possibilités de collaboration. Laetitia Amar, la directrice de collection a lu les “Vestiges” et s’est laissée entraîner dans l’histoire. Mais nous ne souhaitions ni les uns ni les autres ressortir le même roman que celui édité chez Rivière Blanche. J’avais envie d’aller plus loin dans ma vision des personnages, d’en donner plus au lecteur, et que le roman puisse globalement progresser. Je me suis donc attelé à une nouvelle version dans laquelle j’ai repris le style, rajouté des chapitres, réécris des chapitres existants, un vrai travail de fond.
Aujourd’hui je ne suis pas mécontent du résultat et surtout, je pense délivrer une version plus aboutie.
Je tiens à préciser que j’ai donné mon accord à Michel Lafon après avoir reçu la bénédiction de Philippe Ward et de Rivière Blanche. Mais, après tout, Rivière Blanche édite de jeunes auteurs dans l’espoir qu’ils soient repérés. A ce titre, l’aventure des “Vestiges” est une totale réussite et démontre à quel point les “petits éditeurs” ont un rôle capital à jouer dès lors qu’ils font un travail honnête et passionné. Ce qui est le cas de Philippe Ward et Jean-Marc Lofficier.
La rencontre avec Michel est aussi une vraie histoire humaine, et c’est ce qui compte le plus pour moi dans cette aventure littéraire. Nous n’aurions pas travaillé ensemble si le courant n’était pas passé, c’était clair des deux côtés.
Les héros en sont deux hommes très éloignés, Barry et Werner. Le premier est en plein 21e siècle, le second vit depuis le 19e siècle. Pourtant, ils ne sont pas si étranger l’un à l’autre ?
David S.Khara : “Les Vestiges” content l’histoire d’une amitié improbable, bravant le temps, le statut social et même les barrières de la réalité. Je me garderai bien de définir l’amitié ou l’amour, dans mon esprit ce sont deux sentiments très proches, faits d’un subtil mélange de différences et de similitudes entre les individus. Et c’est l’alchimie entre ces différences et ces similitudes qui font le sel de la relation entre Werner et Barry. En théorie, tout les oppose, et pourtant l’alchimie se produit, même s’ils doivent en arriver à certaines concessions pour la faire perdurer.
De plus, ils ont connu un drame similaire, extrême, qui pourrait, hélas, frapper chacun de nous. Cela créé un lien très fort entre ces deux hommes.
En fait, si je devais résumer leur relation, je dirais qu’ils ont tous deux souffert de la rage de la perte, goûté à la douleur de l’absence et trouvé l’espoir dans le regard de l’autre. En cela, la relation entre Werner et Barry est une histoire universelle.
Si je définis votre culture romanesque à travers le cinéma ou les séries-télé (américaines, en particulier) avec de l’action, de l’étrange (de l’horrifique, peut-être), la violence actuelle (et à venir) du monde, entre humanisme et experts scientifiques, que retenez-vous là-dedans ?
David S.Khara : Que vous me connaissez trop bien !
Ma génération se trouve au confluent de plusieurs cultures allant de la littérature au cinéma en passant par les séries télé, la bande dessinée et les jeux vidéo.
Sur un plan littéraire, j’ai été élevé avec Rostand, Dumas, Hugo puis Shakespeare. Aujourd’hui, quand j’ai le temps de lire, je saisis un Lehane et je suis un fan absolu de Salvatore, dans un style très différent. Mais j’aime les métissages, le mélange des cultures et des genres.
J’assume le fait d’écrire des romans très cinématographiés, de manier les points de vue de narrations comme un réalisateur déplace sa caméra, ce qui explique certainement pourquoi le monde du cinéma s’est intéressé à mon travail.
J’utilise les codes du divertissement pour exposer les horreurs dont l’histoire humaine est jonchée et poser, à travers les choix des personnages, certaines questions. Je ne suis pas un moralisateur qui assène des certitudes. Je présente des faits et laisse les lecteurs apporter leurs propres réponses.
Quant à l’humanisme, il est au cœur de mes préoccupations, et pas seulement lorsque je suis plongé dans mes romans…
Un grand merci à David S.Khara pour ses réponses. Bientôt, nous aurons l’occasion d’évoquer ce projet cinéma auquel il collabore. “Les vestiges de l’aube” est disponible dès le 19 mai.