Né en 1960, Abdel-Hafed Benotman était un repris de justice et un créatif artistique. Pour connaître son parcours de délinquant, il suffit de consulter Wikipedia. Hafed n'a jamais rien renié de cette expérience, qui le fit passer une bonne partie de sa vie derrière les barreaux. Mais, parce qu'il l'aurait sûrement voulu ainsi, on se souviendra d'Hafed pour ses livres, et pour son caractère positif.
Je me souviens de notre première rencontre, sous le chapiteau de Rue des Livres, à Rennes, au pied des HLM. Hafed lisait le journal, et on a sympathisé illico. Par la suite, je me souviens de lui à Lamballe (Noir sur la Ville). La veille, il avait discuté à bâtons rompus avec des scolaires. Ça lui avait fait un plaisir fou : Hafed en avait encore des étoiles plein les yeux. Une autre fois, c'était à Mauves-sur-Loire. À propos de son livre Coco, illustré par l'amie Laurence Biberfeld, publié par Cyril Herry aux Editions Ecorce. Hafed était heureux qu'on parle de ce livre, dont les bases remontaient à un de ses séjours en prison. Il avait inventé cette histoire délirante pour ses codétenus. C'était publié, et ça c'était un vrai bonheur pour lui.
La dernière fois, c'était à Penmarch, au Goéland Masqué. Un petit défi entre nous, concernant l'argot. Hafed était sans doute le dernier à savoir traduire l'expression « brûler le dur ». La santé d'Hafed ne lui a pas permis d'aller plus loin. Les jérémiades, ce n'était pas son truc, lui qui avait subi la noirceur de l'univers carcéral. Il n'empêche, penser que je ne croiserai plus Hafed au hasard d'un festival polar, ça me fait venir une larme de rage.