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Bon nombre de polars dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir furent de qualité très satisfaisante, certains étant même supérieurs. Mais on pouvait parfois tomber sur un roman qui, dès les premières pages, s'annonçait comme un nanar. J'estime que ce fut le cas de “La chasse au petit salé” de Giova Selly, datant de 1980. Certes, les auteurs ne sont pas obligés de tout savoir sur ce qu'ils décrivent, de vérifier chaque détail. Pourtant, il est généralement facile de s'informer. Des brochures renseignent depuis toujours sur la géographie ou l'histoire, par exemple. Dans ce cas, l'auteure n'avait qu'à consulter une fiche horaire SNCF pour ne pas se tromper à ce point.
Situons d'abord l'histoire, à travers ses premières pages.
En 1980, Hubert Bezon est venu pour affaires en Bretagne sud, entre pays bigouden et pointe du Raz. Il veut y bâtir un centre de vacances. Cette nuit-là, accompagné par un certain Ferrot, il prend le train pour rentrer à Paris, en gare de Quimper vers 22h30.
« — Ça va. Votre train entre en gare dans dix minutes. Vous l'aurez.»
Ferrot l'accompagne dans le hall de la gare.
« — Quai 1. C'est parfait, commenta Ferrot. Vous n'aurez pas à traverser, c'est le premier.
Malgré l'heure tardive, il y avait beaucoup de monde.
— Vous verrez, il est omnibus jusqu'à Rennes, mais ensuite direct pour Paris. Vous devriez y être vers deux heures du matin.
— J'ai retenu une couchette, dit Bezon. J'arriverai frais et dispos...»
Voici que le convoi arrive en temps et heure.
« — Quai n°1... Attention, s'il vous plaît. Le train en provenance de Brest, Châteaulin, entre en gare. Cinq minutes d'arrêt.»
Hubert Bezon monte à bord du train, voiture 10.
« — Attention quai n°1, clama le haut-parleur à l'extérieur. Train omnibus Quimperlé, Pontivy, Loudéac, Rennes... En voiture, s'il vous plaît.»
Passé minuit, le train arrive en gare de Rennes, où tous les voyageurs vont être bloqués à cause d'une grève surprise. Il leur faut trouver une chambre d'hôtel pour la nuit.
« Lui qui n'avait jamais voulu remettre les pieds à Rennes, c'était réussi.»
Quand il sera de retour à Paris, il découvrira que son épouse Florence a été assassinée en son absence...
Ce préambule, qui ne couvre qu'une vingtaine de pages, est riche en détails d'une énorme absurdité.
Passons sur le quai n°1 qui est le premier (!).
Ce train est en provenance de Brest ? Non, Quimper est une gare de départ vers Paris, ce qui est aussi de son côté le cas de Brest. Il existe une ligne de chemin de fer entre ces deux villes, via Châteaulin, mais avec correspondance pour les trains en partance. On ne monte donc pas dans un train “en provenance de...”
Continuons avec le trajet annoncé. Aucun Quimper-Paris (même en 1980) n'est jamais passé par les villes de Pontivy et Loudéac, situées vers le centre de la Bretagne. Comme le savent des milliers de voyageurs, Rosporden, Quimperlé, Lorient, Hennebont, Auray, Vannes et Redon sont les gares desservies par cette ligne avant Rennes.
Le trajet débute à 22h30, avec arrivée à Paris annoncée à 2 heures du matin ? Rapide, ce train de nuit de 1980, qui ne met que trois heures trente pour rallier ces deux villes. En 2013, il faut encore quatre heure quarante minimum en TGV. On pourrait finasser davantage. En se souvenant qu'à l'époque (c'est du vécu), la plupart des trains de nuits “couchettes” entre la Bretagne et Paris passaient par Nantes et non par Rennes.
Que d'imprécisions, alors que le héros Hubert Bezon est censé avoir vécu durant la guerre à Rennes, dont il garde de ce fait un souvenir déplaisant. Qu'en est-il de la suite de cette intrigue ? Il faut bien avouer qu'après avoir lu tant d'âneries en si peu de pages, il n'y a plus qu'à refermer ce nanar, et choisir un meilleur roman, mieux documenté.