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4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 05:39

 

La carrière du romancier nantais Serge Arcouët (1916-1983) débuta dès 1947. Il écrivit sous divers pseudonymes : John Silver Lee, Russ Rasher, Terry Stewart pour la Série Noire. De 1953 à 1969, c’est sous le nom de Serge Laforest (en breton, Arcouët ou Arcoat signifie "la forêt") qu’il publia trente-cinq romans policiers dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir. Beaucoup cultivent des ambiances dignes du pur roman noir, d’autres sont de savoureuses comédies. En voici quelques exemples…

 

Les Croix de cire (1964)

LAFOREST-1Deux jeunes d’à peine vingt ans ont disparu sur l’île d’Ouessant. D’abord François Morvan, puis Noëlla Berven. L’enquête est un échec pour le premier policier envoyé à Ouessant. Le commissaire Yves Glénan va s’en charger en personne. Il est natif de l’île, qu’il a quittée depuis longtemps. Ses origines devraient rendre la population plus coopérative. Il est invité à s’installer chez Thérèse, son ancienne nourrice. Pour la mère de Noëlla, comme pour les parents de François, leurs enfants sont assurément morts. Très autoritaire, le père de François lui avait interdit de sortir avec Noëlla. Il voulait qu’il épouse Hermine, suite à un arrangement avec la tante de celle-ci. Yves Glénan est très attiré par Gaud Jagu, qui vend ses créations aux touristes. Il rencontre aussi la non moins séduisante Hermine, qui a quitté la maison de sa tante. C’est grâce à Gwenn, qui passe pour un simplet, que le policier retrouve le cadavre de Noëlla dans les marais. La jeune fille se serait suicidée. Quelques jours plus tard, le corps de François est, à son tour, découvert dans une grotte. Il a été poignardé. Yves Glénan cherche à définir les relations exactes entre François et les trois jeunes femmes. Les lettres trouvées le laissent perplexe. Quand le père de François s’attaque à Gwenn, le policier doit user de la force. La mère de Noëlla, Gaud Jagu, Hermine, et sa tante, quatre suspectes auxquelles Yves Glénan rend visite, jusqu’à l’affrontement avec la coupable…

 

Si ce roman reste sombre, Serge Laforest est ensuite l’auteur d’une tétralogie villageoise, quatre comédies policières hilarantes ayant pour héros un duo de gendarmes. Le chef est le brigadier Stanislas Belhomme, un grand Tourangeau athlétique, aux yeux d’un gris bleuté, au visage énergique mais d’expression aimable. Il parlait d’une voix tranquille et grave. Ses uniformes étaient de bonne coupe car, en plus de sa solde, il possédait des revenus personnels. Il est assisté par le gendarme Pietro Carbucci un Corse trapu au regard perçant et noir. Selon les circonstances, il s’exprimait d’un ton cassant ou, au contraire, d’une voix sucrée et insinuante. Rien ne le réjouissait davantage que de faire dire à un témoin le contraire de ce qu’il avait raconté cinq minutes plus tôt. Ils vont être confrontés à d’amusantes ambiances de bourgades perdues, où se produisent néanmoins des crimes mystérieux. Les noms des personnages (Victor Ratichon, Justin Verdevin, Athanase Tranchemuse, etc.) suffisent à comprendre qu’on est là dans un humour bon enfant, qui n’est pas sans rappeler certains romans de Charles Exbrayat. Ces intrigues racontées avec fluidité sont extrêmement agréables à lire.

 

Un pas en enfer (1967)

LAFOREST-3Félicie Mouillon possède un visage ingrat, mais un corps de rêve. Comme elle n’est pas farouche, tous les garçons de la contrée ont droit à ses faveurs. Cette jeune paysanne semble aimer faire l’amour, pas de raison de s’en priver. Si sa réputation au village et dans le secteur n’est pas brillante, elle s’en accommode. Et puis ses parents, un peu primaires sans doute, n’y trouvent rien à redire. Voilà donc une situation qui convient à tous. Quand Félicie disparaît, sa famille finit par alerter la gendarmerie. Le brigadier Belhomme et le gendarme Carbucci tentent d’établir les faits. Une fugue de Félicie ? Peu crédible pour une fille satisfaite de son sort. Un jeune amoureux qu’elle aurait repoussé et qui se serait vengé d’elle ? Impensable, puisqu’elle était toujours d’accord. Un voisin n’aimant pas le père Mouillon, qui s’en serait pris à sa fille ? Difficile à croire. D’autres suspects sont possibles. Tel le fils du comte des Entrailles, Thierry. Celui-ci a fait de la prison pour meurtre et affiche un comportement curieux. Il affirme bien aimer Félicie. Et cette vieille vipère d’Anna Grellon ? Elle se veut garante de la vertu dans la région. Certains n’ont pas peur d’elle, et le montreront bientôt. Quelques jeunes hommes du village font aussi preuve d’une bizarre nervosité depuis le début de l’affaire. Tout en courtisant l’institutrice locale, Fernande, le brigadier poursuit son enquête. Il doit parfois freiner son fougueux adjoint. Mais les deux gendarmes ne sont pas les seuls à chercher le coupable…

 

Malemort (1967)

