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Poche et grands formats : inédits ou rééditions, priorité à la qualité

Poche et grands formats : inédits ou rééditions, priorité à la qualité

Il semble subsister un fréquent malentendu entre format poche et grand format, ce qui s'applique au polar comme aux autres genres littéraires. Il est probable que, dans l'esprit de la majorité du public, le format poche soit toujours une réédition. Ou alors un livre de qualité moindre, ne méritant pas le grand format. Sans jouer aux nostalgiques, c'est oublier un peu vite qu'à partir de l'après-Guerre, ont été publiées des collections de polars en poche marquantes dans l'histoire de l’Édition. À commencer par la Série Noire, fêtant cette année ses soixante-dix ans. Mais aussi le Fleuve Noir Spécial-Police, les collections Un Mystère, Le Masque ou Crime-Club, et bien d'autres. Tous ces éditeurs ne publiaient (quasiment) que des romans inédits, dont bon nombre de petits chefs d'œuvres. C'est principalement à partir de la décennie 1970, que les polars en grand format furent plus courants. Au tournant des années 1980-90, le format poche déclina sévèrement.

Ces dernières années, le monde de l'édition a privilégié le grand format, quitte à diminuer ou faire l'impasse sur la production des poches. Développant les rééditions Folio Policier, Gallimard et la Série Noire ne publient plus que des grands formats. Le Masque tente encore quelques petits formats, mais semble préférer aussi la visibilité du grand format. Fleuve Éditions ne fait plus de poches. On pourrait continuer longtemps l'énumération. Néanmoins, le format poche inédit est loin d'avoir disparu. Chez Baleine, la collection Le Poulpe l'a montré depuis vingt ans. Le catalogue des éditions 10-18, en Grands Détectives ou en Domaine Noir, présente ponctuellement des inédits. On en trouverait aussi chez J'ai lu, Le Livre de Poche, Points (qui fête ses trente ans cette année), Pocket, etc. Même si pour l'essentiel, ce sont des rééditions, ce ne sont pas les exemples d'inédits paraissant en poche qui manquent.

Depuis une quinzaine d'années, des éditeurs basés en régions ont bien compris l'intérêt du "poche" pour leurs collections de polars inédits. On réduit le coût de fabrication, donc le prix de vente est plus attractif. Un principe appliqué, entre autres, par les collections Polar en Nord (lancée par Gilles Guillon), les éditions du Palémon (créées par Jean Failler), les éditions Alain Bargain, les éditions du Caïman (crées par Jean-Louis Nogaro), certains romans publiés chez Charles Corlet, etc. Initiative de "petits" éditeurs ? Pas exactement, si l'on considère qu'ils sont bien référencés et souvent diffusés hors de leurs régions. Quant à la qualité de ces romans, puisqu'il faut bien aborder cette question, elle réserve très souvent de bonnes surprises. N'ayons pas le snobisme de les mépriser, ce serait absurde.

Poche et grands formats : inédits ou rééditions, priorité à la qualité

Puisque ce "débat" a été lancé par mes amis Bruno, Pierre et Serge, autour d'un roman de Carlos Salem, “Un jambon calibre 45” réédité chez Babel Noir, souvenons-nous de son premier titre. “Aller simple” a été publié (assez confidentiellement, disons-le) chez Moisson Rouge en 2009, par Judith Vernant qui avait découvert cet écrivain. Avant que Carlos Salem n'intègre la collection Actes Noirs, c'est grâce à la réédition poche de “Aller simple” en Babel Noir que s'est élargie nettement la notoriété naissante en France de l'auteur. On vérifie que le format poche est, dans un tel cas de figure, à l'intersection du quasi-inconnu et du presque-inédit. Et nous parlons-là d'un auteur d'une riche originalité.

