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Patrícia Melo : Feu follet (Actes Noirs, 2017)

Azucena Gobbi est responsable du service scientifique de la police de São Paulo (Brésil). Mariée à Luíz Sorengo, mère de deux fillettes, elle fait figure de chef de famille chez les Gobbi. Son père, passionné d’opéra, s’est affaibli en vieillissant, et sa mère affiche une froideur égoïste. Azucena a deux sœurs, dont l’une enceinte. La cadette, Giulia, étudiante en stage dans la police, va être à l’origine d’un sérieux problème. De retour de voyage, Azucena la trouve dans le lit de son époux. Tandis qu’elle va s’installer avec ses filles chez leurs parents, où vivent aussi ses sœurs, Azucena s’efforce de maîtriser avec fermeté la situation. La séparation d’avec Luíz Sorengo est actée, encore faut-il que le divorce lui soit favorable à elle. Quant à Giulia, mieux vaut qu’elle fasse profil bas.

Très séduisant, Fábbio Cássio est un acteur célèbre au Brésil, grâce à ses rôles dans les feuilletons de la télévision. Sa mère Olga se montre exagérément protectrice, parce que la gloire n’empêche pas une part de fragilité chez son fils. Notions qui échappent sans doute à Telma Salles, la tante de l’acteur. Jouer au théâtre dans une pièce de Drieu la Rochelle, tel est le défi que s’est fixé Fábbio Cássio. Conscient que c’est à l’opposé des prestations qui l’ont fait connaître, il est heureusement bien entouré par son metteur en scène Alfredo Marcos, et son producteur Cláudio Veríssimo. Reste le cas de sa compagne Cayanne, qu’il n’a pas épousé officiellement. Bien qu’elle soit fort excitante, Fábbio éprouve depuis peu un problème sexuel avec elle, alors qu’il fonctionne par ailleurs correctement.

Si elle ne possède ni talent ni culture, Cayanne entend bien accéder à la célébrité, elle aussi. Elle participe à un reality show, où elle se fait remarquer dès le début. Les conseils de Cláudio lui sont utiles, pour gommer la futilité de son personnage. Quand survient un drame, Cayanne risque d’être sur la sellette, frôlant l’exclusion de l’émission. En effet, lors de la scène finale de sa pièce, Fábbio Cássio s’est suicidé pour de vrai publiquement. Avec son adjoint Tenório, Azucena participe de près à l’enquête sur ce décès. Il apparaît vite qu’il s’agit bien d’un meurtre. À cause du nouveau chef de la police, trop aux ordres du Secrétariat à la Sécurité brésilien, la jeune femme craint que l’affaire prenne une tournure malvenue. D’autant que les médias mettent également la pression sur la police.

Certes, un homme vient s’accuser du crime, une piste qu’Azucena s’empresse de négliger, mais qui convient à sa hiérarchie. Des suspects, il en existe bien d’autres. Peut-être cette étudiante prostituée qui se fait appeler Melanie, dont Fábbio fut un client ? C’est plutôt parmi les proches de l’acteur qu’il faut concentrer les recherches. Et déterminer qui a commandé de vraies munitions pour l’arme à feu qui a été fatale à l’acteur. Est-il possible que Cayanne, lassée du malaise de son couple avec Fábbio, ait commandité le crime ? La nomination d’un nouveau chef de la police plus amical, Leandro Vargas, donne espoir à Azucena d’être mieux soutenue dans son enquête…

Patrícia Melo : Feu follet (Actes Noirs, 2017)

Accroupie près du corps, elle l’examine avec attention. Le garçon est jeune et a une blessure à la tempe droite, entourée de zones noircies de fumée, et des grains de poudre de combustion incrustés sur le visage. Néanmoins, elle parvient à entrevoir l’harmonie des traits, tandis qu’elle pense que mort et beauté forment un couple bien mal assorti. Le calibre de l’arme, qu’elle n’a pas encore analysé, doit être gros, peut-être 40 conclut-elle, sinon il n’aurait pas projeté des morceaux de cervelle vers le parterre. Assurément, il n’a pas appuyé l’arme sur la tempe, mais l’a maintenue à une distance raisonnable, de six à sept centimètres, ce qui explique les gros dégâts et le tatouage de poudre.
Comme tout assassin, il a des serres d’aigle. Mais elle n’est pas sûre qu’il s’agisse d’un suicide. Les suicidés mettent des années pour se donner le courage, et une bonne partie de ce temps est dédié à la recherche minutieuse de la meilleure façon de mourir. Tout est projeté de manière à éviter les erreurs.

Patrícia Melo entremêle avec finesse plusieurs facettes dans cette intrigue. Si l’enquête criminelle anime l’un des aspects de l’histoire, c’est probablement le regard sociétal qui attise l’intérêt chez le lecteur occidental. Mener des investigations dignes de ce nom sur un meurtre aux allures de suicide, pas simple pour la professionnelle Azucena. D’une part, son nouveau supérieur n’est pas fiable : “Elle sort du bureau en sachant qu’elle avance en terrain miné. Washington était un partenaire. La loyauté n’est pas le fort de Procópio”. D’autre part, l’assassinat d’une célébrité ajoute des handicaps, entre admirateurs de la victime, médias insistants, et proches dépassés par la situation. En outre, si São Paulo n’est pas aussi dangereuse que Rio-de-Janeiro, délinquance et criminalité y semblent en forte hausse. Un contexte qui relativise le côté "prioritaire" du meurtre de l’acteur.

