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Les faits divers bruts ne donnent pas de bons sujets de romans. Une vengeance mesquine ou une altercation tournant mal, c'est insuffisant pour exploiter une fiction sur ces bases. En tant que journaliste, relater de sinistres faits divers peut toutefois avoir son utilité. Ce fut le cas de Michael Connelly, de 1984 à 1992, avant qu'il ne rencontre le succès comme romancier avec “Les Égouts de Los Angeles”. Né en 1956, il va habiter en Floride avec ses parents dès 1968. C'est ainsi que débutera sa carrière de reporter à Fort Lauderdale, pour le South Florida Sun-Sentinel, avant d'être plus tard engagé par le Los Angeles Times.
En préambule des articles qu'il signa, réédités dans ce livre, Michael Connelly revient sur les “instants” qui ont déterminé sa passion du faits divers, puis de la fiction. Son propre vécu, mais surtout celui des enquêteurs qu'il côtoya, tous ces petits signes et détails qui apportent du réalisme à un récit, c'est dans cette expérience journalistique qu'il les puisa. “Ce que je vous dis ici, c'est qu'il a fallu tous ces instants pour être en mesure de faire ce que je fais aujourd'hui. Ce que j'ai vécu avec les flics et les assassins, et les jours que j'ai passés à traquer le crime m'ont été d'une aide inestimable dans mon travail d'écrivain.”
Que ce soit en Floride ou à Los Angeles, la criminalité n'est pas anecdotique aux États-Unis. En témoigne le premier texte présenté, datant de 1987. Le 29 juin de cette année-là, c'est déjà le 38e meurtre auquel est confronté le sergent George Hurt, de la brigade des homicides de Fort Lauderdale. Le nommé Walter Moody a été poignardé chez lui, dans son immeuble pourtant tranquille. Très tôt, la meilleure hypothèse désigne un certain Troy, un jeune Blanc qu'il hébergea contre des travaux. Un deuxième meurtre intervient peu après, lors d'une altercation entre des Noirs et des homos. Il y aura une troisième victime, dans la même période. On peut imaginer une série de crimes reliés entre eux. Non, car seuls le premier et le dernier possède un point commun et seront bientôt résolus.
Toujours en Floride, le travail de terrain, c'est aussi celui des policiers anti-mafia de la MIU. Originaire de Philadelphie, le caïd Nicky Scarfo pense passer davantage inaperçu que dans son fief, où eurent lieu dix-sept meurtres liés à la mafia à l'époque où il prenait la direction de tous les rackets. L'inspecteur Chuck Drago lui paraît plutôt franc pour un flic. Ce qu'ignore encore Scarfo, c'est que l'ensemble de son réseau est sous la surveillance de Steeve Raabe et de son équipe de la MIU. S'il passa un moment entre les mailles du filet, Scarfo fut finalement arrêté, début 1987, à l'aéroport de Fort Lauderdale... Plus tard, à Los Angeles, Michael Connelly évoquera avec minutie le rôle parfois compliqué ou tragique des policiers dans quatre autres affaires, sur lesquelles il écrivit des articles.
La deuxième partie de cet ouvrage s'intéresse au parcours de plusieurs assassins notoires. En Floride, c'est durant l'année 1984 que Christopher Wilder va être rattrapé par ses antécédents criminels. Se faisant souvent passer pour un photographe pro, elle attire chez lui les aspirantes mannequins qu'il viole et qu'il supprime. Selon le FBI, on recense au moins huit victimes... Plus souriant peut-être, “le gang des tire-pas-droit” relate les méfaits maladroits d'une petite bande de tueurs à gages à travers le pays. Si l'on ne compte plus leurs ratages, ils firent néanmoins plusieurs victimes avant d'être arrêtés.
En Californie, le cas de David Miller est une des plus exemplaires histoires de “double vie” qu'on puisse raconter. Vague conseiller indépendant auprès de la Chambre de Commerce, il habite Granada Hills avec sa femme et leurs enfants. Son épouse ne participe pas à sa vie publique, par sécurité prétend-il, car il lui dit qu'il appartient à la CIA. Il expédie sa famille en Floride, sous le même prétexte. Son activité étant loin d'être florissante, David Miller s'endette de plus en plus lourdement, signe des chèques sans provision, n'est plus guère présent à son agence. Entre-temps, il a fait la connaissance d'une autre femme, et s'est marié à Las Vegas – à l'insu de sa première épouse légitime. Fuyant les créanciers, David Miller envoie la deuxième Mme Miller à son tour en Floride, où il finit par la tuer.
Autre double vie californienne (dans la 3e partie du livre), celle d'un certain Michael Bryant, de son vrai nom Francis Malinovsky. Sympathique voisin aux yeux de tous, on découvre que ce jardinier cultive de la marijuana en quantité, alimentant un juteux trafic. Pourtant, c'est avant tout son passé dans le Vermont qui intéresse la Justice. Là-bas, il fut soupçonné du meurtre d'une amie, avant de refaire sa vie... Dans toutes ces affaires chroniquées de 1984 à 1992 par Michael Connelly, le futur romancier démontre déjà de fines qualités narratives, retraçant avec un soin précis autant qu'avec fluidité le caractère des personnages et les faits. Traduit en français il y a quelques années, ce livre est désormais proposé dans la nouvelle collection “Crime” chez Points. Une autre facette du talent de cet écrivain.