LAFOREST-2On retrouve ici le brigadier Belhomme et son adjoint Carbucci, qui officient dans une autre bourgade. Belhomme a épousé l’institutrice Fernande. Les gendarmes sont confrontés à une nouvelle affaire villageoise. Édouard Fluet est le jeune directeur d’une usine récemment installée sur la commune. Une initiative de son père, Germain Fluet, pour de sombres raisons fiscales. Édouard Fluet est un séducteur cynique, qui s’amuse avec les plus belles de ses employées. Il parait qu’il doit prochainement épouser la fille du notaire Circuy, jolie fille sans cervelle. Ce que la marquise de la contrée, fine mouche, considère comme une absurdité. Multipliant les aventures sexuelles, Édouard finit par être détesté de toute la population. La mort de Valérie Cloque est un suicide, c’est exact. Toutefois, le motif de ce suicide, c’est qu’elle était enceinte à cause d’Édouard. Quand celui-ci est retrouvé assassiné dans l’étang gelé, comment ne pas penser à une vengeance du père de Valérie ? Ou peut-être à celle d’un amoureux de la jeune suicidée. Le gendarme Carbucci s’intéresse de près à la jeune Suzanne, qui affirme n’avoir jamais cédé à Édouard. Le brigadier Belhomme recense les ex-conquêtes de la victime. Albertine et Irma sont deux pestes rancunières. Sidonie serait la maîtresse du moment d’Édouard. M.Foigras n’est pas moins suspect. Sous-directeur sur le départ, il en profite pour diriger maintenant l’usine. Quant à la marquise, ses trop bonnes déductions et ses promenades près des lieux du crime, permettent aussi de la soupçonner. Un second meurtre relance l’enquête. Mais si on s’en prend à Suzanne, Carbucci voit rouge…

 

LAFOREST-4Le même duo enquête dans deux autres romans de la même collection. Le mort revient (1967) a pour décor Tendrelieu, charmant village provençal de six cent âmes. Natives d’ici, trois sœurs jumelles âgées de dix-sept ans, Barbe, Julietta et Zoé, filles d’Eusèbe Culevez, possèdent une réputation diabolique. Des évènements inquiétants secouent bientôt Tendrelieu. Quand le vin est tiré (1968) se déroule dans le tranquille village de Troufignolle, commune vinicole proche de l’océan. À bien y regarder, la population est nettement plus excitée (par le vin et le sexe) qu’on peut le croire. C’est autour de l’anglaise Mabel Fayce que se noue une délicieuse intrigue burlesque… Dans ces deux histoires fort drôles, Stanislas Belhomme et Pietro Carbucci ont souvent fort à faire pour calmer les habitants, et ne découvrent pas sans difficulté la vérité des faits. Je ne sais si "Trois coups pour un", son dernier roman publié en 1969 dans cette collection, appartient à la même série. Des romans à redécouvrir, sans nul doute...

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3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 05:48

 

Roger Vilard (1921-2004, de son vrai nom Roger Valuet) fut un gros producteurs de romans dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir, de 1960 à 1986. Il fit partie des piliers du Fleuve Noir de cette époque. Sur la quantité, l’originalité n’était peut-être pas toujours au rendez-vous. Néanmoins, comme tous les auteurs de cette génération, Roger Vilard savait installer des intrigues solides. Il joua souvent avec l'ironie du destin de ses personnages, une fatalité sombre. En témoignent quelques-uns de ses titres de la décennie 1960, qui restent très plaisants à lire. Voici une sélection de cinq romans.

 

Quand Carla chantait (1965)

VIL-1Dick Anderson est un petit chanteur sans réel talent. Il cohabite avec son amie chanteuse Poussy Parker. Tous deux ont été engagés pour la tournée dont Carla Volnay, artiste confirmée, est la vedette. Rapidement, Carla s’intéresse à Dick, plutôt pour son charme que pour ses qualités de chanteur. Il devient son amant. Son gigolo, plus exactement. Carla est fortunée, contrairement à lui. Marc, le chauffeur et ex-amant de la jeune femme, a laissé la place mais reste dans l’ombre. L’antipathie entre Dick et Marc est grandissante. Finalement, Carla épouse Dick. Ce qui apporte une petite notoriété à Dick, mais rien de plus. Il n’est pas question pour Carla de donner de l’argent à Dick, ni d’aider sa carrière. Dick songe à éliminer sa femme. Pas difficile, puisqu’il est son chauffeur. Il suffit de rater un virage en montagne, et de sauter à temps. Le scénario ne se déroule pas comme prévu. Dick devient plus prisonnier de la belle maison de Carla, qu’il ne le serait en prison. Et il doit se méfier de Marc, qui pourrait dénoncer le faux accident. Pour compliquer encore, voilà que la belle Poussy Parker s’en mêle…

 

La mort en tubes (1966)

VIL-3Jean-Claude Dubois est un dilettante, ne cherchant un boulot que lorsqu’il n’a d’autres choix, par besoin d’argent. Il est engagé par Honoré Beauchardon, le directeur d’une usine de tubes en acier. Celui-ci reçoit des lettres anonymes menaçantes. La présence de Jean-Claude à ses côtés va le rassurer. Qui Honoré doit-il soupçonner ? Ses trois associés ont des raisons d’être mécontents, car la société est de plus en plus déficitaire, alors que le directeur n’a pas baissé son train de vie. Jean-Claude les trouve fort antipathiques, ces trois-là. Suspecter Antoine Lorimay, le secrétaire ? Un arriviste auquel on ne peut accorder aucune confiance, selon Jean-Claude. Peut-être le danger vient-il de la maisonnée d’Honoré, finalement ? La fille de sa femme est une peste, pas méchante. Par contre, l’épouse d’Honoré a un curieux comportement. Avec la complicité du chef d’atelier Doutremont, Honoré traficote quelque chose. Cette manière d’écarter les gêneurs quand il reçoit un visiteur italien le prouve. Les livraisons gérées par Doutremont mériteraient qu’on en sache plus. Mais, à trop de mêler des affaires d’Honoré, Jean-Claude risque d’être impliqué dans un meurtre. Et même de devoir prendre la fuite, en attendant de démontrer son innocence.

