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Hervé Jaouen : Pleure pas sur ton biniou (Carré Noir, 1985)

En ce temps-là, voilà quelques décennies, certains Bretons rêvaient d'autonomie, et même d'indépendance. Volonté de rupture qu'ils démontraient par des attentats, censés prouver leur puissance. Revendications pas toutes stupides, affichées au nom d'une population qui désapprouvait en réalité la violence de leurs actes. Ces groupuscules ultra-marginaux se servaient de l'identité bretonne, mais ne servaient guère sa cause. Imaginons qu'ait existé un Front Chrétien de Libération de la Bretagne, le FROCLIB. Qu'en ce 14 août, après avoir tenu une réunion dans leur QG, une chapelle isolée, ils aient sévi sur Brest. Qu'un premier attentat ait visé la Préfecture Maritime, qu'une demie-heure plus tard une autre explosion ait ciblé le patron du Crédit Breton et ses invités. Puis qu'ils causé des dégâts sur la pauvre chapelle Saint-Antoine, avant de jeter de la dynamite chez un militant trop tiède.

Qui trouve-t-on chez ces terroristes du FROCLIB ? Le rouquin Bêtabondieu, jeune diplômé aigri, joueur de biniou, circulant sur sa Suzuki. Son copain Buffet, esclave de l'industrie, à la vie tout autant décevante. Colette, vingt-trois ans, vaguement prof, déjà déçue comme les deux autres par son idéal religieux. À leur tête, sur sa moto Norton, il y a l'Abbé, curé défroqué et révolté, dont les sermons peu cohérents d'illuminé excitent son trio d'affidés. À la suite de quoi, la vierge Colette accepte de se faire sauter successivement par l'Abbé et ses pieds-nickelés mâles. Mais l'essentiel, c'est de semer une grosse perturbation avec cette série d'attentats. Bêtabondieu et Buffet frappent, avant de se replier dans la chapelle qu'ils squattent. Dès le lendemain 15 août, une nouvelle opération : le quarteron de branquignols commence par voler un car allemand vide de ses passagers.

Le commissaire Quenehaye est chargé du dossier des attentats, sous l'autorité du Délégué aux Affaires de l’État. Grâce au complaisant journaliste Turbot, les officiels vont relativiser l'impact de ce groupuscule, minorer et condamner leurs méfaits. Détourner l'attention du public n'a jamais été difficile. Un rouquin ayant été repéré au moment des explosions, le commissaire suit cette piste, le retrouvant aisément grâce à des photos où Bêtabondieu joue du biniou dans des fêtes. Le vieux Fanch Roboen, voisin rural de la chapelle, pourrait témoigner mais il préfère se rassurer en sirotant son lambic. Pendant ce temps, l'Abbé et ses sbires ont pris en otage plusieurs touristes parisiens en villégiature. Qu'ils séquestrent dans leur QG. Surviendra également un couple originaire des Landes, avec leur gamine Pépita. Plus ou moins solidaires, ils auront droit à un traitement de faveur.

À l'heure ou le FROLIB adresse ses revendications sous la forme d'un ultimatum pas très réaliste, les camionneurs Dereck et Jo Banane, un grand Noir fataliste, sont en route de Clichy vers les confins de la Bretagne. Ils sont pris en filature par le commissaire Bidol, mandaté par la Brigade des Fraudes, qui compte bien boucler une affaire en cours. À la chapelle, la fouineuse petite Pépita apporte un peu de fraîcheur à la situation. Pourtant, il ne faudrait quand même pas que tout ça s'éternise…

Hervé Jaouen : Pleure pas sur ton biniou (Carré Noir, 1985)

Avant d'être réédité en 1985 chez Carré Noir (format poche de la Série Noire), ce roman parut en 1980 sous le titre “La petite fille et le pêcheur” dans la collection Engrenage des Éd.Jean-Goujon. Hervé Jaouen en publiera une nouvelle réédition aux Éd.de la Chapelle, en 2002. Cette intrigue tient à la fois de la comédie, avec ce groupuscule de toquards aux ambitions régionalistes menant des actions qui ne peuvent que les dépasser, et du roman noir avec sa sociologie. La tonalité de l'histoire, racontée avec la fluidité chère à l'auteur, est largement ironique. Au fil de leurs tribulations, ces "terroristes" s'avèrent grotesques, mais les représentants de "l'autorité" le sont également. L'humour est donc très présent.

Le contexte, celui des giscardiennes années 1970, a son importance. La Bretagne se sent dépossédée de ses richesses, de son économie, à cause du centralisme. Si ses habitants veulent majoritairement préserver leur qualité de vie et leur niveau social, des militants plus radicaux entachent l'image de la région. Durant la décennie suivante, la concertation fut plus utile à l'amélioration du potentiel breton, que ces attentats imbéciles. L'agitateur est ici un ex-curé : le catholicisme breton a souvent pris partie contre l’État, non pour défendre ses ouailles, mais jouant la religion contre la laïcité. Certains ecclésiastiques, parfois défroqués, se montrèrent acharnés dans ces luttes, y compris au service d'ennemis du pays… Derrière la fiction souriante, il y a aussi un regard sur l'évolution de la Bretagne.

