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11 décembre 2016 7 11 /12 /décembre /2016 06:11

En ce début des années 1970, Lew Archer est détective privé à Los Angeles Ouest. De retour d’une mission au Mexique, il apprend qu’une marée noire englue le littoral à Pacific Point, son site préféré sur la côte californienne. Un accident s’est produit sur une plate-forme pétrolière en mer, tout près. Lew se déplace jusqu’à là pour constater les dégâts. Sur la plage, il fait la connaissance de Laurel Russo, choquée par la marée noire. Il la ramène chez lui, mais elle ne tarde pas à disparaître. Lew peut craindre qu’elle se suicide, ayant compris sa situation conjugale compliquée. Surtout, il réalise que la jeune femme de vingt-neuf ans appartient à la famille Lennox, propriétaire de la plate-forme pétrolière.

Le détective est engagé par le mari pharmacien de Laurel. Il rencontre Jack Lennox et sa femme, les parents de Laurel. Le père ne cache pas son hostilité envers Lew Archer. La mère admet la fragilité psychologique de leur fille. Le témoignage de Joyce, la meilleure amie de Laurel, est plus clair : l’instabilité de la jeune femme et les frictions avec ses proches viennent du fait que Laurel ne s’aime pas, qu’elle se déprécie. Lew contacte le commandant Somerville, vice-président de la société Lennox, oncle de Laurel. La carrière militaire de celui-ci fut abrégée quand son navire coula à Okinawa, pendant la guerre. Il vient d’apprendre que sa nièce a été enlevée, que les ravisseurs ont fixé une rançon.

Entre Somerville qui reste sur l’idée qu’on a saboté leur plate-forme et les parents Lennox qui maîtrisent mal le kidnapping de Laurel, le détective préfère se fier à l’épouse du commandant, Elisabeth Somerville. Ainsi qu’à la grand-mère, Sylvia Lennox, séparée du septuagénaire William Lennox, le chef de famille, qui vit avec une femme bien plus jeune que lui, Connie Hapgood. C’est Sylvia, bien consciente du passé psychotique de sa petite-fille, qui paiera la rançon. Toutefois, un fait interpelle Lew : quinze ans plus tôt, Laurel fit une fugue à Las Vegas avec un copain, Harold Sherry, et simula déjà un enlèvement. Un cadavre est bientôt découvert sur la plage attenante à la propriété de Sylvia Lennox.

Le mort n’est pas Ralph Mungan, comme a pu le croire Lew Archer. Celui-ci est en vie, pas concerné. Le détective doit accompagner Jack Lennox pour la remise de la rançon. Mais le père de Laurel ne veut toujours pas de Lew. C’est ainsi que Lennox est blessé dans un échange de tirs, de même que le ravisseur. Après avoir rencontré le grand-père William Lennox et sa compagne, le détective essaie de retrouver Harold Sherry, aujourd’hui âgé de trente-trois ans. La grogne générale reste vive contre la pollution par la marée noire, le journaliste local Wilbur Cow s’en faisant l’écho. Un autre cadavre s’échoue sur la plage : Tony, le secrétaire de Sylvia Lennox, qui semblait fort nerveux ces derniers jours.

Sur la piste d’Harold, Lew espère que Laurel sera retrouvée saine et sauve. Il identifie le premier cadavre de la plage, un certain Nelson Bagley. Ce qui lui permet d’entrevoir que l’origine de l’actuelle série de crime remonte à un quart de siècle. Depuis tout ce temps, les rancœurs ne sont pas éteintes pour tout le monde…

Ross Macdonald : La belle endormie (1973)

Le ton de sa voix était sérieux… le ton d’une femme qui n’a pas reçu de compliments masculins depuis longtemps.
Un silence complice s’établit dans la voiture pendant que nous descendions la colline sombre. Elisabeth Somerville m’avait plu immédiatement, de la même façon que m’avait plu Laurel et pour les mêmes raisons : leur honnêteté foncière, leur droiture passionnée, leur sollicitude pour autrui. Mais Laurel était sur le point de perdre les pédales, tandis que ma passagère actuelle était une femme parfaitement maîtresse des événements. Sauf peut-être en ce qui concernait sa vie conjugale…

Toutes les histoires de détectives privés ne se valent pas. Souvent parce que les héros nous semblent un peu "artificiels", dans une marginalité chargée (drame personnel obsédant, abus d’alcool ou de drogues...) ou franchissant trop aisément les limites de la loi. Ancien policier à Long Beach, Lew Archer garde son libre arbitre mais respecte la légalité : “Habituellement, j’essayais de me mouvoir en neutre dans le no man’s land qui sépare la loi de ceux qui ne la reconnaissent pas. Mais lorsque les pruneaux commençaient à pleuvoir, je savais de quel côté me ranger : celui de la loi.”

Lew Archer s’efforce de ne pas avoir de préjugés envers ses interlocuteurs, d’être aussi attentif vis-à-vis de tous. Ici, il ne craint pas le puissant et vindicatif Jack Lennox, ni aucun membre de cette famille fortunée. Mais il est compatissant face à Mrs Sherry, la mère d’Harold, parce que son fils s’est mis dans un noir pétrin. Il sait discerner chez Connie Hapgood ou chez Elisabeth Somerville leur caractère honnête. Et comprend que, pour la jeune Laurel, “l’argent ne fait pas le bonheur”, ce qui n’est pas une constatation basique. Héritier en droite ligne de Sam Spade et de Philip Marlowe, le héros de Ross Macdonald (1915-1983) est fondamentalement humain. Cela ne l’empêche nullement de se montrer mordant, voire féroce dans certaines situations – efficacité oblige.

