Pénélope Cissé est lieutenante de police en poste à Sète. Forte tête, elle s’entend quand même très bien avec le commandant Garamont, son supérieur. Elle revient du Sénégal, son pays d’origine, où elle est allée cherchée sa fille, qui passera ses vacances à Sète. La petite Lisa-Fatouh est âgée de onze ans et demi, et possède un esprit vif. Pour s’occuper d’elle, Pénélope peut compter sur Luigi, son ami bouquiniste. D’autant que Lisa fait preuve d’un grand intérêt pour les livres, et adopte bientôt cet Oncle Luigi. Celui-lui sera heureux de lui faire découvrir des quartiers typiques, tel celui de la Pointe, ou l’Étang de Thau avec ses exploitations ostréicoles. Car Pénélope doit retourner dès à présent au commissariat.
La présence d’un duo de "consultants", avec mission de perfectionner le fonctionnement de la police, a été imposée à Garamont. Les méthodes managériales de ces gugusses vêtus de gris n’augure rien de bon. Pénélope essaiera de les garder à distance. L’actualité de la région sétoise, c’est la maladie qui menace l’ostréiculture de l’Étang de Thau, ainsi que des vols de stocks d’huîtres. C’est aussi la disparition de trois habitants du quartier de la Pointe : Armand, Jocelyn et Louis. Guère reluisants, ces trois-là. Patron de bar, Armand est connu pour ses violences envers son épouse, qu’il prostitue, et sa fille Sandra, âgée de dix-neuf ans. Si Jocelyn possède des exploitations d’huîtres, il est surtout réputé comme combinard et magouilleur. Quant à Louis, c’est un petit truand sans envergure.
Pénélope l’ignore, mais celui qu’il faudrait interroger, c’est Jojo, un simplet de la Pointe. Il n’est que l’exécutant, au service d’une sorte d’énigmatique gourou, le Moustro. Il veille sur le trio de prisonniers mais, suivant les ordres, pourrait passer à des actes criminels. C’est dans le quartier de la Pointe que Pénélope doit mener l’enquête. Elle y rencontre une des figures locales, l’octogénaire Marceline Dangelo. Malgré son âge, celle-ci reste l’éternelle rebelle qu’elle est depuis des décennies. Parfaitement informée sur tous les sujets, Marceline se montre accusatrice, estimant que "des nuisibles" cherchent à semer le chaos dans ce paisible quartier de Sète. Quand une horde de chats enragés s’attaquent aux touristes et aux habitants, Pénélope se dit que la vieille dame a peut-être raison de s’insurger.
Dans le contexte terroriste régnant en France, on peut envisager une opération de type empoisonnement massif, qui aurait Sète comme base arrière. Néanmoins, les disparus ne peuvent être concernés dans pareil cas. Lorsqu’on repêche le premier du trio dans la lagune, il ne faut pas trop vite accorder le permis d’inhumer : des analyses vont s’avérer révélatrices d’une piste sérieuse. Les deux "consultants" sont mis à contribution, afin de vérifier si quelque secte ne se cacherait pas parmi les associations sétoises. Un policier retraité émérite rappelle à Pénélope une vieille affaire mystérieuse qui ressemble un peu à celle en cours. L’enquête avance, mais faudra-t-il dévoiler la vérité ?…
Le quai encore si calme quelques instants auparavant était devenu un champ de bataille en proie à la furie : des chats, des dizaines de chats agressifs sautaient des toits alentour. Ils se ruaient sur les consommateurs, griffant et mordant les visages, semant la terreur parmi les gens tétanisés par la soudaine attaque. Il en sortait de partout, des toits, des ruelles, des barques amarrées, et tous se jetaient en crachant sur la petite foule, bondissant sur les gens qu’ils lacéraient, de plus en plus excités par le sang des premières blessures […] La terrasse n’était plus qu’une clameur terrorisée s’élevant au milieu des tables renversées par les fuyards et des verres brisés qui jonchaient le quai.
Le premier titre de Martine Nougué, “Les Belges reconnaissants” (Éd.du Caïman, 2015), laissait présager que cette auteure possédait un bon potentiel. Ce polar ne manquait pas de qualités, respectueux d’une tradition un peu lisse mais loin d’être déplaisante. Cette fois, avec “Le vrai du faux et même pire”, on ne peut que s’avouer enthousiaste. Elle nous présente une intrigue très bien structurée, avec une narration parfaitement maîtrisée. Au-delà de l’enquête criminelle proprement-dite, on croise toute une galerie de personnages dont les portraits apparaissent fort justes. C’est évidemment le cas autour de Pénélope, avec sa fille Lisa, Luigi et le policier Garamont, les plus proches de la fougueuse héroïne. Agréables ou plus antipathiques, les autres protagonistes sont également crédibles.
Grâce, en particulier, à la petite Lisa et aux experts en management, le récit nous offre des séquences souriantes. L’ambiance d’un quartier ancestral méditerranéen participe au charme de l’histoire, bien sûr. Une balade au pays natal de Georges Brassens ne peut que nous séduire. C’est aussi l’occasion d’évoquer une activité locale, l’ostréiculture de l’Étang de Thau. Et, pour l’anecdote, de différencier l’huître triploïde de celle obtenue par captage, procédé plus naturel correspondant au rythme biologique de l’huître. Si les trois victimes ne sont que du menu fretin de la délinquance, le scénario inclut les actuels risques terroristes et autres opérations secrètes. Il ne reste plus à Pénélope qu’à démêler tout cela. Avec ses péripéties et une part d’humour, voilà un excellent roman d’enquête !
Martine Nougué : Les Belges reconnaissants (Éd.du Caïman, 2015) - Le blog de Claude LE NOCHER
Originaire du Sénégal, Pénélope Cissé est depuis peu en poste à la brigade criminelle de Sète. À son âge, elle devrait mériter mieux que son grade de lieutenant. Par son caractère indép...
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