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Y
Salut Claude, <br /> à choisir, Pleure pas sur ton biniou, ça me va davantage que le premier titre.<br /> Amicalement,
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C
Salut Yves<br /> Oui, ça donne une tonalité amusée correspondant à cette histoire. Car c'est quand même l'humour qui domine ici.<br /> Amitiés.
P
Demat deoc'h, M. Le Nocher,<br /> <br /> Ha komz a rez brezhoneg ?<br /> <br /> Vous me répondrez :<br /> <br /> Donemat e Breizh !<br /> <br /> En lisant votre chronique, par association d'idées comme souvent, il m'est revenu qu'en droit, en matière de libertés publiques, il y avait un arrêt du Conseil D'Etat, Fouéré, rendu dans le cadre des mouvements autonomistes bretons des années 1970-1980.<br /> J'ai recherché " Conseil d'Etat, Fouéré " et trouvé entre autres l'article suivant, qui cite cet arrêt de 1975, le sujet étant plus largement un aperçu de 50 ans ( en 2007, année de ce numéro de la RFDA, Revue Française de Droit Administratif ) de grands arrêts de la jurisprudence administrative.<br /> Je m'écarte évidemment du sujet polar ou Bretagne, et je n'ai pas pris le temps de lire cet article, mais j'estime utile d'indiquer le lien.<br /> <br /> http://credo-multimedia.com/Bib_num/Articles%20New/Bernard%20Pacteau,%2050e%20anniversaire%20des%20Grands%20arr%C3%AAts%20de%20la%20jurisprudence%20administrative(1).pdf<br /> <br /> Fouéré semble être un patronyme breton assez courant. Je suis donc tombé au passage sur le nom de Yann Fouéré, que je ne connaissais pas, mais qui apparaît avoir consacré une partie de sa vie et de son oeuvre aux questions relatives à l'identité de la Bretagne.<br /> Je suppose que vous, vous le connaissez ?<br /> <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Yann_Fou%C3%A9r%C3%A9<br /> <br /> http://www.fondationyannfouere.org/<br /> <br /> Je connaissais déjà les éditions Bonhomme de Chemin, mais le post récent de la librairie rennaise La Courte Echelle :<br /> <br /> http://lacourteechelle.hautetfort.com/archive/2015/07/07/bonhomme-de-chemin-5652849.html<br /> <br /> m'a poussé à en acquérir quelques nouveaux titres. Dont " La Bretagne des enfants " .<br /> C'est de ce livre, que je suis allé chercher chez mon libraire de Levallois jeudi, que j'ai extrait les trois expressions en breton au début de ce commentaire, signifiant respectivement comme vous le savez mieux que moi, " Bonjour ! " ( ou " Demat " tout court ) , " Parles-tu breton ? " et " Bienvenue en Bretagne ! "<br /> Page 4 :<br /> " Demat deoc'h ! Bonjour !<br /> Je m'appelle Malo et j'ai 11 ans. Je suis breton et je vis à Rennes avec mes parents et ma petite soeur Solenn, qui a 9 ans. On aime beaucoup notre ville et notre région. Tu veux savoir pourquoi ? Alors, viens avec nous. Ensemble, on va faire le tour de la Bretagne. "<br /> On parle entre autre de robiquette , échelle de Beaufort , far breton avec " Kalon digor ! " ( Bon appétit ), le fait que ce sont les Basques qui ont inventé le cidre que les marins bretons ont ensuite fait découvrir à leur région au Moyen-Age , les Korrigans, le biniou, le fiddle, la bombarde, le chandail marin, l'usine marémotrice de la Rance, les bols en faïence de Quimper avec des prénoms, les Traou Mad ( bonnes choses, traduit en galettes ) de Pont-Aven inventées par Alexis Le Villain en 1920, les Glénan, les noeuds marins, les phares dont celui de l'île Vierge le plus haut d'Europe, les fraises rapportées du Chili par M. Frézier qui les planta à Plougastel, les îles, dont celle de Houat dans le Morbihan qui a l'une des écoles les plus petites du monde, n'ayant à la dernière rentrée que deux enfants dans la classe de CP, mais aussi dans toute l'école primaire, le golfe du Morbihan ( " petite mer " en breton ), les châteuaux de Kerjean, Fougères, Suscinio, Trévarez, les marées, le Triskell, le port de pêche de Doëlan ( Finistère, " fin de la terre " ),etc.<br /> <br /> Kenavo<br /> <br /> http://mespremiereslectures.com/Finisterrae-la-nouvelle-serie-aux.html<br /> <br /> http://www.babelio.com/livres/Bocquenet-Carle-Finisterrae-tome-1--Tu-garderas-le-secret/622291<br /> <br /> http://www.rageot.fr/livres/finisterrae-pour-qui-bat-mon-coeur-tome-2/<br /> <br /> Je conclus pour le moment en recommandant " Finisterrae " , en littérature jeunesse tendance fantasy - bien que commençant à Paris 17ème, rue de Wattignies, dans une famille d'origine bretonne mais à Paris depuis longtemps, l'héroïne Katell y étant née " .<br /> De Jeanne Bocquenet-Carle, originaire des Côtes-d'Armor où elle vit toujours. Illustrations de Krystel.<br /> Chez Rageot. J'avais découvert le tome 1 l'an dernier et acquis le tome 2 à sa parution il y a quelques mois.
