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Trois ans après l'ouragan Katrina, au printemps 2008 à La Nouvelle Orléans. La brune Nola Céspedes est journaliste pour le Times-Picayune, après ses études à l'université Tulane. Âgée de vingt-sept ans, fille d'une réfugiée cubaine qui l'a élevée sans père, Nola est issue d'un quartier populaire détruit depuis. Encore peu aisée, elle circule dans sa vieille Pontiac Sunfire, et habite en colocation avec Uri, un serveur gay. Elle compte plusieurs copines, noires ou hispaniques, plus fortunées qu'elle. Outre Fabi et Soline, commerçante avisée, Nola est proche de Calinda. C'est une des rares Noires employées au bureau du procureur. Un contact utile pour obtenir des dossiers, en vue de l'article que Nola va devoir traiter.
À l'heure où l'étudiante Amber Waybridge vient de disparaître à l'hôtel Copper Pot, Nola se voit proposer par son rédacteur en chef une enquête sur les pédophiles et violeurs qui ont profité du désordre de Katrina pour s'évaporer. Alors que la loi de Megan les obligerait à se signaler aux autorités. Un bon sujet pour sortir de la rubrique Loisirs du journal. Mais ces clandestins ont intérêt à rester cachés. Nola interroge un psy spécialisé dans les délinquants sexuels, puis se rend à la prison d'Orleans Parish pour une première approche de la question. Mike Veltri, un ex-condamné, accepte de témoigner. Nola s'est munie d'un Beretta, sécurisant pour une jeune femme devant rencontrer des pervers sexuels avérés.
Ancien directeur adjoint d'école habitant le typique Vieux Carré de La Nouvelle Orléans, Blake Larusse est prêt à parler de son passé, lui aussi. Il y a un autre témoin anonyme, un brin narcissique, fier de vivre en marge du système. Javante Hopkins a certainement gardé des instincts sadiques, et ne paraît pas à Nola d'une grande sincérité. Outre ces adresses obtenues grâce à Calinda, elle interroge des femmes sensibilisées. Bourgeoises de Garden District sévères avec ces délinquants qui seraient une menace, ou habitantes de quartiers modestes fatalistes par nature, ça complète le sujet à traiter. Quant à l'affaire Amber Waybridge, la police n'est pas très active. On finit par trouver son cadavre mutilé…
À travers le regard d'une native de La Nouvelle Orléans, l'auteur dresse un portrait nuancé de l'évolution de cette ville particulière. Depuis l'installation des Français il y a plus de trois siècles, son histoire est d'une richesse infinie. Du Couvent des Ursulines au Vieux Carré du Quartier Français, on nous rappelle çà et là quelques aspects du passé. Avec Nola, nous visitons aussi bien les rues animées de Charles Street ou Royal Street, que les endroits moins brillants de l'agglomération. Sans doute a-t-on relogé une partie de la population dans des “shotgun shacks”, ces bungalows longs qui font proprets, mais la discrimination persiste dans ce décor urbain vivant pour l'essentiel du tourisme.
À l'inverse, quand il s'agit de crimes sexuels, Noirs et Latinos sont les premiers désignés. Pourtant, dans les fichiers de police, toutes les races sont représentées à peu près à égalité. “Dans plusieurs États, plus d'une centaine de délits différents, dont le recours aux service d'une prostituée, peuvent valoir à leur auteur la triste qualification de «délinquant sexuel» ; en Louisiane, ils incluent les «crimes contre nature» qui vont du sexe oral à la zoophilie et à la nécrophilie. Autant dire que très peu de ces «criminels» constituent une menace pour la société mais, depuis l'instauration de la loi de Megan, ils sont tous mis dans le même sac.” Joy Castro relativise avec raison cette stigmatisation censée rassurer les voisinages. Sans être dupe des pervers qui se prétendent guéris après la prison.
Derrière ses attraits festifs, la ville est menaçante, voire dangereuse, et la possession d'armes par les civils n'arrange rien. Si le côté polar-roman noir est bien présent dans cette histoire, ce qui en fait l'intérêt majeur (et même la force), c'est ce qui concerne la sociologie. Un suspense plein de qualités.