Le cycle des enquêtes de Lew Archer compte onze nouvelles et dix-huit romans, écrits de 1949 (Cible mouvante) à 1976 (Le sang aux tempes). Publié en 1973, “La belle endormie” est l’avant-dernière aventure de Lew Archer. Outre l’intrigue avec ses rebondissements et ses mystères, notons le contexte "écologique" qui s’inscrit dans l’époque : cette marée noire fait enrager les pêcheurs locaux autant que ceux qui aiment la beauté du littoral. Ross Macdonald nous suggère implicitement l’incompétence chronique des dirigeants, bien empêtrés dans cette crise. On peut encore souligner l’unité de temps, cette enquête se déroulant en continu sur deux à trois jours. Ce qui assure un excellent tempo au récit. Ce roman n’est plus réédité depuis 1994, ce qui est franchement dommage.

Ross Macdonald : La belle endormie (1973)
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commentaires

S
Salut à tous<br /> Au rythme où vont les rééditions Gallmeister, on n'est pas prêt de retrouver "La belle endormie" chez notre libraire favori: auncun titre cette année, un seul sur le catalogue 2017 (le 7éme ou 8 éme, je crois). Ces nouvelles traductions sont des textes révisés qui proposent pour la première fois la version intégrale des romans. Margaret Millar, j'avoue mal connaître. De mémoire, elle oeuvre surtout dans le suspense psychologique, et n'a pas d'enquêteur récurrent, non (sauf peut-être dans ses tous premiers romans)?<br /> Amitiés.
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C
Merci de cette info, Xavier.<br /> Ce "problème de contrat" peut, comme je l'ai suggéré, être lié aux "droits de traduction" réservés.<br /> Amitiés.
X
Un peu intrigué et inquiet de l'absence de nouveau titre cette année, j'ai envoyé un mail aux éditions Gallmeister qui m'ont fort gentiment répondu. Je copie-colle:<br /> <br /> "Nous vous remercions pour votre mail et sommes ravies que les traductions de Jacques Mailhos vous plaisent. Concernant Ross McDonald, suite à un problème de contrat, nous avons dû décaler les publications mais le rythme habituel d’un titre par an reprendra à partir de novembre 2017 (avec The Galton Case, le titre qui suit Les Oiseaux de malheur)."<br /> <br /> Margaret Millar a utilisé plusieurs personnages récurrents au cours de sa carrière, mais ses romans les plus connus et les plus importants sont des standalones, comme on dit Outre-Atlantique.
C
Salut Serge<br /> Excellent résumé de la situation. J'ajouterai qu'il peut se poser une question de "droits de traduction", c'est déjà arrivé. Quant à ce titre de Ross Macdonald, j'ai le sentiment qu'il a été correctement traduit, probablement sans coupe. Si ça peut inciter à redécouvrir Lew Archer, pourquoi pas ?<br /> Amitiés.
T
Coucou Claude,<br /> <br /> J'ai découvert Ross MacDonald avec les éditions Gallmeister qui les rééditent avec des traductions conforme à la V.O ;-)
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C
Je m'inquiète : tu es sûre que tu auras assez de lectures pour patienter jusqu'à fin 2017, ma Belette ? ^_^
T
Hello Claude, qui sait, un jour, je tomberai sur l'édition Marabout... Mais vu que la collectionneuse que je suis aime avoir les mêmes couvertures, je vais attendre 2017 que Gallmeister continue la suite de ses traductions ;)
C
Hello ma Belette !<br /> Excellente initiative des éditions Gallmeister, c'est un fait. Toi qui rôdes parfois parmi les livres d'occasion, ne retrouveras-tu pas l'édition parue chez Marabout (de Verviers) ? Quant à la traduction (de Janine Hérisson) elle semble très correcte ici.<br /> Amitiés.
X
Je n'ai pas lu ce livre, mais je vous fais confiance d'autant que rien de ce qu'a écrit Ross MacD (comme l'appelait Manchette) n'est indifférent. J'espère que Gallmeister ira jusqu'au bout de sa campagne de retraduction-réédition et que nous reverrons cette belle endormie dans les rayons de nos librairies dans un avenir pas trop lointain. Question que je pose à tous mes amis qui sont familiarisés avec l'oeuvre des époux: qui préférez-vous de Ross MacDonald ou de sa femme Margaret Millar? J'avoue une petite préférence pour cette dernière, mais leurs thématiques et même leurs techniques sont tellement proches qu'il est difficile de les départager...
Répondre
C
Bonjour Xavier<br /> Je n'irai pas jusqu'à dire que cette chronique vise à ce qu'un éditeur, Gallmeister ou autre, nous repropose "La belle endormie"... mais ce serait une bonne idée. On sent ici une belle maturité d'écriture, et c'est vraiment agréable. <br /> Sans doute faudrait-il que je relise quelques-uns des livres de ces deux auteurs pour comparer le couple. Technique assez proche, sûrement. Margaret Millar n'est-elle pas davantage "perverse" dans ses intrigues, moins limpide dans les hypothèses et les indices ? C'est juste une impression, de lectures qui datent quelque peu. Quoi qu'il en soit, des auteurs à lire ou relire ponctuellement.<br /> Amitiés.

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