 

Le bateau des nuits blanches (1967)

VIL-2Lourdais sort de prison. Il n’espère aucune aide de Toinon, qui fut un temps sa protégée. Il ne compte pas non plus sur Berdici, un truand qui le considère comme un demi-sel, quasiment un cave. Lourdais a le sentiment d’être plus malin que ne l’imaginent les autres. S’il a la chance avec lui, tout ira bien. Ce serait un juste retour des choses après son incarcération. Il élabore un plan assez simple. Il s’agit de s’emparer du pactole que transporte Plangois, prêcheur quêtant pour une Église américaine. Il va prendre le même bateau que lui vers l’Amérique, où débutera pour lui une nouvelle vie. Utilisant l’identité de Paul Mérard, Lourdais se sent dans un état d’esprit optimiste. Trouver de l’argent pour monter l’opération ? Quelques nuits avec la riche Élise de Belois, qui va être victime d’une crise cardiaque, et le voici prêt. À bord du bateau, Plangois n’a pas le temps de se défendre. À peine entre-t-il dans sa cabine que Lourdais le supprime. Meurtre sans ennuis, d’autant qu’il a un alibi grâce à la belle Laura. Le commissaire de bord annonce bientôt qu’un des passagers est policier. Il va mener son enquête sans se faire connaître. Lourdais s’inquiète un peu, mais doit conserver le comportement d’un innocent. (Un de ses meilleurs suspenses : une très belle ambiance cynique et noire, la tension s'intensifiant encore vers la fin)

 

La dernière séquence (1967)

VIL-4Le cinéaste Ludovic Andromay tourne son nouveau film dans des conditions un peu particulières, sur la mer. En effet, il s’agit de l’histoire d’un petit groupe de Résistants s’emparant d’un yacht pour gagner l’Angleterre. Quand une vedette allemande tente de les intercepter, un officier blessé va être soigné à bord du yacht. L’héroïne, une Résistante, va tomber amoureuse du bel Allemand… Sur le bateau loué par Gérard Toussaint-Dupuis à la production, c’est l’effervescence. Gérard, sa fille Valérie et son assistant Jean Sainton, ne trouvent plus leur place face à l’invasion d’acteurs et de techniciens. Ambiance excitante, qui ne leur déplait pas. Jean Sainton va faire de la figuration. Gérard est séduit par la belle Évelyne, comédienne, fille de l‘accessoiriste Dédé. Valérie observe les tensions dans l’équipe de tournage. Plusieurs acteurs parmi les seconds rôles n’apprécient guère le couple star, Cora et Didier Paulin. Un couple qui va plutôt mal, à vrai dire. Perfectionniste, le cinéaste Andromay fait tourner de jour une première version de la scène de l’abordage, qui aura lieu de nuit. Comme prévu, Cora tire sur l’officier allemand. Didier Paulin devrait jouer le blessé, mais il est mort. Gérard se prend pour un détective amateur, mais son enquête ne mène à rien. Le policier Domain arrive sur le yacht…

 

Chantages en chaîne (1969)

VIL-5Souffrant d’un léger handicap, Léon est amoureux de sa jeune et jolie voisine Olga. Léon n’est ni vraiment beau, ni riche, ni courageux. Olga a pour amant un minable proxénète, Robert, qui envisage de la mettre bientôt sur le trottoir. Cette nuit-là, Léon a un peu de chance. Alors qu’il épie sa belle, planqué sur le toit de leur immeuble, il est témoin d’autre chose. Deux truands partagent le butin d’un coup, qu’ils ont réussi en causant une victime. Charles et Dédé n’étant pas d’accord, ça finit par des coups de couteau. Blessé, Dédé s’enfuit, laissant Charles mourrant. Léon récupère les billets et les brillants, puis s’en retourne chez lui. Quand intervient la police, la thèse d’un banal règlement de comptes entre truand n’implique nullement Léon. Enrichi, celui-ci entreprend de faire des cadeaux à Olga pour la séduire. Pourquoi refuserait-elle ? Robert n’est pas très futé, mais il fait vite le rapprochement entre les truands et Léon. Il fait chanter Léon. Jacki, un autre proxénète, indic de la police, connaît bien Dédé. Il compte tirer parti de ce qu’il sait, sans en parler aux flics. Soigné, Dédé espère récupérer son butin. Il ne tarde pas à comprendre que Robert cherche la même chose, sans réaliser le rôle de Léon. (Une très bonne comédie policière, un roman malin)

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 05:40

 

André Picot fait partie de la grande famille des auteurs oubliés, bien qu’ayant publié une bonne quinzaine de romans policiers. Instituteur né en 1923, il commença à écrire des nouvelles dans les années 1950, avant de publier un premier roman en 1955, Le don de mort (Éd. Ciel du Nord). Avec son deuxième titre, In-Extremis, André Picot entre dans la collection Crime Parfait des Éditions Arabesque. De très bons auteurs populaires, tels Fred Kassak ou Georges-Jean Arnaud (sous le pseudo de Saint-Gilles) contribuèrent à cette collection. André Picot y produit huit titres (dont le dernier est signé Marc Noël). Puis il va publier six romans dans la collection Le Masque, certains co-écrits avec M.Roland. Sous le pseudo d’André Berger, il a encore écrit Ordonnance de non-lieu paru en 1977 au Fleuve Noir, dans la collection Spécial-Police. Retour sur deux titres de cet auteur.

 

In-Extremis (Éd. Arabesque, coll. Crime Parfait, 1957)

PICOT-1Joëlle est une institutrice âgée de 22 ans. Une nuit, elle est abordée à un arrêt de bus par un inconnu. Sans explication, il la conduit à l’hôpital le plus proche, à Créteil. Le banquier Pierre Rival est mourant, suite à un accident de voiture sans doute provoqué. Il demande à Joëlle de l’épouser, afin que son frère Jacques Rival n’hérite rien. Troublée, la jeune femme accepte. La voilà future héritière d’au moins un milliard. Ce qui n’est pas pour déplaire à tante Gertrude, qui l’a élevée et avec laquelle elle vit. Mais le détective Maurice Didier la met en garde. Probable assassin de son frère, Jacques Rival cherchera à lui emprunter de l’argent, par la menace ou en abusant de sa candeur.