À travers la crise familiale que doit également gérer Azucena, c’est encore un pan de la société brésilienne qui nous est décrit. La famille Gobbi appartient à la bonne société, ce sont des gens cultivés et volontaires. Pourtant, ceux-ci n’échappent pas aux problèmes courants nés de certains travers actuels. C’est chez leurs vieux parents que les trois sœurs se sont réfugiées, et la policière est bien obligée de garder son sang-froid afin que leurs problèmes n’empirent pas…

Et puis, au Brésil comme partout dans le monde, la nouvelle ambition de beaucoup de jeunes, c’est la célébrité. Aussi narcissique soit-il, l’acteur Fábbio Cássio a basé sa carrière sur sa compétence, son talent, pas seulement sur sa beauté. À l’inverse de sa compagne Cayanne, représentative de ces bimbos stupides, prêtes à tous les excès, toutes les compromissions pour une notoriété imméritée.

Par sa tonalité, Patrícia Melo associe une part sombre – Azucena est habituée à côtoyer la mort ; la pièce de Drieu la Rochelle évoque la dépression – avec des moments bien plus souriants – les états d’âme de Cayanne, en particulier. Par son aspect social, qui nous initie à l’ambiance de São Paulo, il s’agit d’un véritable roman noir, de très belle qualité.

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P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> J'apprends à l'instant sur Orange que le comédien Alain Mottet, 88 ans, et sa femme Françoise Hirsch, 87 ans et comédienne également, ont choisi de partir ensemble en se donnant la mort le 31 octobre dernier.<br /> <br /> http://actu.orange.fr/france/le-comedien-alain-mottet-a-mis-fin-a-ses-jours-accompagne-de-son-epouse-francoise-hirsch-CNT000000RSrwm/photos/-0a6f7363a9986c9ae15b27f1938b21c1.html<br /> <br /> Alain Mottet était surtout connu pour son rôle du policier Flambard pourchassant Vidocq dans la version avec Bernard Noël ( 1967 ) précédant celle avec Claude Brasseur ( 1971 ).<br /> Je me souviens aussi qu'il avait joué Léon Blum dans le téléfilm " Léon Blum à l'échelle humaine " ( 1986 ).<br /> <br /> Incidemment, je vois toujours sur Orange qu'à Vannes, chef-lieu de votre département, une femme de 80 ans a été jetée dehors en pleine nuit par un hôpital qui lui a enjoint de partir. Elle a dû s'habiller et quitter les lieux puis rentrer chez elle par ses propres moyens. En payant de sa poche 103 euros de taxi.<br /> L'hôpital n'a pas souhaité s'exprimer, invoquant que la personne âgée n'aurait pas fait de réclamation.<br /> <br /> http://actu.orange.fr/france/a-80-ans-elle-est-forcee-de-quitter-l-hopital-en-pleine-nuit-magic-CNT000000ROp6l.html<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> Dans le rôle de Flambart traquant Vidocq, je n'ai connu que le comédien Marc Dudicourt, mais je me souviens d'autres rôles incarnés par Alain Mottet, qui avait une prestance indéniable.<br /> Concernant l'affaire de cette dame à Vannes, je ne suis que modérément surpris. Par expérience, les Urgences sont des endroits où il est souhaitable (dans la mesure du possible) qu'un patient soit accompagné d'un proche. Les soins ne seront pas prodigués plus vite, mais avec davantage d'attention, et il y a moins de risque que l'on traite les patients avec rudesse. <br /> Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Sur le site http://disparitions.canalblog.com/ consacré aux cas de disparitions inquiétantes - et qui prévient quand une personne disparue est retrouvée vivante, le plus souvent, ou morte - voyez l'article de Gérard Desmaretz :<br /> <br /> http://disparitions.canalblog.com/archives/2017/11/10/35855670.html<br /> <br /> vendredi 10 novembre 2017 (article Agora Vox)<br /> <br /> Personne disparue : les battues<br /> <br /> par Desmaretz Gérard (son site)<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> Un article « technique » fort intéressant. Encore faut-il rappeler que, dans un premier temps, on recherche généralement une personne disparue supposée encore vivante, peut-être juste blessée ou séquestrée. Donc, la bonne volonté de chaque participant à une battue peut interférer, brouiller les pistes, mais on est dans l’urgence.<br /> J’ai évidemment suivi le cas Alexia Daval-Fouillot. Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’imbéciles ont brandi l’argument du « prédateur récidiviste », du criminel pervers relâché par la justice. Les circonstances plaident plutôt, à l’inverse, pour un meurtre avec préméditation et une affaire « locale ». Il fallait bien connaître les lieux, les habitudes d’Alexia Daval-Fouillot, disposer de carburant pour carboniser le corps, etc. <br /> Sans accuser quiconque, il me semble que c’est dans l’entourage de la victime et de sa famille qu’on trouvera l’assassin. Les parents commerçants ont pu attirer des inimitiés allant jusqu’au crime, par exemple. Idem pour le jeune couple, n’ayant peut-être pas que des amis. Le métier de la jeune femme peut donner une piste, aussi. Jalousies meurtrières, qui sait ? <br /> La partie technique des enquêtes policières est importante, de nos jours. L’ADN est un atout essentiel, de même que les traces évoquées dans cet article. Mais le contexte, les protagonistes, ça doit reste prioritaire…<br /> Amitiés.