Coup de cœur pour le suspense d’Åsa Schwarz “Nephilim” publié dans la collection Sang d’Encre, aux Presses de la Cité. Entre questions actuelles sur l’environnement et série de meurtres, une intrigue absolument captivante…
Nova Barakel est une jeune Suédoise de dix-neuf ans vivant à Stockholm. Elle milite activement pour Greenpeace. Les arguments ne suffisent pas à influer sur les entreprises les plus polluantes. Avec ses amis Arvid et Eddie, Nova a décidé d’aller plus loin encore. Bien que sa mère soit décédée depuis peu, l’opération est lancée. Nova s’introduit par effraction chez Josef F.Larsson, PDG de la société Vattenfall qui exploite des centrales nucléaires. Sa femme et lui sont censés être absents. Après avoir tagué des slogans sur les murs de l’appartement, Nova se rend compte que Larsson, son épouse et leur chien, ont été assassiné. Les corps sont disposés dans un étrange mise en scène. Apeurée et écœurée, Nova se réfugie avec Eddie et Arvid dans les locaux de Greenpeace, avant de rejoindre son domicile. Elle sait avoir laissé des traces sur les lieux du crime.
Amanda Nilsson est une policière âgée de trente-neuf ans. Son enquête sur le spectaculaire accident de voiture d’Elisabeth Barakel est close. Il n’est pas exclu que ce soit un suicide. Bien que souffrant déjà de nausées, Amanda est bientôt chargée du meurtre de Larsson. Elle ne voit guère le lien entre un verset de la Genèse inscrit chez la victime et ce meurtre cruel. Son amant Moïse, médecin légiste, ne lui est pas d’un réel secours quant à son état de santé. Amanda va s’interroger sur l’implication de Nova dans cette affaire. De son côté, la jeune fille hérite de sa mère une très grosse somme, pour moitié avec la fondation FON représentée par Peter Dagon. L’homme de loi Nils Vetman refuse d’en dire plus sur cette association inconnue. Si le crime donne une image négative du combat pour l’environnement, Arvid reste motivé. Il pirate avec succès le réseau téléphonique de la compagnie d’aviation SAS, brouillant tous les appels.
Chacune séparément, Amanda et Nora se renseignent sur les Nephilim, évoqués dans le verset de la Genèse. Fouillant par ailleurs dans les papiers de sa défunte mère, Nova se sent brutalement seule, sans racines, sans repères. Quand Jan Mattson, PDG de la compagnie SAS, est assassiné à son tour, Nova semble de nouveau impliquée. Amanda n’ignore pas que la jeune fille a naguère déjà tué un homme, dans des circonstances particulières. Quand la police intervient chez elle, Nora s’échappe par les toits. Le domicile est truffé de preuves contre la fuyarde. Tandis qu’Arvid est arrêté et interrogé, Nora s’arrange pour qu’on perde sa trace, créant de fausses pistes. Au risque qu’une bavure ne se produise à l’aéroport. Équipée pour la randonnée et le camping, Nora reste anonyme dans la région de Stockholm. Elle ignore encore qui sont vraiment ses adversaires, ces secrets Nephilim, un clan de purs et durs tuant sans pitié pour leur cause…
Ce premier roman de la Suédoise Åsa Schwarz publié en France est réellement une excellente surprise. D’abord, nous suivons une héroïne idéaliste qui, plongée dans une énigmatique suite criminelle, parvient à surmonter fort habilement les épreuves. Malgré un certain désarroi, puisqu’elle vient de perdre sa mère. On est vraiment avec elle, plutôt content qu’elle berne longtemps la police. Pourtant, on a aussi de la sympathie pour Amanda, l’autre personnage principal. Si elle se trompe de coupable, ce n’est pas là sa seule erreur. Car la manipulation est ici présente sous plusieurs aspects. La narration installe un bel équilibre entre ces deux femmes, en évitant le piège d’une complémentarité factice. Elles sont très différentes, mais confrontées à une affaire qui leur donne des points communs.
La référence biblique aux Nephilim est astucieuse, puisque permettant une sorte de parallèle actuel. Quant à “L’anomalie d’Ararat”, c’est une des clés du mystère. Par ailleurs, les questions de “bilan carbone” restent assez floues pour la plupart d’entre nous, même sensibilisés au sujet environnemental. Néanmoins, l’auteur introduit quelques bons argumentaires sur les problèmes des gaz à effet de serre. Notamment à propos des sociétés se prétendant vertueuses en matière d’écologie, vaste hypocrisie. Elle cite aussi la position des sceptiques. Voilà un suspense riche en thématiques et en péripéties dangereuses. C’est bien ce qui rend sa lecture enthousiasmante. Soulignons la traduction de Caroline Berg, qui apparaît de belle qualité, ajoutant sans doute de la fluidité au récit.