Au lendemain d’une visite chez elles de Jacques Rival, la tante Gertrude est assassinée, étranglée. Le choc psychologique est pénible pour Joëlle, qui va s’installer dans l’hôtel particulier du défunt Pierre Rival, à Neuilly. Tout le monde se montre protecteur avec elle, surtout le vieux maître d’hôtel Joseph. Néanmoins, sa place est-elle là ? Elle a besoin d’un petit séjour de repos en clinique. Heureusement, Maurice Didier veille sur Joëlle. La culpabilité de Jacques Rival est bientôt prouvée. Ainsi, Joëlle peut épouser le détective. Maurice et Joëlle partent au soleil. Ce qu’ignore la jeune femme, c’est que son cynique mari est animé de mauvaises intentions. Les incidents qui jalonnent la suite risquent de rendre Joëlle à demi-folle, tandis que Maurice profite de sa fortune. L’inspecteur Truelle y mettra bon ordre…

 

Il faut mourir à point (Le Masque, Grand prix du Roman d’Aventures 1965)

PICOT-2Une petite ville de banlieue parisienne. Aujourd’hui retraité, l’ancien commissaire Rousseau observe ses concitoyens avec curiosité. Manière de passer le temps. Et de relever des comportements insolites. Par exemple, cet adolescent qui attend à la sortie de l’école. Que fait-il là, un appareil photo à la main ? Il semble suivre un des professeurs dans le bus, puis le métro, jusqu’à Paris. Intrigué, Rousseau parvient à les filer, lui aussi. Le professeur rencontre une jeune femme dans un hôtel. L’adolescent essaie de le prendre en photo, avant de rentrer en banlieue. Il se rend chez un certain Moutel. Renseignement pris, ce Moutel n’inspire guère la sympathie. Ancien inspecteur d’académie, il s’avéra sans pitié envers les enseignants, y compris concernant son fils Pascal. Il brisa la carrière de plusieurs personnes. En outre, c’est un féroce militant politique. Depuis vingt ans, au nom des valeurs morales, il prétend dénoncer ce qu’il estime être des combines. Possédant des dossiers sur tout le monde, il a détruit des gens, les poussant parfois au suicide.

Lorsqu’on retrouve Moutel assassiné chez lui, sa mort ne peine personne, pas même son épouse. Son fils Pascal a naguère subi ses excès de rigueur. Aurait-il, lors d’une explication violente, tué son père ? Le meurtrier peut aussi bien être Dubois, le professeur (marié) que l’adolescent Toni a pris en filature. Dubois est l’amant de la jeune enseignante Nelly. Celle-ci pourrait aussi figurer parmi les suspects. Vengeance politique, crime passionnel, meurtre pour éviter un scandale ? L’ancien policier mène une enquête parallèle auprès des relations de Moutel, investigations qui risquent de bientôt s’enliser. Sans doute la police soupçonne-t-elle en priorité Pascal Moutel, mais il faut retrouver l’arme du crime pour faire avancer l’affaire.

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 05:46

 

Il est probable que tous les admirateurs de Sherlock Holmes se sont déjà procurés cet ouvrage paru fin 2008. Si j’aime relire à l’occasion les textes de Conan Doyle, voire les nouvelles versions (dont celles de René Réouven ou de Ugo Pandolfi), j’ai longtemps pensé que ce livre ne s’adressait qu’à ces passionnés qu’on nomme les Holmésiens, où à de rares amateurs de littérature populaire. En feuilletant à nouveau le "Dictionnaire Sherlock Holmes" de Lucien-Jean Bord (Éd.Le Cherche-Midi, coll.NéO), je réalise avoir eu tort.

Car, finalement, si cet ouvrage érudit apporte son témoignage sur l’univers de Sherlock Holmes, c’est autant l’évocation de la Grande-Bretagne et du monde dans la seconde moitié du 19e siècle. Les contemporains bien réels de Conan Doyle, nous sont souvent mal connus. On a oublié la violoniste Wilhelmina Norman-Neruda (A Study in Scarlet). De quoi parle Sherlock Holmes lorsqu'il dit au Dr Watson de prendre le gazogène ? À moins d'être un vieux Londonien, on s’y perdrait entre les rues existantes et les adresses imaginaires inventées par Arthur Conan Doyle. DICO-SHERLOCKQui est cet Henry Beecher, dont le Dr Watson a placé un portrait au-dessus de ses livres ? Si Holmes s'empare d'un stick de chasse, tout Anglais de l'époque victorienne voit exactement quel objet il tient à la main. Aujourd’hui, qui sait à quoi correspond cette balle de jezail qui a failli coûter la vie au Dr Watson ?

La vie du détective de Baker Street ne s'est pas limitée aux textes, courts ou longs : le dictionnaire recense ses nombreuses enquêtes portées à la scène théâtrale, à la télévision, à la radio, ou au cinéma. Y figurent toutes les adaptations et les interprètes de ses aventures. Qu’on se rassure, le professeur Moriarty et d’autres adversaires bien connus de Sherlock y sont présents. Sans oublier tout ce qui concerne l’inévitable ami et témoin, le valeureux Dr Watson. Les journaux d’alors et les protagonistes des histoires de Sherlock Holmes sont ici cités, des plus glorieux aux plus modestes.

C’est véritablement le bréviaire de l’univers de Sherlock Holmes, la bible de ses aventures, la référence des adaptations de l’œuvre. Principalement réalisée à partir de documents d'époque, l’iconographie complète les notices de ce dictionnaire. Le visage de Londres et du Royaume-Uni a évolué, ces documents en témoignent non sans émotion. Outre les décors et quelques personnages historiques, on peut visualiser par exemple les armes de l’époque. On trouve aussi plusieurs index, qui permettent de retrouver tel personnage ou objet (même anodin en apparence) rencontré dans les enquêtes et aventures créée par Arthur Conan Doyle. Riche, ce dictionnaire est très riche…

Lucien-Jean Bord a réalisé un remarquable travail, détaillé à souhait. En effet, chaque renseignement recueilli est devenu définition, pour nous éclairer sur l’œuvre et sur l’ambiance de celle-ci. Feuilleter ce livre, retenir ici ou là un nom, une notice, une illustration, c’est aussi se souvenir de l’illustre Sherlock Holmes. Et ça donne envie de relire Arthur Conan Doyle, évidemment.