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C
Cher Philippe<br /> Il existe diverses manières de mettre en valeur un territoire, tel que la Bretagne, d'en donner une image positive. En toute modestie, je crois que j'y contribue. D'autres pensent que l'identité bretonne passe obligatoirement par la langue. C'est leur droit, leur choix privé, de même que pour celui de pratiquer une religion. Émailler une conversation (ou un roman, ainsi que le fit parfois Hervé Jaouen), c'est très sympathique, plutôt plaisant. Au-delà, ça devient le domaine réservé de quelques « locuteurs en breton ». Beaucoup d'entre nous, toutes générations confondues, savent des phrases dans cette langue, ce qui ne signifie nullement que nous sommes « bretonnants ». Je préfère nettement l'initiative d'Hervé Lossec qui, dans deux livres, a recensé les « bretonnismes », formules issues du langage populaire :<br /> http://www.20minutes.fr/rennes/1539291-20150212-bretagne-mot-bretonnisme-fait-entree-petit-robert<br /> Je n'ai jamais entendu parler de Yann Fouéré. <br /> PS/Demain vendredi, je chroniquerai un roman-jeunesse.
P
Rebonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Avez-vous vu et peut-être acheté en kiosque ce numéro d'Express Grand Format sur les faits divers ?<br /> Je vous le recommande.<br /> Un auteur est homonyme du général Leclerc. Entendez par là non pas qu'il ait le même patronyme, vrai ( de Hauteclocque ) ou adopté ( Leclerc ), mais plus simplement qu'il a le même prénom. Beaucoup de gens ignorent le prénom ( usuel, les deux autres étant Marie et Jacques ) du général Leclerc, mais je pense que vous faîtes plutôt partie de ceux qui le connaissent. Sinon, une recherche sur Internet indiquera ce prénom.<br /> Donc, cet auteur, Jaenada de son nom de famille, a écrit un livre, je ne sais pas très bien si c'est un livre documentaire ou un roman non fictionnel, consacré à Pauline Dubuisson, sujet du livre de Serge Jacquemard ( Fleuve Noir, Crime Story, 1992 ) que vous avez chroniqué récemment. Livre qui figure parmi les cinq faits divers les plus marquants retenus par Jaenada dans sa page de ce numéro de l'Express Grand Format.<br /> Le livre s'intitulera " La Petite Femelle " .<br /> A paraître chez Julliard le 20 août 2015.<br /> <br /> Cordialement
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C
Mais oui, Philippe, le général Leclerc et Jaenada possèdent un très beau prénom, celui aussi du Maréchal Pétain. <br /> "Un récit palpitant, qui défie toutes les règles romanesques" Wouah, ça c'est de l'argumentaire ! Il faudra que je le replace dans une de mes chroniques... comme mauvais exemple. A côté de "ça se lit comme un polar", aussi médiocre. <br /> Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Vous savez qu'un nouveau livre d'Harper Lee, jusqu'à présent dans la situation exceptionnelle d'être l'auteur d'un unique livre mais considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur ( 1960 ), vient de paraître aux Etats-Unis ?<br /> Go and Set a Watchman<br /> En attendant sa parution en français chez Grasset en octobre 2015.<br /> Va et poste une sentinelle<br /> <br /> http://www.parislibrairies.fr/detaillivre.php?gencod=9782246858683<br /> <br /> http://www.executedtoday.com/2015/07/20/1934-not-walter-lett-to-kill-a-mockingbird-inspiration/<br /> <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Harper_Lee<br /> <br /> Vous avez aussi entendu parler de la réédition qui a déjà eu lieu de " Un été 42 " , d'Herman Raucher ?<br /> Chez Anne Carrière, collection La Belle Colère.<br /> <br /> http://www.parislibrairies.fr/detaillivre.php?gencod=9782843377891<br /> <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Herman_Raucher<br /> <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_%C3%A9t%C3%A9_42<br /> <br /> Comme la plupart des gens, j'avoue que c'est le film que j'ai vu, et encore il y a très longtemps.<br /> <br /> Cordialement
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C
Deux livres à découvrir, en effet, cher Philippe. Encore que je me demande si on retrouve la poésie du film 'Un été 42", avec une très belle musique, dans le roman ?