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Vers 1988, Anne Seibert est une publicitaire free-lance âgée de trente-trois ans. Divorcée d'un mari violent désormais interné, elle s'est installée depuis trois mois à New Rochelle, dans l’État de New York. Anne est insomniaque, et les conseils du spécialiste qui la suit n'y peuvent pas grand-chose. Quand elle se lève au milieu de la nuit, il n'est pas rare qu'elle voit rentrer son voisin, Mark Chaney. Grand, robuste, âgé de trente-six ans, arborant une Rolex et conduisant sa Jaguar, c'est un homme qui respire la réussite et la séduction. Il dirige avec son ami Emil Welder une florissante société de conseil financier. Son habitude de rentrer à plus de trois heures du matin est due à ses voyages d'affaires, semble-t-il. À son amie Carol, Anne avoue qu'elle se sent attirée par son charmant voisin.
Au contraire, Mark Chaney est gagné par la paranoïa. Il imagine que, si Anne est debout à l'observer chaque nuit, c'est qu'elle le surveille. Qu'elle est chargée de mener une enquête sur lui. Qu'elle représente donc un danger contre lequel il doit réagir. Sous son allure si classieuse, Mark Chaney est un assassin. Souvent, la nuit, il ramène ses victimes dans le coffre de sa Jaguar. Il les descend dans sa cave verrouillée, ultra-sécurisée, les place dans un congélateur. Ses cibles ne sont pas choisies au hasard. Il s'agit de personnes qui ont autrefois causé du tort à Emil Welder et à lui-même. Adolescents au lycée de Bell Grove, suite à des dénonciations, on les traita comme des malfaisants. Ils passèrent quatre ans dans une institution, ce qui justifie l'implacable vengeance de Mark Chaney.
Anne dort mieux depuis les prémices de cette relation avec son voisin. Il l'a invitée un soir chez lui, l'autorisant à visiter entièrement sa belle maison. Ce qui excite plus encore la paranoïa de Mark, lequel songe à provoquer un faux suicide de la jeune femme. Trop de risque d'amener la police dans leur quartier, se raisonne-t-il. Pourtant, leurs maisons sont déjà surveillées à leur insu. Car, suite aux soupçons du FBI sur les activités financières de Mark, l'équipe du policier Angelo Garibaldi s'intéresse à eux. Y compris au cas d'Anne, qui pourrait être la complice de Mark Chaney.
Après une sortie en couple pour une balade dans la région, Anne doit partir en mission à Detroit. Mark en profite pour faire une visite clandestine chez elle, remarquant son appareil photo et une arme à feu. De Philadelphie, où il a retrouvé son ancien proviseur, en passant par Washington, où habite la psy qui traita le cas des deux ados, jusqu'aux environs du campus d'Amherst, le voisin d'Anne poursuit son périple criminel. Quelque peu jalouse de ces voyages mal expliqués, la jeune femme ne réalise pas la dangerosité de la situation…
Ce qui est épatant dans un tel suspense, c'est que nous avons sous les yeux l'intégralité des faits. Ce faisant, William Katz respecte la loi n°2 édictée par S.S.Van Dine dans ses “Vingt règles pour l'écriture de romans policiers” : «L'auteur n'a pas le droit d'avoir recours, vis-à-vis du lecteur, à des ruses et des procédés autres que ceux utilisés par le criminel à l'égard du détective.» Certes, les policiers ne jouent qu'un rôle accessoire, mais le lecteur n'est aucunement trompé par l'auteur.
L'assassin, maladivement intrigué par les insomnies de sa voisine, son complice, la série de meurtres et les cadavres ramenés dans le coffre de voiture, tout est raconté. Et pourtant, l'intrigue fonctionne à merveille. Face à ce cruel voisin, William Katz évite même la facilité artificielle de charger l'ambiance. Si «Le véritable roman policier ne doit pas comporter d'intrigue amoureuse» disait aussi Van Dine, l'auteur détourne cette idée. Anne est une victime potentielle, oui, mais rien ne vient vraiment l'effrayer. C'est dire que, loin d'être glauque, on nous présente l'histoire avec une belle subtilité. Dans la tradition, un suspense impeccable, tout simplement.