La qualité, donc ? François Guérif et Jeanne Guyon ont remis les choses en place dans une récente interview chez mes camarades du site Unwalkers : “Pour ce qui est du passage en grand format d’auteurs comme Christian Roux ou Dominique Forma, cela ne signifie pas du tout que leurs nouveaux livres "méritent" le grand format contrairement aux précédents. Il n’y a pas de différence qualitative entre Rivages/noir et Rivages/Thriller. En revanche, le poche, même inédit, étant largement ignoré par la critique (on ne parle pas de vous), il nous est devenu nécessaire de donner deux vies à nos auteurs français chaque fois que possible : en grand format, puis en poche de façon à conserver ce qui nous tient à cœur : que les livres restent financièrement accessibles…”

Peut-être est-ce aux éditeurs eux-mêmes de clarifier les différences. Prenons un exemple avec “Dernière conversation avec Lola Faye” de Thomas H.Cook, publié chez Points en 2014. Il s'agit bien d'une première édition. Sans le bandeau amovible, le fait qu'il s'agisse d'un inédit était peu signalé. De même, chez Rivages/Noir et chez 10-18, ou d'autres éditeurs, on ne remarque pas forcément le mot “Inédit” sur la couverture. On ne veut pas charger les mentions diverses, c'est vrai. Mais ça pourrait figurer en plus gros caractères, et ça deviendrait un argument de vente supplémentaire.

Un mot sur la formule de Jeanne Guyon : “Le poche, même inédit, étant largement ignoré par la critique”. Elle a en grande partie raison, bien entendu. Toutefois, c'est aussi le résultat du marketing des éditeurs (pas seulement chez Rivages, soyons clairs) : Si on assiste à une énorme promotion pour le nouveau James Ellroy, locomotive incontestée, on va moins s'intéresser dans les médias à d'autres auteurs, et c'est le format poche qui en pâtit en premier. Ce serait vrai pour Stephen King, Harlan Coben, Franck Thilliez, etc. bénéficiant d'échos en grand format. Souvent les médias “volent au secours de la victoire” et n'évoque qu'avec parcimonie le reste. C'est leur choix, que l'on respecte, mais ça n'aide guère le format poche, admettons-le.

Poche et grands formats : inédits ou rééditions, priorité à la qualité

Reste la question des rééditions qui semblent hâtives, soulevée par Pierre. Si plus ou moins deux ans entre la parution d'origine et la version poche est assez courant, il n'existe pas de délai "minimal". Sachant que certains auteurs continuent à présenter leurs ouvrages grands formats dans des festivals et salons, c'est au lecteur de choisir parfois entre cette version et celle déjà publiée en poche. Cela dit, même pour des polars de belle qualité, il faut reconnaître que leur première carrière est quelquefois fort courte. S'ils ne sont pas "rattrapés" par un prix littéraire (ce fut le cas de “Monsieur le Commandant” de Romain Slocombe, par exemple), c'est direct en collection poche. Soyons autant que possible objectifs : cela tient aussi à la pléthore de polars publiés, tous ne peuvent d'emblée rencontrer un large public. La réédition est une seconde chance.

Inédits ou rééditions, les formats "poche" ont quelques atouts. Comme le rappelait l'ami Bruno : “On sait que certains lecteurs n'ont pas les moyens de s'offrir des livres à 23 ou 25 €, et l'édition poche c'est quand même pour accéder à ces œuvres. Enfin, pour avoir discuter parfois avec des libraires, l'actualité d'un grand format c'est en moyenne trois mois, cinq dans le meilleur des cas, après il est relégué dans les rayonnages et oublié.” Deux ou trois livres pour le prix d'une nouveauté, pas négligeable. Serge B. complète en soulignant : “Il est un autre attrait que financier pour le format poche : le gain de place sur les étagères (chez tout lecteur passionné sommeille souvent un collectionneur compulsif…)” Quant aux grands noms du polar et du roman noir jamais (ou mal) réédités, c'est extrêmement regrettable.

Merci à Serge, Bruno (Passion-Polar) et Pierre (BlackNovel1), de m'avoir offert l'occasion d'aborder un sujet qui serait encore plus vaste à traiter, sans nul doute. L'essentiel, c'est bien sûr de lire… des polars.

