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Chez Points, Frantz Delplanque “Du son sur les murs” et Karim Miské “Arab Jazz”

Pour les amateurs des meilleurs polars préférant les éditions de poche, voici deux titres à retenir en mars 2014 : Karim Miské, récompensé par le Grand prix de Littérature policière pour “Arab Jazz” ; et “Du son sur les murs” de Frantz Delplanque, première aventure pleine de rythme et d'humour de Jon Ayaramandi.

 

Frantz Delplanque : "Du son sur les murs"

Jon est un paisible retraité âgé de soixante-huit ans, habitant à Largos, sur la côte landaise. Il partage avec son copain Jean-Luc, le patron du bar Le Cap’tain, la passion du rock puissant. Il flâne volontiers dans les dunes, où il croise tous les jours Al, le pêcheur. Pas très loquace, ce quadragénaire handicapé avec sa béquille se montre amical. Papy de substitution, Jon s’occupe avec tendresse de la petite Luna, la fille de sa voisine Perle, vingt-huit ans. Le passé d’orphelins de Jon et Perle les a rapprochés, autant que la manière dont le retraité a débarrassé sa voisine d’un amant violent. Encore athlétique, Jon a trouvé son équilibre à Largos. Il est un peu contrarié de la relation amoureuse entre Perle et Al. Mais lui aussi, il va trouver l’élue de son cœur, la quadragénaire Louise.

Précédemment, Jon Ayaramandi a connu une vie agitée. Après avoir supprimé le fiancé de sa première petite amie, il est entré tôt au service du caïd mafieux Marconi. Il fut un des meilleurs tueurs professionnels de sa génération, bien plus habile que son collègue Burger, le mauvais. Jon a une trentaine de meurtres à son actif, crimes parfaits puisque passant pour des morts naturelles. Perle est aujourd’hui la seule qui connaisse les compétences du “papy” de Luna. C’est pourquoi, quand elle s’aperçoit qu’Al a disparu, elle fait appel à lui afin de le retrouver. Jon est un ex-tueur, pas un détective, même amateur. On peut penser que l'ivrogne Flamby a été témoin de la disparition d’Al, mais Flamby est introuvable. Plus inquiétant, Jon a remarqué dans les parages son ex-collègue Burger. Faire le lien entre lui et l’absence d’Al apparaît plausible...

Raconter sur le mode sérieux les aventures d’un tueur pro sexagénaire n’aurait gère d’intérêt. L’auteur utilise donc une tonalité quelque peu ironique et décalée pour rendre crédible le récit. Puisqu’il ne s’agit pas d’un roman d’enquête, le méchant adversaire est vite identifié. Par contre, bien des précisions sont encore à découvrir. En particulier, savoir comment Al est mort plusieurs fois. L’histoire se déroule sur fond de rock très rythmé. Le livre est aussi présent : “J’étais en train de battre des records de vitesse de lecture, mais sans en perdre une miette. Je prétends qu’on peut savourer un livre sans «prendre son temps» : à mon âge, on s’inquiète pour tout ce qui reste à lire et qu’on n’a pas lu, alors autant dire qu’on n’a pas envie de traîner.” Les lecteurs passionnés ne peuvent qu’adhérer. Intrigue sinueuse et narration enjouée autant que tonique, pour un premier roman réellement très réussi. Le même héros reviendra dans “Elvis et la vertu”.

Chez Points, Frantz Delplanque “Du son sur les murs” et Karim Miské “Arab Jazz”

Karim Miské : "Arab Jazz"

Hôtesse de l’air, Laura Vignola a été assassinée chez elle, dans un immeuble du 19e arrondissement de Paris. Elle est morte d’hémorragie après avoir été mutilée, torturée. La jeune femme était issue d’une famille de Niort adepte des Témoins de Jéhovah, avec laquelle elle avait rompu tout contact. La police a été alertée par un appel téléphonique venant du 18e. Les flics de ce quartier n’ont pas trouvé de témoins, ou sont réticents à collaborer avec leurs collègues du 19e. En réalité, le premier qui a découvert le cadavre, c’est Ahmed Taroudant, voisin de la victime. Âgé de trente ans, ce métis arabe vivote en touchant l’Allocation Adulte Handicapé. Il fut suivi par le Dr Germain, un psy, suite à une sévère dépression. La passion d’Ahmed, ce sont les polars classiques ou moins bons qu’il achète au bouquiniste brocanteur du coin, M.Paul. Par ailleurs, Ahmed se laisse souvent envahir par des rêves et des réminiscences de son passé tourmenté.