On peut cliquer ici pour ma chronique sur "Le chien des Baskerville", ou sur "La vendetta de Sherlock Holmes" d'Ugo Pandolfi, ou sur "Histoires secrètes de Sherlock Holmes" de René Réouven. Chez Rayon Polar, j'ai aussi évoqué la BD "Sherlock" (T.1 : "Révélation") de Didier Convard, Eric Adam et Jean-Louis Le Hir.

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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 05:58

 

GOURDONa3Michel Gourdon GOURDONa14est décédé mi-mars 2011. Il était né le 20 novembre 1925 à Bordeaux. Il a été étudiant aux Beaux-Arts de Bordeaux de 1941 à 1945. Dès l’année suivante, il débute sa carrière professionnelle à Paris dans le dessin animé. Puis il s'essaie au dessin industriel, réalise des dessins pour les couvertures d’un magazine de vulgarisation scientifique, et se fait remarquer par ses pin-up de Paris-Flirt. Durant ces années, il collabore également à Nous Deux, aux éditions Ferenczi et aux éditions Mondiales.

 

En 1950, Armand De Caro crée le Fleuve Noir. Il engage Michel Gourdon, lui confiant presque toutes les collections à illustrer (sauf la série Anticipation). GOURDONa6Michel Gourdon dessine chaque mois jusqu'à vingt couvertures. Il est le créateur physique de San-Antonio, GOURDONa9le héros de Frédéric Dard. Le comédien Gérard Barray lui sert de modèle, avant d’incarner le commissaire San-Antonio au cinéma. Son style reste caractéristique.

 

Michel Gourdon a dessiné environ 3500 illustrations pour le Fleuve Noir jusqu'en 1978. Ensuite, il participe à divers magazines et à la création graphique de campagnes publicitaires. En 1984 paraît NOIR aux éditions Publicness. Cet ouvrage contient de nombreuses illustrations de Michel Gourdon, une préface du Prince Murat et un texte de François Rivière.

 

Petit hommage à un grand illustrateur,GOURDONa4 à GOURDONa10travers quelques-unes de ses couvertures.

Spécial-Police, Espionnage, Angoisse, L'Aventurier, San-Antonio, Grands Romans, les collections du Fleuve Noir sont indentifiés par les illustrations de Michel Gourdon.GOURDONa2

 

 

 

 

 

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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 07:20

 

Né en 1894, Dashiell Hammett est décédé le 10 janvier 1961, il y a tout juste cinquante ans. Fin 1922, il intègre l’équipe du magazine Black Mask, qui publie des nouvelles criminelles. Hammett devient très rapidement le chef de file du mouvement littéraire hard-boiled, dont les héros sont des durs-à-cuire. Il devient l’exemple à suivre pour les autres rédacteurs de Black Mask. Son sens des dialogues, l’utilisation du langage de la rue, de l’argot, ses descriptions par touches successives, précises, la force du rythme de ses phrases : tout ce qui définira son style apparaît déjà dans les premières nouvelles dit Natalie Beunat, en préface de Coups de feu dans la nuit. Cet Omnibus, qu’elle présente et supervise (en VF), propose soixante-cinq nouvelles (dont neuf inédites en français) réunies pour la première fois en un seul ouvrage.

HAMMETT-2011Père du Roman Noir, Dashiell Hammett fut lui-même un personnage singulier. Son œuvre fut écrite en quelques années seulement, de 1922 à 1934. Pour bien situer l’auteur, il est souhaitable de lire d’abord les deux préfaces, dont celle de Richard Layman, biographe de Hammett. Le texte de la petite-fille de Dashiell Hammett, Julie Marshall Rivett, intéresse aussi les admirateurs de l’écrivain.

Cinq magnifiques romans et leurs adaptions à l’écran ont apporté la notoriété à Dashiell Hammett. Ils ont été re-traduits et réédités en un seul volume dans la collection Quarto, chez Gallimard. Néanmoins, ses nouvelles offrent une autre approche aux lecteurs. De nombreux livres historiques et une multitude d’informations variées permettent de se documenter sur l’Amérique des années 1920-1930. Bien qu’étant des fictions, les textes d’Hammett donnent tout autant un témoignage sur l’époque, une illustration vivante du contexte. Car l’écrivain observa sans nul doute le monde de son temps, et pas seulement quand il fut détective (de 1919 à 1921) pour Pinkerton.

L’ensemble des protagonistes de ses histoires semblent issus de la réalité, décrits avec justesse. Il n’étale pas leur psychologie, puisque leur comportement et les faits suffisent à les comprendre. Voici un exemple d’une situation exposée clairement, indiquant une ambiance en quelques phrases. Le plancher vacilla sous mes pieds. Les fenêtres vibrèrent avec une violence qui dépassait l’intensité de l’orage. Le fracas assourdi d’une grosse explosion couvrit les bruits du vent et de la pluie qui tombait. Sans être toute proche, la déflagration n’était pas assez éloignée pour s’être produite hors de l’île. Grâce à pareille concision, les faits sont partagés et ressentis par le lecteur, bien mieux qu’en délayant la scène ou en prêtant au personnage d’inutiles hypothèses.