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L
Cet article est absolument passionnant, merci d'avoir partagé cette analyse.
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C
Bonjour<br /> Juste une petite synthèse, entre autres pour rappeler l'intérêt du format poche.<br /> Amitiés.
S
Salut Claude<br /> Belle contribution à un débat pas si anodin, merci !<br /> J’ai cru comprendre ceci :<br /> - Tant qu’un grand format se vend, marché entretenu. Si essoufflement, bifurcation vers la voie de traverse poche, filon commercial complémentaire à exploiter. Corollaire : quand bide initial en grand format (rien à voir avec la qualité du bouquin, bien sûr), chance réduite ou nulle d’accéder au texte en poche !<br /> - Le poche est un produit d’appel idéal: toute nouvelle publication GF d’auteurs phares (P. Cornwell, R. Rendell, D. Leon, M. Connelly…) s’accompagne de la sortie parallèle en poche de leur opus précédent.<br /> La littérature est un art, c’est aussi une industrie…<br /> Amitiés.
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C
Salut Serge<br /> Il y a deux domaines où l'on ne mesure pas l'aspect "industriel", en effet, ce sont le tourisme et l'édition. Pour le public, ça s'associe aux "loisirs" dans les deux cas. C'est oublier que ce sont des filières structurées, avec quantité d'emplois à la clé. Il s'ensuit donc une "commercialisation" répondant à des normes... industrielles, oui. <br /> Sinon, tu as parfaitement résumé le parcours d'un livre. <br /> Petit complément : l'Edition étant avare de chiffres titre par titre. Ne nous fions pas aux "meilleures ventes", car ça représente la mise en place dans les points de vente, sans tenir compte des retours. Difficile de savoir quels livres sont de réels succès, ou des bides absolus. <br /> Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher et tout le monde,<br /> <br /> Sur le sujet distinct mais lié des librairies indépendantes, voyez cet article sur Jeunesse Lille 3, qui en indique un autres sur Télérama.<br /> <br /> http://jeunesse.lille3.free.fr/article.php3?id_article=2140<br /> Fête de la librairie indépendante<br /> Samedi 25 avril 2015<br /> <br /> http://www.telerama.fr/sortir/face-aux-geants-de-l-industrie-culturelle-les-libraires-organisent-la-resistance,125769.php<br /> <br /> http://www.telerama.fr/sortir/litterature-nos-librairies-preferees-a-paris,125714.php<br /> <br /> http://www.telerama.fr/sortir/les-meilleures-librairies-specialisees-de-paris,123451.php<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> C'est évidemment la librairie indépendante que nous défendons en premier. On y trouve davantage de conseil, a priori, et la possibilité de dialogue. Nous sommes tous conscients de leur fragilité économique. Il ne leur est pas aisé de "cibler" une clientèle précise et fidèle. Toutefois, nous restons lucides. Les ventes via les grandes surfaces "culturelles" sont les plus conséquentes. Si je fais mes achats chez Leclerc, oui il est possible que parfois je fasse le détour par le "centre culturel Leclerc" du magasin. Mea culpa, mais c'est ainsi. En outre, les centres-villes (où se trouvent beaucoup de libraires indépendants) ont perdu de leur attrait pour les clients pressés d'aujourd'hui. Le problème n'est pas uniquement "le livre", mais plus généralement "la société" telle qu'elle fonctionne.<br /> Amitiés.
T
Bonjour Claude ! Je ne te boude pas, tu sais, mais avec le PC du travail, je ne sais jamais laisser de commentaires, j'ai beau appuyer sur "valider", rien ne se passe... alors, je suis obligée de te lire à la maison pour pouvoir laisser une trace de mon passage.<br /> <br /> Anybref, comme dit une amie, j'ai bien aimé cette petite discussion sur la taille des romans... En effet, vu qu'en Belgique, les livres sont plus chers qu'en France, claquer 25€, ça fait mal. J'attends parfois les éditions en Poche et si je ne veux pas attendre, je file en seconde main, il en ont souvent dans les quelques jours qui suivent les grandes sorties, à croire que certains sont tombés des camions...<br /> <br /> Les petits prennent moins de place, mais les grands ont plus de gueule dans les étagères... et dommage que les petits formats ne soient pas lus par les critiques :(
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C