N’ignorant pas qu’il ferait un parfait suspect, Ahmed prétend ne rien savoir face aux enquêteurs. Un curieux duo, ces deux protégés du commissaire Mercator. La rousse Rachel Kupferstein, Juive ashkénaze, admiratrice d’Ellroy comme Ahmed, s’interroge sur le possible sens religieux du meurtre. Sceptique face aux croyances, elle est certaine qu’on a voulu souiller la victime. Son partenaire Jean Hamelot est fils de communiste de Saint-Pol-de-Léon. Ce Breton lunaire préfère Horace Mac Coy ou Hammett, parmi les valeurs sûres du roman noir. Au commissariat, Rachel sait pouvoir se fier au jeune flic Kevin Gomes. Selon lui , les parents de Laura sont des Témoins de Jéhovah aux convictions extrémistes. De son côté, Ahmed doit reprendre des séances chez le psy, s’il veut avoir l’esprit clair afin de contribuer à l’enquête. Rachel et Jean espèrent que les amies étudiantes de Laura leur offriront une piste exploitable. Si le crime est religieux, faut-il suspecter plutôt parmi les jeunes le Juif hassidique Ruben ou le prêcheur musulman Moktar. Ahmed, Rachel et Jean pourront-ils vraiment éclairer les mystères de cette affaire ?

Ce roman (dont le titre s’inspire du “White Jazz” de James Ellroy) a été récompensé par le Grand prix de Littérature policière 2012. Un très bon choix du jury. Les trois principaux personnages sont amateurs de polars, ce qui offre déjà une complicité avec les lecteurs. Ahmed et son mur de livres, les passionnés s’y reconnaîtront. Deuxième atout favorable, ces trois-là ont un passé compliqué, chargé, qui induit sans doute leur difficulté quant à l’approche du sexe. L’ombre de Freud et de Lacan plane sur leur personnalité, autant que leur vécu familial. Enfin et surtout, religions et communautarismes sont au centre de cette histoire complexe. Un thème actuel, omniprésent dans cet arrondissement bigarré dont l’auteur se plaît à décrire l’ambiance. Ahmed ou Rachel ont pris de la distance par rapport aux croyances. À l’inverse, on observe ici une radicalité dans la pratique religieuse, les intégrismes de tous bords manipulant les esprits et les trafics. Un phénomène pas si aisé à décrypter. Le roman noir témoigne de telles questions sociétales, c’est bien ce que fait Karim Miské dans cette sinueuse et passionnante histoire.

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P
Salut Claude. A noter le slogan que j'aime bien (polar made in France), mais surtout il faut lire Guerre Sale de Dominique Sylvain qui sort en même temps et qui était un coup de coeur chez moi. Je vais bientôt lire ces deux là et en particulier Arab jAZZ;Amitiés
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C
Salut Serge<br /> J'ai tenu à signaler ces deux-là en priorité, d'une qualité indiscutable, mais il y a plusieurs sorties en poches sur lesquelles je reviendrai sans tarder. Chez Points, et chez 10-18, en particulier. Peut-être qu'après avoir subi un &quot;purgatoire&quot;, les suspenses psychologiques de Boileau-Narcejac vont de nouveau avoir leur chance, ce qui serait justice. Quant au recueil Quais du Polar, y a de quoi saliver !<br /> Amitiés.
S
Salut Claude.<br /> Ces deux-là sont sur ma liste d'achat du mois. Pour les amateurs de textes courts, et à l'occasion des 10 ans de Quais du Polar&quot;, à signaler aussi que Point Seuil publie un recueil composé de 9 nouvelles inédites écrites par chacun des lauréats des années précédentes. Vu la pointure des auteurs, il est permis de saliver... Tant qu'à faire (et bien que les ayant déjà) , je me réjouis aussi de la réédition en Folio Policier de deux classiques de Boileau-Narcejac: content que ce tandem surdoué ne sombre pas dans l'oubli.<br /> Amitiés.
C
Salut Pierre<br /> Belle salve de polars &quot;made in France&quot; chez Points, en effet. Dominique Sylvain, dont je reparlerai, bien sûr. &quot;Arab jazz&quot; que j'ai beaucoup aimé. Ne pas négliger l'humour de Frantz Delplanque, un talent qui émerge.<br /> Amitiés.