Au fil du temps, les nouvelles d’Hammett contiennent davantage de violence, pour obéir au thème de Black Mask. Pourtant, il évite généralement de montrer crûment les meurtres, n’en rajoute pas sur la brutalité. Si son héros est en difficulté, il fait face aussi sereinement que possible au danger. Je levai les mains. Je n’étais pas armé, n’ayant pas pour habitude de me munir d’un pistolet, sauf lorsque je sais que je vais en avoir besoin. Et mes poches auraient pu être bourrées d’une douzaine de flingues, ça n’aurait pas changé grand-chose. Je ne déteste pas tenter ma chance, mais elle n’existe pas lorsqu’on fait face au mufle d’un automatique qu’un homme décidé braque sur vous.

Histoires de détectives privés, avec le Continental Op (l’agent de la Continental) et, bien sûr, Sam Spade faisant ses premières apparitions dans ces nouvelles. Il faut rappeler que ce sont des hommes mûrs, des enquêteurs efficaces. S’ils sont dans l’action, rien à voir avec des super-héros dotés de facultés supérieures. Ils font leur métier, cherchant à définir la vérité, le plus humainement possible. La jungle urbaine est leur terrain de prédilection. Ils ne sont pas confrontés qu’aux gangsters ou à la Prohibition. Les combines tordues et les criminels les plus retors, souvent peu soupçonnables, tel est l’univers de ces détectives.

Dans chaque texte, les intrigues sont diablement bien pensées et développées. Un humour certain est perceptible dans nombre de ces nouvelles. Pour ne citer qu’un exemple, L’ange de l’étage (1923) offre un joli clin d’œil : Le squelette d’histoire que la fille lui avait raconté par-dessus les reliefs de son repas pouvait, grâce à un minimum d’efforts, se muer en une longue nouvelle qu’il n’aurait aucun mal à placer. Les histoires de truand étaient toujours très demandées, et celle-ci comporterait une monte-en-l’air femelle piquée sur le vif. Gardons évidemment le suspense sur le savoureux dénouement de l’affaire.

Dashiell Hammett ne fut pas un simple raconteur d’histoires. À travers ces nouvelles, on comprend sa volonté de créer une intensité, une force narrative, et certainement une forme de témoignage. Son style direct lançait les prémices du Roman Noir, dont il est pour tous les passionnés et pour toujours le créateur. Ces Coups de feu dans la nuit pourraient bien devenir le livre de référence des amateurs de noirs polars.

 

En complément, on peut aussi lire ou relire les "Interrogatoires" de Dashiell Hammett (Éd. Allia, 2009), document essentiel sur l'auteur.  

HAMMETT-2009Dans les années 1950, le maccarthysme et sa paranoïa anti-communiste créent aux Etats-Unis un climat dangereusement malsain. En ces temps de Guerre Froide, on accuse bon nombre d’intellectuels de sympathies pour la cause communiste. S’il se qualifie toujours d’écrivain, Dashiell Hammett n’a plus produit de romans ou nouvelles depuis fort longtemps. En 1946, il a été élu président du Congress of Civil Rights de New York, groupe ayant institué un fonds de cautionnement visant à faire libérer les militants de gauche arrêtés pour raisons politiques. Après que quatre d’entre eux se soient soustraits à l’obligation de comparaître devant un tribunal, Dashiell Hammett et d’autres administrateurs du Congress of Civil Rights furent convoqués en justice. Son témoignage, le 9 juillet 1951, constitue le premier interrogatoire de ce livre. Hammett refuse de répondre à toutes les questions concernant les quatre fugitifs, ainsi que sur son éventuel militantisme communiste. Il invoque le Cinquième Amendement de la Constitution américaine (qui permet à tout citoyen de ne pas témoigner, si la réponse peut lui porter préjudice). Les initiales DH figurent sur des documents de cautionnement. Hammett reconnaît le fait, sans admettre qu’il s’agit de sa signature. Quant à fournir les livres de compte de son association, il n’en est pas question. Dashiell Hammett va être condamné à six mois de prison (pour outrage à magistrat).

Le deuxième interrogatoire intervient le 24 mars 1953, devant une sous-commission sénatoriale. Cette fois, on est dans le cadre de “la chasse aux sorcières”, sous l’égide de Joseph McCarthy, même s’il n’est pas présent. Dans ce document (nouveau, car disponible depuis 2003), Hammett témoigne de ses activités d’écrivain. On veut encore lui faire avouer des sympathies communistes, lui demandant si ses textes évoquent des questions sociales. Il cite sa nouvelle Night Shade, qui traite plutôt des problèmes raciaux entre Blancs et Noirs. Deux jours plus tard, le 26 mars 1953, Dashiell Hammett est entendu pour un troisième interrogatoire, cette fois en présence de McCarthy. L’une des principales questions est la suivante : est-ce ses droits d’auteurs ont partiellement servi à financer des activités communistes aux Etats-Unis. Sur le sujet, Hammett invoque toujours le Cinquième Amendement. Le sénateur McCarthy ne manque pas de l’interroger sur ses idées politiques. On appréciera les réponses (réfléchies) de Dashiell Hammett.

Il faut se souvenir de la forme solennelle des procès et des auditions de ces commissions dirigées par Joseph McCarthy, telles que quelques documentaires nous les ont montrées. La froideur méprisante - voire ironique - des accusateurs, si sûrs d’incarner le patriotisme et la justice, est effrayant. Purs exemples du délit d’opinion, indignes d’une nation prétendant défendre la Liberté, qu’aucun complot subversif ne menaçait. Remarquable témoignage sur la personnalité du principal pilier du Roman noir, en un temps où le militantisme n’était pas une idée abstraite. Traduits et présentés par Natalie Beunat, ces “Interrogatoires” constituent un document extrêmement intéressant.

