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Serguei Dounovetz : Les loups de Belleville (French Pulp Éd., 2018)

Nestor Burma admet son erreur : “Je commençai à réaliser que je m’étais embringué dans une histoire qui n’était pas de mon ressort.” Un détective privé s’occupe d’affaires de mœurs, d’enquêtes criminelles, mais pas d’assassinats politiques. D’autant moins quand il s’agit d’embrouillaminis entre les Kurdes et le MIT, les services secrets turcs. Et les Loups Gris, baroudeurs fascistes, y participerait également. Tout ça au sujet d’un mystérieux dossier brûlant, qui a disparu – s’il a jamais existé. L’un des responsables de ce pataquès, c’est le journaliste Niki Java, ami de longue date de Nestor Burma. Le reporter avait sympathisé avec un activiste kurde et sa sœur. Les obsèques de Niki Java au Père Lachaise auraient dû mettre fin au problème.

C’est l’inverse qui s’est produit, vu que Niki Java n’était pas clamsé. Par contre, son ami militant Kurde se trouvait à sa place dans le cercueil. La sœur du défunt ayant une fâcheuse tendance à réclamer publiquement la vérité, il était probable qu’on finisse par la supprimer. C’est là qu’entre dans le jeu une panthère vêtue d’un treillis, une Kurde elle aussi, mais version féministe pure et dure. Ayant rectifié le rôle de chacun, elle offre une piste au détective. Un marchand d’arme qu’on nomme Potemkine traiterait aussi bien avec les Turcs qu’avec les Kurdes, vu que c’est un métier où vendre à des clients importe plus que toute idéologie. La guerrière féministe le connaît mieux qu’elle ne l’avoue dans un premier temps. Nestor Burma ne tarde pas à dénicher l’adresse de Potemkine.

Le détective tombe sur une élégante sexagénaire orientale, qui l’accueille en le menaçant avec un petit flingue. Burma n’a pas le flegme d’un James Bond, mais il ne manque pas de réflexes non plus. Quand un fuyard en profite pour leur fausser compagnie, le détective parvient à le choper. Mais c’est seulement la doublure du fameux Potemkine, pas le vrai. Estimant que l’immeuble en question mérite une exploration plus poussée, Nestor Burma y retourne accompagné de sa sculpturale secrétaire métisse. Et si, derrière cette affaire, il s’agissait d’esclavage sexuel, de prostitution organisée, même si les lieux paraissent aujourd’hui désaffectés ? Le duo intrépide va descendre jusque dans les plus hostiles sous-sols de l’immeuble. Pas rassurant, mais ils y découvriront peut-être des indices.

Bien qu’il soit sorti du tunnel avec une valise, qui va servira de monnaie d’échange contre des infos auprès de son contact à la DGSE, Burma n’est pas au bout de ses peines. Car la virevoltante féministe kurde continue son combat contre le pouvoir turc, visant la tête de l’État. Avec des éléments compromettants en poche, c’est encore mieux. Pour le nettoyage final, Nestor Burma pourra compter sur la commissaire Faroux, patronne de la PJ…

Serguei Dounovetz : Les loups de Belleville (French Pulp Éd., 2018)

Le pilote, grand et costaud, sa carrure amplifiée par les protections de son blouson de motard, tourna lentement la tête. Sa vision panoramique intégra forcément dans le décor ma voiture de cirque. Peut-être aurais-je dû me garer plus loin ? Mais il était trop tard pour entamer un nouveau créneau. Le motard hissa son monstre sur le trottoir, coupa les gaz et immobilisa l’engin sur sa béquille. Tout en conservant son casque noir à visière fumée, il s’engouffra dans le hall. Je sortis de la Fiat et me ruai sur ses talons. La minuterie était HS. Potemkine montait quatre à quatre les marches disjointes en s’éclairant à l’aide de son smartphone. Je le suivais prudemment, me guidant uniquement avec la rampe branlante, scrutant ostensiblement l’obscurité afin de repérer l’étage où l’homme en noir finirait sa course.

Nestor Burma, détective de choc, patron de l’agence Fiat-Lux, est de retour. Ce n’est plus tout-à-fait le personnage mythique imaginé par Léo Malet, grande figure du polar. Il était évidemment nécessaire de l’actualiser, tout en conservant les caractéristiques du héros d’origine. Par nature, le détective privé est un solitaire, avec son libre arbitre, mais pas insensible au charme féminin, ni absolument désabusé quant à la nature humaine. Il sait faire preuve d’un humour teinté très souvent d’ironie. Si le monde a bien changé depuis l’après-guerre, il n’a pas gagné en simplicité. Les sujets de société, les rapports sociaux, les problèmes de sécurité, autant de thématiques complexes alimentant la criminalité. Un gaillard comme Nestor Burma, quadragénaire sportif, ne craint pas de s’y frotter.

Il est assisté d’une descendante d’Hélène Châtelain, ou au moins d’une homonyme. La belle Kardiatou Châtelain est une métisse franco-sénégalaise âgée de vingt-cinq ans, diplômée et diablement attirante. C’est, bien sûr, sa compétence qui prime, Burma devant refréner ses pulsions. Par ailleurs, le détective emploie Mansour Kébaïli, jeune d’origine Kabyle, originaire de Bondy nord, non pas parce que c’est un traficoteur de banlieue, mais pour ses talents en informatique. Les nouvelles technologies, ça reste quelque peu abstrait dans la pratique de Nestor Burma. Si son aïeul entretenait de bonnes relations avec le policier Florimond Faroux, c’est à une quinquagénaire chevronnée que le détective doit de nos jours s’adresser : la commissaire Stéphanie Faroux. Encore que Burma, libertaire dans l’âme, garde généralement ses distances avec la police.

À partir de 1954, Léo Malet écrivit une série de quinze romans intitulée "Les nouveaux mystères de Paris", où son détective enquêtait à chaque fois dans un arrondissement différent. Sur le même principe, le Burma nouveau commence par le 20e, pour cette aventure racontée par Serguei Dounovetz. Des péripéties multiples sont au rendez-vous dans cette histoire, comme il se doit. Non sans évoquer les ambiguïtés de la Turquie, où la démocratie paraît mal assurée. Bienvenue dans la vie agitée de Nestor Burma !

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P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> A propos de Belleville-Ménilmontant, vous n'avez peut-être pas remarqué la diffusion sur M6 la semaine dernière, assez tard, du film " Rue des Cascades " ( cette rue se trouve dans ce quartier ) sorti en 1964, d'après un roman de Robert Sabatier ?<br /> Le titre d'origine est " Un Gosse de la butte " .<br /> Il a été changé à l'occasion de l'édition du film en DVD.<br /> <br /> Voyez la présentation :<br /> <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_gosse_de_la_butte<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> Je dois avouer que ce film, sous l'un ou l'autre titre, n'évoque absolument rien pour moi. La nostalgie d'un Paris en noir et blanc a permis de "rénover" ce film, bonne initiative. <br /> Amitiés.