Akiyama Lino est âgée de vingt-et-un ans. Ex-championne de natation ayant choisi de tout arrêter, elle est étudiante, peu motivée quant à son orientation. Le suicide de son cousin Naoto, d’un an son aîné, est d’autant plus marquant pour la famille de Lino, que ce geste est inexplicable. Avec son groupe de musiciens, Naoto avait des chances d’accéder à un statut de professionnel. Lino se rapproche de son grand-père, Akiyama Shūji, soixante-douze ans. Chercheur en botanique retraité depuis six ans, son aïeul continue a cultiver sa passion des fleurs. Lino crée pour Shūji un blog, afin de diffuser les photos de ses fleurs. Toutefois, il ne veut pas qu’elle affiche l’image d’une ipomée jaune qui a fleuri depuis peu.
Lino découvre son grand-père mort chez lui. Il s’agit d’un meurtre, le domicile de Shūji ayant été cambriolé. Le policier Hayase est chargé de l’affaire. Divorcé, Hayase a de très bonnes raisons de tout faire pour trouver le coupable : suite à un incident concernant son propre fils, il avait pu constater le sens de la justice du défunt Shūji. Au laboratoire de recherche qui employa la victime, il n’en apprend guère plus, car le septuagénaire n’avait plus que de rares contacts avec eux. Lino s’aperçoit que le pot contenant la fleur jaune ne se trouve plus chez son grand-père. Elle en avertit des policiers, qui semblent sceptiques. Cette info sur la disparition de l’ipomée jaune ne parviendra que tardivement à Hayase.
Entre-temps, le policier a croisé un haut-fonctionnaire de l’Agence de police nationale, un service qui n’a pas vraiment de raisons de s’intéresser au meurtre du vieux Shūji. Hayase, qui manque totalement de pistes, reste désormais en contact avec Lino. La jeune fille fait la connaissance de Gāmo Sōta, étudiant dans la filière nucléaire (après Fukushima). Sōta se demande pourquoi son frère Yōsuke, son aîné de dix ans, semble s’occuper de ce crime lié à une histoire de fleur. Sōta n’ignore pas que l’ipomée jaune n’existe pas. Ou plutôt, ça n’existe plus, car on en trouva au Japon jusqu’au 19e siècle. On ne sait pour quelle raison il n’en reste aucune dans le pays. Lino et Sōta mènent conjointement leur petite enquête.
Sōta a aussi un autre motif d’investigations. Une dizaine d’années auparavant, son tout premier amour se nommait Iba Takami. Elle rompit brutalement leur relation. Sōta vient de la reconnaître parmi les musiciens du groupe du suicidé Naoto. Elle se fait appeler Keiko, mais Sōta est quasiment sûr de ne pas se tromper : c’est bien Takami. Elle quitte le groupe très vite ensuite sans laisser de traces.
Lino et Sōta interrogent un ancien collègue de Shūji, qui leur explique comment il est possible de créer de nouvelles fleurs. Il les met en contact avec le dentiste Tahara, spécialiste des ipomées. Ce dernier évoque les fleurs mutantes, et qualifie de “fleur de l’illusion” l’ipomée jaune. Une fleur qui avait jadis la réputation d’être maudite, en quelque sorte. Quant à Iba Takami, Sōta apprend qu’elle est diplômée en pharmacie, ce qui correspond à la tradition médicale de sa famille…
— Monsieur Gamō, j’ignore de quelles informations vous disposez, mais vous vous intéressez à cette affaire pour des raisons personnelles. J’imagine qu’elles sont liées au pot de fleur qui a disparu du jardin de M.Akiyama. Je ne sais pas quelle est votre relation avec sa petite-fille Lino, mais elle vous a parlé de cette fleur, et vous en avez déduit que le meurtre était lié aux recherches botaniques de la victime. Vous avez ensuite pris contact avec les policiers chargés de l’enquête, dont je fais partie, et vous avez même interrogé les anciens collègues de la victime. Que pensez-vous de mes déductions ? Me suis-je trompé sur quoi que ce soit ?
Son interlocuteur, qui avait posé sa tasse de café, paraissait toujours à l’aise :
— La seule chose que j’ai à dire est que vos fantaisies ne méritent pas le nom de déductions.
Avec “La fleur de l’illusion”, Keigo Higashino fait une nouvelle fois la preuve de sa maîtrise des intrigues à suspense. On est loin d’un roman d’enquête ordinaire, balisé, collectant les indices et présentant des hypothèses. Le scénario est nettement plus subtil. Lorsqu’on voit se croiser des personnages qui n’ont, au départ, que bien peu de choses en commun, on peut imaginer des "hasards forcés". Une construction voulue par l’auteur, certes. Mais on comprendra finalement que ces liens avaient une solide base. Sans rien dévoiler, il s’agit d’un "sens du devoir" à la japonaise. Une notion probablement assez différente de celle qui animerait des Occidentaux. Car les mystères autour de la curieuse ipomée jaune débutent au temps où Tokyo s’appelait encore Edo.
Si les jeunes Lino et Sōta sont au centre de l’affaire, ne négligeons pas le rôle du policier Hayase. D’ailleurs, c’est une des forces de cet auteur, qui dessine parfaitement l’ensemble des protagonistes, même ceux que l’on entrevoit plus brièvement. À l’exemple de M.Hino qui aura, à un certain moment, une fonction explicative. On aime aussi les formules de courtoisie ou d’excuse à la manière des Japonais, qui ne signifie pas avoir tort ou raison. En marge du sujet, on notera une réflexion au sujet de l’énergie nucléaire au Japon. Il est franchement agréable de se plonger dans les romans, aussi vivants qu’énigmatiques, de Keigo Higashino.
Lire aussi mes chroniques sur trois autres romans de Keigo Higashino.