Cliquez ici pour l'interview de Natalie Beunat, autour du livre "Dashiell Hammet, mon père" (de Jo Hammett)

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30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 07:14

 

Après Le diable en robe bleue (1991), Une mort en rouge (1994) était la deuxième aventure d’Easy Rawlins (qui en vivra six autres). Retour sur cet excellent roman de Walter Mosley…

Los Angeles, 1953. Âgé de trente-trois ans, Ezekiel Easy Rawlins est un Noir originaire du Texas. Après avoir participé à la guerre en Europe, il s’est installé dans le quartier de Watts. Une précédente affaire lui ayant fourni un paquet de dollars, Easy a investi dans plusieurs immeubles locatifs. Il en laisse la gestion à Mofass, préférant apparaître comme un type peu friqué. Son discret bizness a pourtant attiré l’attention de l’agent du fisc Lawrence. Convoqué par ce dernier, Easy risque de lourdes sanctions. Il se trouve aussi impliqué dans une autre embrouille. Venue du Sud, la belle EttaMae débarque chez Easy avec son gamin LaMarque. MOSLEY-1aSi Easy est amoureux de la jeune femme depuis longtemps, EttaMae est la compagne de son meilleur ami, Mouse. Celui-ci ne tardera sûrement pas à se pointer à L.A. pour la retrouver. Easy installe EttaMae et LaMarque dans un de ses immeubles. Il essaiera de régler le moment venu le cas du couple.

L’agent du FBI Craxton propose un marché à Easy afin de lui épargner des soucis fiscaux. En ces temps où la chasse aux communistes bat son plein, les autorités ont en ligne de mire le nommé Chaim Wenzler. Il s’agirait d’un syndicaliste juif, d’un agitateur complotant contre l’Amérique, masquant ses activités subversives en aidant une paroisse de Noirs. Easy doit l’approcher grâce à ses relations au sein de l’Église des premiers Baptistes africains. Dès le premier contact, Easy sympathise avec Chaim, qui collecte des vêtements pour les nécessiteux. Ancien résistant en Pologne durant la guerre, celui-ci a du mal à s’intégrer, victime du même ostracisme que celui visant les Noirs. Easy retrouve la piste de Lavender, autre syndicaliste ayant eu des ennuis. Pour le moment, cet homme-là est plus préoccupé par le violent mari de sa maîtresse que par les luttes syndicales.

Le suicide de Poinsettia Jackson, une des locataires d‘Easy, entraîne quelques problèmes avec la police. Mofass n’étant pas un tendre, elle risquait d’être expulsée pour loyers impayés. Easy s’en veut de n’être pas intervenu. L’agent du fisc Lawrence continue à le tarabuster, faisant même poser des scellés sur la maison d’Easy. Aider son ami Mouse à renouer avec EttaMae et leur fils, ou tout plaquer pour refaire sa vie avec femme de son copain, perturbant dilemme pour Easy. Trouver d’improbables preuves contre son ami Chaim, dont la fille Shirley est ravissante, ce serait trahir sa confiance. Easy s’enlise dans une situation impossible, qui va bientôt se compliquer encore.

Dans les locaux de l’Église des premiers Baptistes africains, le révérend Towne et une jeune inconnue sont assassinés en pleins ébats. La police interroge vigoureusement Easy. Mais c’est pour le meurtre de sa locataire Poinsettia Jackson qu’il va être inculpé. Craxton, le type du FBI, sort provisoirement Easy des griffes policières. Les activistes de la Migration, prônant le retour des afro-américains en Afrique, pourraient être soupçonnés d’avoir supprimé Towne. Que tout ne soit pas clair dans les finances de la paroisse, c’est sûr. Pourtant, c’est dans une toute autre direction qu’Easy doit chercher coupables et meurtriers…

 

MOSLEY-1bCe héros débrouillard est diablement attachant. Easy Rawlins ne cherche pas à attirer les problèmes, mais se trouve mêlé à des affaires qui l’obligent à s’impliquer. Pour trouver la vérité, rétablir les faits, il encaisse un certain nombre de mauvais coups. Sachant qu’il n’y a aucun temps mort dans l’histoire, Easy Rawlins est en permanence confronté à des péripéties souvent périlleuses. Des dangers mortels le guettent.

Outre l’intrigue déjà riche, le contexte intégral constitue l’atout principal du roman. Grâce aux justes descriptions, on imagine facilement le quartier-ghetto et sa population. Cet immeuble aux locataires modestes, ce bar d’habitués fréquenté par les seuls Noirs, cette communauté paroissiale où la bonne volonté est de mise, ce poste de police où l’on maltraite sans vergogne les nègres, tout apparaît véridique dans cette ambiance américaine des années 1950. La 2e guerre étant récente, et la guerre de Corée s’achevant à peine, les habitants veulent simplement vivre ici en paix, même s’ils vivotent sans grands espoirs, ni moyens. L’entraide, la solidarité reste la moins mauvaise solution. L’ombre du maccarthysme plane sur ce récit. L’obsession anti-communiste forcenée amena d’aberrantes suspicions, dont l’humaniste et pacifiste Chaim Wenzler est un exemple. Walter Mosley utilise avec brio la forme traditionnelle du roman noir pour nous raconter tout cela. Des romans de grande qualité, à redécouvrir (sans doute encore disponibles chez Points).

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28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 07:12

 

Retour sur un livre très singulier de Joseph Bialot, La station Saint-Martin est fermée au public (Fayard, 2004). Évoquons d’abord le contexte…

Début mai 1945, des soldats américains sauvent la vie d’un déporté, véritable zombie agonisant sur les routes allemandes. L’inconnu ayant perdu la mémoire, ils le baptisent Alex. Le jeune homme amnésique est hospitalisé à Metz. Jeune veuve âgée de trente ans, l’infirmière Agnès veille tout particulièrement sur lui. Alex comprend et parle le français, mais son esprit occulte le passé. Le numéro matricule tatoué sur sa peau montre qu’il fut prisonnier à Auschwitz. Sans doute retrouverait-on son nom dans les archives nazies, mais la pagaille qui règne ne le permettra pas avant longtemps. Dans le même service neurologique, Alex fait la connaissance de la suicidaire Clotilde. Issue d’une famille de la bourgeoisie la plus réactionnaire, elle est la fille d’un officier qui fit les plus mauvais choix durant la guerre. Évoquer son défunt père adoré la rend hystérique.

