Le nouveau roman d’Alain Emery, publié chez Ouest et Compagnie, est intitulé “Ouragan sur le cairn”. Encore un polar breton ? Non, un vrai suspense de très belle qualité.
Âgé de soixante-cinq ans, Coste s’occupe de chevaux dans sa propriété de l’ouest de la France. Il est assisté par l’Apache, son protégé, un solitaire quadragénaire qui le vénère depuis longtemps. Veuf, Coste a perdu sa fille Lisa (Elisabeth) vingt-cinq ans plus tôt. Si les Français se souviennent de la tempête de décembre 1999, les Bretons savent que l’ouragan d’octobre 1987 fut bien plus destructeur. Lisa avait vingt ans. Avec son compagnon Antoine, ils ont péri sur un voilier cette nuit-là, du 15 au 16 octobre. Ils venaient de quitter le port de Concarneau. Un quart de siècle plus tard, Coste découvre une photo de janvier 1988 prouvant que sa fille était encore en vie. Pour la gendarmerie, l’affaire est définitivement close. Coste fait de nouveau appel au détective Murène, qu’il avait engagé au sujet de la fugue de Lisa. De son côté, il mène sa propre enquête.
À Concarneau, le vieux Caplan se souvient d’avoir vu partir le voilier. Il apprend à Coste que sa fille était enceinte. C’est près du Golfe du Morbihan que le couple passa le printemps et l’été 1987. Sur place, Coste interroge les témoins qui ont connu Antoine. L’un deux, un marin appelé Manu, s’avère plutôt fuyant. On parle d’un jeune homme surnommé Milord, qui dépensa beaucoup pour épater le monde à cette période. Parmi ses amis, se trouvaient Antoine et Manu. Jacques Arland (Milord) était le fils d’une famille bourgeoise de Bénodet. C’est à lui qu’appartenait le voilier Harar, sur lequel Lisa et Antoine ont disparu. Mme Arland se montra après le drame d’une discrétion qui pousse aujourd’hui Coste à se poser des questions. Il ira la rencontrer dans le Finistère.
Coste s’intéresse à Dolorès, qui tenait vingt-cinq ans auparavant un bar de nuit fréquenté par ces jeunes gens. De son côté, le détective Murène ne reste pas inactif, fouillant dans les moindres détails de cette vieille affaire. Après des appels téléphoniques anonymes ou menaçant, l’Apache a des raisons de s’inquiéter. La propriété de Coste est bientôt ciblée par des incendiaires. Difficile de faire face à un ennemi fantomatique, mais l’Apache s’y emploie. Un ancien gendarme, qui habite désormais sur l’île de Bréhat, se souvient fort bien de cet été 1987, riche en mauvais coups assortis de violences autour du Golfe du Morbihan. Coste revient trop tard pour interroger le fameux Manu. Néanmoins, le détective Murène pense avoir trouvé la piste de leur principal adversaire. Encore que Coste et ses alliés soient loin de la vérité…
Ah, qu’il est agréable de lire un authentique polar, un vrai roman d’enquête. Rien de formaté, ni de linéaire dans cette histoire. Pas de mélo se cachant derrière une intrigue à suspense, non plus. Des êtres humains, aux portraits finement ciselés. Un fait divers, qui mérite sûrement une nouvelle explication. Des investigations, pleines de surprises et de danger. Pourquoi tout est-il crédible, non seulement les décors parfaitement dessinés ? Parce que l’épisode de référence, cet ouragan de 1987 presque ignoré des médias nationaux, fut une catastrophe en Bretagne. On le perçoit dans le récit, qui extrapole une possible conséquence mortelle. Ceux qui l’ont vécu savent que le drame était présent sur toute une région, cette nuit-là, en particulier du sud-Finistère au Golfe du Morbihan.
Par ailleurs, soulignons l’habileté de l’auteur dans la construction de ce roman. Le présent narratif, le passé et ses témoignages, le journal de l’Apache, et la progression tendue nous captivent sans aucun temps mort. Le talent d’Alain Emery ne fait aucun doute pour ceux qui ont découvert ses nouvelles et ses romans depuis plusieurs années. L’auteur reste modeste, c’est une qualité. Pourtant, il mérite le plus grand nombre de lecteurs, c’est une certitude. Merci Alain, pour ce nouveau roman passionnant. [Le site de l'éditeur, ici ]