Bonjour Belette<br /> En son temps, le "prix unique du livre" adopté en France a fait débat (comme tout le reste, nous sommes assez chicaneur, dans l'hexagone). Pourtant, c'est toujours une excellente chose, cette régulation permet de ne pas subir des tarifs excessifs. Il y a parfois 3 ou 4 Euros de différence, en moins, par rapport à d'autres pays francophones. On ne peut pas dire que ce soit anecdotique pour celles et ceux qui lisent beaucoup. Certains de tes compatriotes en vacances, j'ai pu le constater, se procurent en France une petite quantité de livres. <br /> Quand on aime être entourés de livres (c'est quand même notre décor favori, non ?) le grand format, c'est plus flatteur. Moi qui suis au milieu de mes "vieilles" collections (Fleuve Noir, Un Mystère, Série Noire) en format poche, je m'y trouve bien aussi.<br /> Il faut souligner que les critiques des médias reçoivent des wagons de livres. Sans défendre quiconque, le choix n'est pas toujours facile. Et puis, il y a les options rédactionnelles de la presse, autre question.<br /> Amitiés.
H
excellent j'ai rien à rajouter, excellent
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C
Aie, aie, aie, c'est pagaille à tous les étages dans la présentation des commentaires et de mes réponses. Sûrement une innovation signée Over-Blog. Amitiés.
T
Oui, je profite aussi de mes vacances pour acheter des livres neufs, mais niveau occase, ils sont plus chers que chez nous. <br /> <br /> Mes vieilles éditions me font plaisir aussi dans ma biblio, elles sont belles, elles ont leur charme, tout comme les nouvelles éditions en grand !
C
Merci, on fait c'qu'on peut pour éclairer la question.<br /> Amitiés.
W
Bien bel article,beau travail Claude.Et en plus j'ai appris des trucs que tu as lus sur notre site et que j'ignorais vu que Rivages moi...
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C
Salut W.<br /> Merci, ça encourage toujours. C'est surtout, bien que j'aie lu cette interview, l'ami Serge B. qui avait relevé ce passage intéressant. En conclusion, ne négligeons pas nous non plus les formats poche, on y trouve de très bons romans.<br /> Amitiés.
L
voilà un article des plus intéressants ! merci d'avoir pris le temps de te pencher sur cette question soulevée par hasard au détours d'un échange de commentaires ! Comme on tire toujours quelque chose de positif du dialogue ! amitiés
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C
Absolument, mon cher Bruno, du dialogue nait toujours le positif.<br /> L'évolution de l'édition française méritait bien qu'on y jette un œil attentif. <br /> Amitiés.
B
Vaste sujet je considère que nous avons besoin des deux formats et ca vaut pour les auteurs les librairies et les lecteurs, <br /> article tres pertinent
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C
Merci. Oui, il ne faut négliger ni l'un, ni l'autre, au risque de rater de bons titres.4<br /> Amitiés.
N
Bonjour Claude,<br /> Il me semble que la parution grand format soit parfois nécessaire non seulement pour amortir les coûts de traduction, mais aussi, et comme le rappelaient il me semble Jeanne Gyon et Guérif sur Unwalkers (à moins que je me mélange les pinceaux et que ce soit d'autres personnes, et ailleurs), que grands formats et poches ne visent pas le même public, ni même parfois les mêmes librairies. Par chez moi, de très petites librairies n'ont qu'un rayon polars extrêmement réduit constitué seulement de quelques nouveautés en grand format..<br /> Amitiés.
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C
Bonjour Norbert<br /> Tu as raison concernant les points de ventes, autre aspect du sujet. Une "petite" librairie (ce n'est nullement péjoratif) va peut-être privilégier les grands formats avec, assez souvent, un "mur" de formats poche pas très étendu. A l'inverse des "grands réseaux culturels", qui ont de la place pour quantité de livres, tous formats. <br /> Même public ou pas ? Les facteurs (contexte social, âge des lecteurs, vie urbaine ou non, etc.) ont tellement évolué ces dernières années qu'il me parait quasi-impossible de dresser le portrait du lecteur-type. Je devrais dire "de la lectrice type", semble-t-il, d'après les études sur ce point. Encore que, quand on converse avec elles, on constate assez fréquemment que si elles sont les "acheteuses", le compagnon ou les enfants sont aussi lecteurs des mêmes livres. <br /> Concernant les "coûts de traduction", il est certain que l'éditeur ne doit pas trop se planter sur l'impact commercial à venir d'un roman traduit. Plus de rentabilité espérée en grand format, c'est fort possible.<br /> Amitiés.
P
Merci Claude pour ce billet. il n'y a rien à ajouter. Amitiés
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C
C'était une manière de "faire le point" sur l'édition actuelle. Il est rare que j'aborde ce thème, je préfère évoquer les livres. Mais une réflexion sur le sujet ne me semblait pas inutile.<br /> Amitiés, mon cher Pierre.