10-BIALOT-2004Avec Agnès, Alex tente de sortir en ville, d’aller au cinéma. Mais c’est à l’hôpital, lieu protégé, qu’il trouve son élément. Le traitement sous narcose lui apporte des bribes de souvenirs. Il fut enfermé dans des camps français, à Gurs puis à Drancy, avant d’être envoyé avec tant d’autres en Pologne. Des images du camp de Majdanek s’imposent bientôt. Tel ce jour de représailles pour les nazis, où il faillit mourir par pendaison. Épargné par les circonstances ou un peu de chance. Il y eut aussi Freddy, médecin prisonnier tchèque aimant la langue française, qui le garda un temps à l’abri dans l’infirmerie. Aujourd’hui, après ces épreuves, Alex réalise qu’à la guerre on est seul, unique dans son courage, spécimen inimitable dans la peur qui taraude les tripes, (…) éternellement solitaire au royaume du chacun pour soi et Dieu pour personne.

Alex se souvient encore d’avoir fait partie de ces animaux humains voués à l’abattage, qu’on transféra finalement à Auschwitz Birkenau en cet été 1943. La survie y était plus infernale encore qu’à Majdanek. Sans l’intervention d’un autre prisonnier ayant quelque influence, il risqua de nouveau la mort. Quand fut décidée par les nazis l’évacuation des camps, commença pour beaucoup de ces déportés une errance chaotique… En juin, Alex rejoint Agnès à Paris, où il va loger chez elle, dans le 13e. Entre restrictions, haine des collabos, attente du retour des prisonniers de guerre, le climat est loin d’être apaisé dans la capitale. Boulevard Raspail, Alex rôde autour de l’hôtel Lutétia où chacun raconte son expérience, attendant les bus rapatriant les survivants. Avec Agnès, ils forment un couple artificiel, tant qu’Alex ne retrouve pas son identité…

L’originalité de ce récit vient sûrement du fait qu’on ne peut pas lui attribuer une étiquette. En effet, si le texte s’inspire d’une histoire vraie, ce n’est pas celle de l’auteur. Ses propres souvenirs de déporté, Joseph Bialot les raconta dans C’est en hiver que les jours rallongent (Seuil, 2002), récompensé par plusieurs Prix. Ici, il s’agit d’une œuvre hybride entre témoignage et fiction. Cette forme littéraire apporte un certain recul par rapport au scènes retracées. Aucun esprit de vengeance n’anime Alex qui, simplement, fouille dans les méandres de sa mémoire défaillante. Néanmoins, on retrouve l’ironie de l’auteur à travers quelques notules, parfois mordante quand il évoque les médiocres collabos : L’Allemand avait transformé en surhommes des malfrats et de ratés, des délirants et des fanatiques, des ambitieux sans scrupules, les perpétuels redoublants aux amours loupés, en fait la foule immense de ceux qui n’arrivaient pas à se situer dans une vie où ils végétaient cahin-caha… Si les polars et autres romans de Joseph Bialot (Grand Prix de Littérature policière 1978) sont fort agréables à lire, celui-ci est un des plus insolites, à redécouvrir.

 

Dans un genre bien plus léger, Joseph Bialot s’est amusé à parodier le roman de Charles Williams Fantasia chez les ploucs en 2006 dans son roman La java des bouseux (Éd.La Branche, coll.Suite Noire).

10-BIALOT-2006Le petit Rémy vit à New York avec son père, Bobby Mac Moch. Ces derniers temps, le climat devient contrariant pour P’pa. Le proprio exige ses loyers, les champs de courses sont mal fréquentés, des dames charitables veulent séparer père et fils. Et puis, le meurtre d’un caïd mafieux cause une sorte de guerre des gangs. Mieux vaut filer vers l’Ouest des westerns. Issu d’une famille compliquée, P’pa a justement son frère Lewis qui habite là-bas, au pays des Indiens. L’oncle Lou est surveillé par des astronomes, les shérifs-adjoints, qui imaginent qu’il ferait du trafic de farine de Medellin. Alors que la farine, elle ne sert qu’aux gâteaux de tante Polly.

Le tournage d’un western crée de l’agitation autour de la ferme de Lou. C’est sûrement un peu de la faute de leur frère, le révérend Elton Ike Mac Moch. Rémy, son père et Lou, rencontrent une “fée” nommée Lucia. Elle vient aussi de New York. Elle campe sur les terres de Lou, avec Cellini qui veille paternellement sur elle. Lou négocie quelques formalités financières avec le protecteur de Lucia. Il lui signale qu’un duo en Land-Rover cherche des fugueuses dans le secteur. Ces bienfaiteurs de la jeunesse, Cellini va leur parler. Il doit finalement les refroidir. Lou, Bobby et Cellini pensent que d’autres malfaisants venus de la ville rôdent par ici. Le shérif de Funny Junction trouve des morceaux de cadavres. Logique, il croit que ça vient du western en tournage. Harrisson Opell, le réalisateur, risque des ennuis, mais ça s’arrange. D’ailleurs, une grande fête est organisée à la ferme de Lou. Les gâteaux de tante Polly se vendent bien, peut-être parce qu’elle a utilisé la farine spéciale de Cellini…

Une version du roman de Charles Williams revue et actualisée par Joseph Bialot qui s’amuse, non pas à parodier, mais à détourner le classique roman noir. Les gangs mafieux sont ridicules à souhait, le western est absolument délirant, et les bouseux s’avèrent plus futés que jamais. Sans oublier des dialogues gratinés, du genre : Avec les nouvelles gélules, pommades, méthodes chirurgicales, on vous transforme n’importe quel tas en top. Et des tops, on en trouve des tas, maintenant. Le progrès, mon frère, le progrès. Un roman débridé qui nous offre un pur moment de plaisir.

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